28/02/2009

L'Encombrement informatique

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Depuis jeudi, ma boite de mail est encombree de mails. Comme la conference de presse pour les evenements aura lieu semaine prochaine, lundi pour pekin, on est en pleine bataille pour les preparations. Dernieres versions docs presse, derniers tirages poster brochure kakemonos backdrop flyers, les invitations constamment modifiees et renouvelles et envoyees selon les demandes et les corrections, et envois, reponses, rappels, negociations, comptes rendus... prenons vendredi, le jour jusqu'ici le plus chaud mais qui ne serait pas plus chaud que demain, dimanche ou l'on se lancera freely pour tout arranger, j'ai eu 84 mail vers midi, j'ai tjrs continue a repondre, mais comme les mels continuaient a arriver, j'en avais encore 87 vers 21h30 quand on s'arretait. Et en ce moment la, j'ai jete un coup d'oeil, il me reste 92 a ouvrir demain matin.

A vrai dire, ca ne m'ennuie pas du tout, bien qu'un peu stressant vu le temps qui passe. Ca m'excite, autant que le memoire de 100 pages, probablement que je les ai vecus pour la premiere fois.

C4est en revqnche mon propre ordinqteur aui co;;ence 0 ;4enb[eter pour ;e provoquer une petite crise ce ;qtin. Mon disc C a ete encombre par je ne sais quel virus mysterieux, et en delenchant le systeme XP, j'ai rendu compte que mon ancien systeme a disparu et tout le Windows a ete comme remis a niveau. Perte de certains documents que je depose sur le Bureau, peu importe, heureusement que j'ai mis les importants dans les autres discs.

Pire est qu'en essayant de faire le set up avec un disc Win XP anglais, l'installation ne peut s'achever; et quand j'utilise l'autre disc en chinois que mon voisin m'a prete, toute indication est desormais en anglais et, une fois accede au Bureau et que je ;e prete q 2crire, je ;e rends compte de ne plus utiliser le clavier francais: a choisir la facon de tape en chinois ou en anglais seule;ent, bien que j'ai suivi correctement les demarches pour ajouter un autre Input de langue. C'est tr7s ennuyeux parce que je suis telle;ent habituee a taper l'anglais et le francais a la francaise(ie: avec le clavier azert), bien que j'ai un clavier anglais(ie: asdfg), et que j'ai du maintenant reconcer aux accents francais tout en ralentissant la tape, afin d'eviter l'inlisible tel que: 3Essqyons d4[etre plus lents aue l4ordinqteur///3

J'avoue que je suis un peu fatiguee ces deux jours, mais comme ces missions me plaisent beaucoup, je m'y laisse emmerger. Les jours coulent ainsi d'une vitesse a la fois surprenante et imperceptible: reveil, metro et lecture, pt dejeuner en attendant le reveil de l'ordinateur du bureau, boulot, blocage ordinateur, dejeuner et chat, cafe et boulot, distribution-snack, fermeture bureau, bus et lecture(a deconseiller en general, mais la ligne que je prends me permet cette pratique..), diner et petit promenade, spectacle ou ecriture ou lecture, dodo.

J'ai senti dans cette vie quelquechose d'inconnu qui forme de petits creux a l'interieur. Ne sais ni les nommer ni en ecrire. J'ai pu toutefois trouve l'un des contenus des creux, grace a une phrase que j'ai recueillie parmi d'autres lors de nos chat: on est en France la ...quand on est ici on est en France. En entendant ca, un sentiment complexe m'a occupee, et le brouillard m'a regagnee dans la tete.


my female soul-mate, jour, Wang Jiasha de Shanghai

25/02/2009

Les leçons d'un petit tremblement de table

La philo-sophia du trou



"Que faire devant un trou? " lorsque j'ai pris cette photo, m'est revenue soudainement la question, the very first, que M. Girard nous a posés dans le premier séminaire de mon parcours Mundus.

Suite à cette question, c'était une invitation à la réflexion et un jeu faussement psychologique qui avait pour but de distribuer les sujets et les exposés à préparer pour les crédits de ce séminaire, l'un de mes favoris.

J'ai pensé à ce moment de jeu intellectuel alors que j'étais dans le bureau, devant cette planche joliment trouée, conséquence d'un petit tremblement de table vers 10H du mat du 16 février 2009: le coup de BOOM~ et des éclats de rire(l'une des signatures de la patronne) de suite dans le bureau à côté ont fait sauter Peng et moi du siège pour aller témoigner de la catastrophe.

Fait: une collègue a essayé de rapprocher un peu sa table en tirant la planche du genre IKEA(ie: 4 pieds+ une planche) vers elle, et la table a résisté à ce geste et s'est éroulée en 1 seconde, emmenant avec elle toutes sortes de feuilles et de post-it, les discs, un téléphone, une tasse dont la poignée s'est cassée, les petits riens, et l'ordinateur.

Ca rend fou de rire, ce spectacle qui nous a chassé le sommeil du début de la semaine--quoique celui-là était loin d'atteindre le niveau dramatique de l'écroulement des Tours Jumelles. Un petit moment d'appréciation de l'effondrement et des désordres remonte le moral, et après coup, Peng retrousse ses manches, dresse la planche, récupére les vis, et tac, la table est refaite.

On a mis une heure pour ménager la géographie du bureau grâce à ce petit moment exceptionnel et, une fois qu'on a reconnecté les fils en-dessus et au-dessous des tables, tout refonctionne tout de suite et on a applaudi l'ordinateur en se moquant de la tasse de thé: ce dernier étant créature performante qui subsiste sans la moindre blessure.

L'ordinateur donne de multiples leçons:
-Point 1: il faut être aussi fort que l'ordinateur malgré les catastrophes artificielles.
-Point 2: il est souhaitable d'être plus rapide que l'ordinateur qui a l'air sot surtout lorsqu'on rentre dans le système Microsoft Offices.
-Point 3: A 12H30 lorsque l'ordinateur bloque, il est préférable de peiner à continuer le travail jusqu'au moment de déj, le plus merveilleux de la journée(ou le plus terrible quand on est combré), que de déclarer d'une manière ou d'une autre la faim: de la patience, encore de la patience, même si ça ronge le coeur et l'estomac.


pieds à pieds



23/02/2009

La vente des têtes chinoises est-elle légitime?

De la chaussure aux têtes en vente, qu'on n'en finisse jamais de parler de la blessure, l'adorazione et la tension autour de et avec ce sacré pays, mon pays, qui est la Chine.

En voilà une nouvelle affaire qui met encore une fois la France et la Chine en deux pôles opposés. D'un côté, c'est la libre circulation des objets d'art, DONT une tête de rat et une tête de lapin en bronze provenant du Palais de Yuan-ming-yuan/Palais d'Eté à Pékin, sur le marché d'enchères Christie's; de l'autre, c'est l'inacceptabilité que ces deux "reliques" qui portent l'empreinte de l'Histoire de l'opium et du fameux pillage de la troupe anglo-franançaise dans le Yuan-ming-yuan soient en vente sur le marché à l'étranger.

l'aspect juridique:

Pour la Chine, c'est chose évidemment nationaliste et c'est au-delà, car on a tant de sensibilité pour cette Histoire mille fois répétée dans les manuels historiques que l'on a presque le réflexe de s'énerver en pensant à l'invasion des armées ouesternes et au terme de la diginité nationale. S'agissant de l'interprétation chinoise des deux têtes en bronze, on sait que c'est truc symboliste, ceux qui ont la connaissance d'histoire de l'art connaissent ce terme. Alors c'est compréhensible, ce zèle pour le pays, et pourtant on n'est pas arrivé à se comprendre et on se laisse coincer devant le tribunal: endroit où l'on trouverait la solution ultime. J'ai lu quelques parts que le droit est le plus bas niveau de l'éthique, j'y crois mainenant, et j'ai compris que, malgré mon intérêt pour le droit, je n'aurai jamais autant de sentiment pour cette discipline que pour les lettres et les arts.

La vente des 8 objets d'art est en cours entre aujourd'hui et le 25 février. Si les têtes rat et lapin se mettront en vente le 25 au dernier moment de la vente, et qu'on peut en supposer une petite proportion d'annulation, c'est qu'un avocat chinois qui vit à Paris a organisé la préparation des dossiers avec une association d'avocats en Chine pour faire avancer une action urgente. Il aurait fallu avoir une bonne connaissance du droit français pour cela; et aujourd'hui qu'on met de plus en plus d'accent sur la judisprudence (qui convient bien au goût chinois), cet avocat a bien envisagé une possibilité de gagner l'action parce qu'il existe un cas exemplaire où Maroc a réussi à annuler une vente dans le contexte pareil.

L'aspect communicatif:

Ces infos m'ont été transmises par un ami journaliste qui reprend les études à Paris. Au fait, je me suis intéressée à cette affaire assez tôt vers mi-janvier. J'étais alors en stage d'une journée avec une journaliste française basée à Pékin, je suis allée faire une interview avec elle par pur hasard, et l'homme qui nous recevait était l'avocat qui est initiateur d'une association d'avocats qui ont pour vocation de faire retourner les anquitités chinoises perdues à l'étranger: c'est bien idéaliste, comme lui-même a affirmé, et c'est en suivant les quelques cas réussis selon la loi anglo-saxonne qu'il a décidé de faire ce geste. La difficulté en est évidente, dit-il, celle de la communication des aspects culturels et juridiques. J'ai dit qu'il y aurait sans doute les gens à Paris qui pourraient aider, au moins sur la première moitié des problèmes.

J'ai proposé cette affaire au journaliste à Paris sans beaucoup d'espoir, ce fait du bien à la santé lorsqu'on fait qch alors qu'on en porte peu ou pas d'espoir. La réponse du journaliste d'il y a trois jours m'a été inattendue. Je n'ai pas pensé qu'ils ont pu contacter un avocat pour s'engager à l'action. Et puis, un communiqué en chinois m'est parvenu pour que je traduise en français.

J'ai eu de la peine pour le finir, car ca a été d'un ton qui ne m'est pas du tout familier. J'ai dit en renvoyant le texte que c'était presque bon. Puis lorsque j'ai vu le communiqué finalisé, dont j'ai bien apprécié l'aspect argumentatif, je me sens assez contente de voir que la moitié de mon texte a été modifié. Sans avoir besoin d'en faire la comparaison, j'ai compris que mon texte ne peut pas être pris car mon hésitation sur l'affaire même se lit entre les lignes: je confirme que de faire une action pour empêcher la vente est geste brave, qu'il faudrait hausser le ton pour au moins faire savoir ce que signifient ces deux têtes pour les Chinois, pour rappeler l'Histoire; mais j'affirme en même temps le bon droit de possession, selon la loi française bien sûr, de la part d'YSL de ces têtes(ce serait comparable avec le cas des parents adoptants qui ont le droit de garder leurs enfants qui ne sont pas obliger de retourner vivre avec les parents qui leur ont fait voire le monde) et je ne suis plutôt pas optimiste pour la réussite de l'action . Si le retour des têtes devenait un cas juridique, de nombreux musées européens s'en serviraient pour se mettrent à accuser l'un à l'autre et faire retourner les oeuvres d'art dans leur propre pays: la France à accuser l'Allemagne, l'Espagne, les Flamands à accuser la France, l'Italie, les Royaumes-Unis et la France à s'accuser l'un l'autre...

Les pays n'agiteront certainement pas comme tel, il y aurait une certaine exception des oeuvres d'art qui les en épargne (et que, pardonnez-moi, je ne sais préciser davantage). Et puis, faisons un saut au gouvernement chinois, les messages que j'ai reçus m'impliquent que le gouvernement s'en fiche plus ou moins de cette vente, les avocats volontaires ne peineraient pas autant pour les démarches juridiques s'il y avait les soutiens /aides de la part des autorités du pays, sans parler que le gouvernement a d'autres choses à s'occuper en ce moment où l'économie s'inquiète de plus en plus. Tout le monde sait bien qu'on ne peut que/il faut bien mettre de la pression, quel que soit le résultat.

l'aspect journalistique:

La diffusion du communiqué de presse, envoyé au nom de l'association Amis du Printemps, est très souhaitée par l'ami journaliste. Je n'ai pas pu le faire à ce début de la semaine où je me laisse bombarder par les méls; le soir, au moment où je prépare ce billet, je lis déjà plusieurs articles sur ce texte et sur l'avancement de l'action qui se déroule à Paris.

J'ai particulièrement aimé ce qu'a écrit Pierre Haski sur le site Rue89 (cliquez ICI pour lire le texte), une longue analyse écrite avec passion. Et ma première réaction, curieusement, c'est que j'ai finalement compris la différence entre la communication et le journalisme! Ca égare le sujet, mais ca a été ce dont Haski parlait à l'occasion d'un séminaire du Festival photo-journalisme Visa pour l'Image à Perpignan l'été dernier, un topic qui angoisse les professionnels en temps actuel et qui fait partie des dites "crises de la presse écrite". De ma part, je crois pouvoir dire que le journalisme, le VRAI, c'est analyse de toute part, clarification de tous les faits et mise-en-contradiction de tous les points de vue, tout se faisant avec l'objectivité et droiture (si ça existe).

Dans le texte de Haski, une possiblité de compromi est déjà prononcée, comme dans plusieurs d'autres médias: offrir à la Chine ces deux têtes comme cadeau, car au final, ces deux têtes ne valent pas tant que ça pour Pierre Berger. Mais alors ce bon monsieur Berger a laissé entendre dire que lui offrira ces têtes à condition que la Chine améliore la condition de droit de l'homme.

"Absurde." commente Haski. De ma part, le propos de Berger m'a fait rire. La bonne volonté de M. Berger, qui s'est engagé à soutenir les étudiants sortis de l'affaire tian-an-men de 1989, serait indéniable, mais avec une dose d'arrogance, et en même temps simple, pour ne pas dire romantique (voilà le mot qui agace parfois les Français qui vivent en Chine). La condition humaine en Chine a tant à améliorer, il est très vrai, mais pourquoi lui, il imite aussi fidèlement son Président? L'amélioration du droit de l'homme en Chine ne se fait pas en mettant deux choses qui n'ont pas tant à voir aux deux côtés de la balance, et s'il voudrait y contribuer, il lui aurait fallu faire autrement: faire les expos, par ex, sur l'art, sur l'Histoire, sur la connaissance de l'art, ou du marché de l'art, pourquoi pas.

Ce serait du délire de proposer n'importe quoi en pensant tout toute seule. Toutefois, s'agissant de la vente des têtes, une solution m'a semblée bien acceptable: offrir les deux têtes aux musées de l'art chinois/asiatique à Paris. Il n'y pas qu'un musée parisien au choix: Guimet que j'ai connu grâce à une française sinophone(?), et Musée Cernuschi dont un Chinois à Paris a mis du lien dans sa réponse au communiqué. Si cela soit fait, tout le monde sera content. Les Chinois se caleront un peu si l'on explique l'idée de l'exception culturelle, le gouvernement chinois se contenterait de ne pas y mettre la pression, les diplomates français n'auront pas à serrer le nerf, le public français et européen aura l'occasion d'aller voir ces têtes chinoises et connaître un peu la civilisatoin/l'Histoire chinoise, et Pierre Berger, tout comme ce qu'a écrit Haski, aurait pu donner une très belle leçon humainitaire et historique à la Chine, par sa tolérance et sa générosité (ex. du don/mécénat que les riches chinois sont absolument invités à suivre!), avec éventuellement la citation de Hugo qui accompagnerait son joli geste:

"L'empire français a empoché la moitié de cette victoire, et il était aujourd'hui, avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du palais d'été? J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée."


Mais existe-il un idéal qui se rend réel?


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Infos Presse:

-Pour consulter le communiqué en question: cliquez ICI (fr/cn)
-Infos AFP actualisées: cliquez ICI

20/02/2009

Il y a longtemps que Philippe Claudel veut honorer Rohmer (mais en est loin)

-Li Peng, Delphine, venez!!
-Oui?

-Alors...bonne nouvelle: Il y a longtemps has received yesterday the Golden Globes Awards best actress and best foreign film aux Bafta Awards à Londres.
-Wow... C'est quoi le XXX Awards?
-Hé bien...disons que c'est Oscar britannique!



Il y a longtemps que je t'aime, ou I've loved you so long en anglais, ou encore爱你已久 comme traduction officielle en chinois. J'ai connu ce film de nom, non parce qu'il est dans la liste des films sélectionnés pour le Festival Panorama, mais que le lettré shanghaien qui est l'invité du ciné-club m'avait dit que ce film serait projeté fin février à l'Af Shanghai et qu'il voulait savoir ce que j'en pense.

Ce que j'en pense sur ce film, apparemment très affirmé par le public français et anglais, se résume en quelques mots: Un peu de tension, beaucoup de douceur, et de douleur. Très littéraire. "Rohmer est Racine du XXe Siècle. Vous en êtes d'accord?" dans le film lors d'un dîner des collègues, l'un des profs de littérature a donné cette parole. Voilà l'essentiel de tout, enfin!

Ce qui m'attire dans ce film, c'est, primo, le fait que Philippe Claudel est écrivain qui devient réalisateur pour tourner un film; secundo, le titre qui accroche et qui trompe, avec lequel on ferait facilement lien à une histoire de coeur. Ma collègue chinoise qui a traduit les synopsis a même renoncé à voir ce film en premier parce qu'elle en a un peu peur, ce genre d'amour qui dure "longtemps" et, avec ce portrait d'affiche impassible qui couvre pourtant qch, contiendrait forcément les drames voués à la déchirure.

L'aspect dramatique a en effet marqué ce film. Tant de petits inattendus surgissent, de petits secrets se dévoilent, à partir du moment même où Juliette monte dans la voiture de sa petite soeur Léa qui la croyait ne plus exister. L'identité de Juliette seule trouble et produit une double tension: d'un côté, le fait qu'elle a été condamnée de 15 ans de prison parce qu'elle a tué son propre fils--et on n'a jamais su pourquoi, rend nerveux le mari de Léa, père de deux petites filles adoptées, à chaque fois que Juliette et ses enfants se rapprochent. De l'autre, la nouvelle vie sociale de Juliette s'avoue difficile, non seulement les gens ont peur des "prisonniers"(la même peur qu'on a pour les HIV positives, les schizophrènes, parfois les psychiatres), encore que cela relève du passé, mais une personne longtemps enfermée physiquement et mentalement comme Juliette ne sort pas sans peine de cet état d'être, se trouve à l'aise seulement avec les livres qui l'ont accompagnée dans sa vie emprisonnée, et devient hyper farouche et sensible pour se défendre brusquement et se montrer provoquante. D'autant qu'elle ne sait ni ne veut mentir, dit ce que les agents de police lui ont dit à ceux qui allaient l'embaucher: j'ai tué mon fils de 3 ans. J'ai été en prison pendant 15 ans. A quoi s'attendre alors d'une femme qui a commis le crime censé l'un des plus graves et atroces qui choque sans merci?

Toutes les tensions autour de la mort et de la moralité que Claudel a su installés sont bien raisonnables, les sentiments d'angoisse, de douleur et d'incertitude se transmettent avec la sensation de nervosité et de mauvais préssentiments, bien merveilleusement interprétées par l'actrice Kristin Scott Thomas comme à travers le langage imagier qui parfois évoque le style polar hérité de Hitchcock: l'agitation du mouvement de poursuite de l'oeil-caméra; une coloration de la lueur crépusculaire à l'intérieur de la chambre où se trouve Juliette et l'enfant, rendant l'ambiance de la scène à la fois douce et douteuse; et les faux présages tels que le gros plan du couteau qui coupe la gâteau d'anniversaire, et avec lequel on irait penser que ça préparerait sinon un assassinat, au moins un enlèvement, tandis que ni l'un ni l'autre n'aura pas lieu.

Il m'a semblé néanmoins que plusieurs des hauts moments dramatiques ont été cherchés: trop brusques ou trop délibérés pour être naturel. Prenons la suicide de l'homme divorcé qui a aidé Juliette pour son nouvel emploi et qui a du sentiment pour elle :c'est un fait annoncé comme coupé de la scène où Juliette se rend au commissariat pour signer un certain rapport de nouvelle sortie. " Si son voyage en Toritolio(?) dont vous parlez veut dire deux coups de balle à la bouche, je dis oui." cette nouvelle s'est ainsi transmette à Juliette stupéfiée. Il y a certes les liens entre la suicide et Juliette, mais la dose du bouleversement sentimental me semble être inutilement surmesurée.

Cette insuffisance du naturel est dû probablement au rythme différent de la mise-en-drame entre un roman et un long métrage. La narration de ce dernier étant plus dense, il est donc plus délicat de soigner les interstices entre les événements pour qu'ils soient vus comme un tout en environ 2H de spectacle. C'est aussi sur ce point que je dis que Claudel ne maîtrise encore pas la caméro-stylo qui a marqué Rohmer. Dans les films rohmériens, dont l'Ami de Mon Amie que j'ai vu il y a quatre jours (c'est grâce au rétro de Rohmer organisé au CCF à Pékin), les histoires sont en général très fluides, et c'est dans la fluidité que se déroule le jeu du genre "Ah, c'est encore vous?!" , où toute une série de croisements manqués avant le bon couplage final. On y trouve aussi les éléments disons délibérés, comme la couleur des vêtements de chacun des deux couples qui se répondent, et qui concluent que les couleurs différentes, plutôt que celles homogènes, font de bons couples: une composition délibérée, faite par ingénuité et par humour, par philosophie aussi.

La pratique d'éléments délibérés chez Philippe Claudel se voit à travers les détails du film, et l'une des réussites évidentes en est le titre. C'est seulement au 2/3 du spectacle qu'on arrive à comprendre qu'il s'agit plus directement, autour de ce titre d'accroche, d'une chanson d'enfance qui relie Juliette renfermée et Léa qui sauve et défend l'âme restituée par l'amour. Le sens amoureux incarné dans ce titre s'affirmera plus tard: le nouvel amour de Juliette avec le prof littéraire(qui a enseigné dans la prison et qui aurait lui aussi commis une crime et vécu la vie emprisonnée) germe, au fur et à mesure que les deux se rapprochent, se sauvent de l'enfermement partagé en s'ouvrant peu à peu la partie grise de leur âme aussi bien que leur sombre passé indicible.

Cet épisode bien romanesque est à mes yeux l'un des mieux construits dans le film, et cette relation amoureuse même occupe la moitié du noyau de l'histoire qui touche. Or, la douceur de l'épanchement réservé (qui ne se font pas à n'importe qui!) et l'équilibre entre ces deux âmes reconstruites gâche un peu lorsque la vérité s'est révélée au dénouement, et qu'elle déstabilise ainsi toutes sortes de tensions durant la projection : l'innocence de Juliette.

C'est un plaidoyer sentimental de trop qui vise décidément à provoquer les larmes. Ce résultat même m'a semblé anormal(ou trop banal, du point de vue de la dramaturgie cinématographique) pour ne pas dire absurde : ça alors, tout effort que le spectateur a fait pour croire à la Juliette refaite n'a pas de fin. Le crime n'a jamais eu lieu, ce qui renverrait une petite vengeance morale à ceux qui auraient exprimé le mépris. D'autres parts, la lecture qui sauve, le pouvoir magique des livres que Claudel n'a pas manqué d'honorer, et qui aurait largement contribué à la reconstruction de l'âme coupable, se dissiperait pour se transformer en bonne habitude de passe-temps durant l'emprisonnement.

Cette souffrance de 15 ans sans crime rend de suite sacrée la figure de Juliette. C'est en réalité une mère qui a tant souffert pour son fils mourant (à l'insu de tout le monde) et pour son propre amour maternel: "la plus terrible prison, c'est la mort de l'enfant." C'est cette phrase qu'a dit Juliette à la bonne fin du film qui m'a éclairé l'intention de Philippe Claudel: il y a des moments où l'on crée un événement juste pour sortir une deux phrases essentielles à soi, et l'histoire de Juliette en est exemple.

Ma meilleure amie du lycée a dit il n'y a pas longtemps que quand les écrivains travaillent, ils sont avant tout en train de soigner leurs propres problèmes; il y en a qui sont grands parce qu'ils parviennent à rendre universels leurs problèmes. On peut s'attendre de même de la part de Claudel, dont ce premier film s'avoue très positif, bien que ce n'est pas encore un film de valeur pour moi: un film de valeur serait celui qui coule, qui dialogue avec le spectateur de diverses façons, qui n'a pas beaucoup de relief dramatique mais s'il en a un, c'est electrique, il bouleverse au lieu d'accroche, et il produit les remous qui empreintent plutôt que les larmes qui se sèchent vite.

Après tout, je crois que le message que transmet Claudel à travers son premier long métrage, c'est qu'il a voulu montrer et soigner l'enfermement du coeur, le refoulement et le mutisme, qui à mon avis ne sont pas étranges du tout dans notre vie moderne, moi-même ayant connu par moment cet isolement mental; l'un comme l'autre étant à l'encontre des éléments audio-visuel, la représentation de ces états d'âme ne se réalise probablement que par les moyens cinématographiques: parler (moins), agir, faire voir ce qui change et faire sentir ce qui n'est pas dit.


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Plus d'infos:
-Une critique sur lemonde.fr: cliquez ICI
-Une interview avec Philippe Claudel sur Evene.fr: cliquez ICI
-Le site officiel du film:
cliquez ICI

19/02/2009

"Paris", synthèse bleue de Klapisch

"Vaut mieux ne pas prendre l'habitude d'emmener le boulot. Finis tout dans le bureau. Mais t'as besoin de voir tous les films en avance... Donc, le seul devoir à la maison: regarder les films."
--la patronne


J'ai lu les synopsis de "Paris" avant de voir le film. J'ai vu le film avant de me rappeler qui est Klapisch. Mais qui c'est?

C'est alors bien celui qui a fait "Auberge Espagnol", le fameux film des Erasmus (donc des Erasmus Mundus) qu'un ami m'a proposé lorsque je lui ai dit que j'ai été retenue par le programme Mundus, et que je n'ai toujours pas eu l'occasion de voir (mais que j'ai vécu). C'est là que je me suis souvenue d'un entretien avec ce réalisateur dans "Qu'en pensez-vous?", émission de samedi née de la réforme de France Culture après la rentrée du septembre 2008 (c'est grâce à Sarko..). J'ignorais son nom au début, j'avais retenu ses paroles avant d'entendre parler de son nom. Il a dit que, pour apprendre le cinéma, il avait essayé l'IDHEC, mais il avait été refusé. Ca lui a été une chance parce qu'il est allé alors à New York pour apprendre la réalisation, a acquéri ainsi, en plus d'une vision ouverte au monde, un savoir-faire américain qui lui a permis d'équilibrer la conceptualisation de trop dans le cinéma français. Depuis, il cherche toujours un point juste entre le cinéma commercial et le cinéma d'auteur.

Il faut dire que Klapisch est bien réussi, voire très réussi sur ce point. "Paris" en est la preuve. C'est un film qui fait plaisir, film touchant et qui touche simplement. C'est un Paris que les touristes reconnaissent et que ceux qui y ont vécu, habitants comme voyageurs, connaissent.

L'histoire se divise en, ou il faut plutôt dire "être composée de", plusieurs épisodes: la vie des autres et le croisement de ces vies et des personnages sous le regard du danseur dont le coeur "ne fonctionne plus". Un tel scénario circulaire dont le mot de passe est "être tombé sur..." et "a croisé/vu..." n'est pas nouveau, ce n'est pas la première fois qu'on voit dans un film que les histoires des différentes figures font réunir les gens à un moment donné: l'exercice de l'aspect dramatique est déjà fait dans Chacun cherche son chat, un autre film de Klapisch sur la ville de Paris que je ne connaissais pas encore au moment où j'ai vu ce film à Nankin.

Une petite dose de brutalité maladroite pique, lorsque la motoriste dragueuse rentre violemment dans une camion- un accident mortel- comme pour satifaire au besoin du scénariste qui veut sérieusement créer une condition nécessaire pour la greffe du coeur de notre beau danseur joué par Duris, et qui veut en même temps provoquer le sentiment de la désolation chez le spectateur juste après la fameuse conversation entre le patron et la nouvelle embauchée: "Tu peux commencer lundi prochain?" "Vendue!"

Les figures sont richement construites, chacune contribuant à la diversité qui marque la haute réalité de la ville en tempe actuel, chacune marquée d'une authenticité tant théâtralisée qu' impitoyable. Pour ne parler que de la bouffe, et c'est ça qui, oups, provoque en moi le coup de la nostalgie ridicule: voyons comment chantent les bouchers et les poissonniers au marché, ils sont aussi drôles, simples et bienveillants que les jeunes vendeurs arabes au marché de dimanche à Bastille. Et puis, souvenez-vous de la boulangère raciste dans le film, qui dans une première seconde chante aux clients "Bonjjjour!""Vous désirrrez?" "Traditionnelle ou normale?" "Avec ceccci??" "Au revvvoir Monsieur Dame!!", dans une deuxième seconde donne les discours comme "les africaines sont...ah yaya...zezeze...Mais j'aime les normandes, ah je les adore, elles travaillent beaucoup; les bretonnes... les bretonnes ne sont pas mal non plus; mais les corsières, vous avez, heu...hein, elles sont...enfin...pas terribles..."

Dans une critique, on pose la question: qui parle encore aujourd'hui comme ça? Sans doute personne. Mais moi je dis que l'envers de la boulangère existe. Je précise: la dame de la boulangerie à 100 mètres de la Bastille, métro sortie rue St Antoine. Je fais pas la pub. Je dis que chez elle, les pains sont tops, ce devrait être les meilleurs dans le quartier. Mais néanmoins, la dame ne souriait jamais et était toujours très sévère avec la jeune fille assistante, le temps que j'y allais chercher les pains; et elle distinguait très bien ses clients blanc, jaunes, noirs, classe, moins classe, vulgaire, comme distinguer les pains de maïs, pains complets, pains de seigle, baguette au pavot, baguette multi-céréales, baguette aux grains de tourne-sol. "C'est ça, Paris." Belle synthèse gratuite.

Quand on parle de Paris, les histoires de l'amour libertin et du désir sont incontournables. Ces derniers rapprochent les gens blessés ou solitaires, dont l'instinct parvient toutefois à résister à la mauvaise foi de 100% et apprend à comprendre le sentiment amoureux, le vrai. Ainsi y a-t-il eu l'une des plus belles scènes où le poissonier verse les cendres de la motoriste depuis la terrasse de la Montparnasse: promesse tenue. Et la scène dans laquelle l'ami/ennemi du poissonier s'arrête brutalement alors qu'il est prêt à bondir comme une bête sur une femme inconnue vêtue de léopard: "non, c'est pas toi", et s'en va: à cause d'une même phrase qu'avait dit la motoriste. Même la belle étudiante qui profite en même temps d'un beau juvénile et de son prof historien épris d'elle et souffert de solitude (et qui danse super bien!!) a décidé de faire venir cet homme d'âge moyen pour qu'il "voie sa vie": invitation au voyeurisme et à l'exercice du durcissement du coeur.

Le voyeurisme? Mais c'est la moindre des choses dans un amour comme dans un film. L'amour pour une personne comme celui pour une ville. C'est bien là que se distingue la caméra de Klapisch qui caresse cette ville chère à lui, dans ce film qui inclut tant de vue et de vision exceptionnelles sur la ville et sur la vie dans cette ville. Les diverses façons de voir Paris, réparties dans tout le film, sont tout à fait poétiques, et c'est dommage que les qq critiques que j'ai lues ne semblent pas avoir remarqué cela. Comptons: le regard du danseur du haut du balcon de l'appartement pour voir, citons le synopsis, "les gens de la ville qui lui montrent la danse de la vie"; la vue d'une chambre à une autre en face de la rue (ça date de l'époque de Truffaut); le panorama de toute la ville depuis un appart de la Défense; et la vue la plus fantastique : celle de l'historien qui guette par hasard sa jeune aimée à travers une longue-vue en haut de la Tour Eiffel.

Le film se termine sur la vue la plus magnifique, de loin ma préférée: le denseur va à l'hôpital recevoir l'opération de la greffe, il regarde la ville à travers de la fenêtre du taxi traversant Paris. Les quelques coins familiers que j'ai vu dans le regard du danseur me serrent le coeur. On dirait un faux cliché semblable à la manif dont le taxi driver parle dans le film comme un rappel aux touristes: la Bastille, c'est les manifs.

ô Bastille: d'où j'ai quitté la France. Voici l'une des dernières séquences-travelling(notées par mémoire): la caméra parcourt les boutiques, revient sur le visage de Romain, de nouveau part à l'extérieur du taxi, arrive à la place Bastille, les escaliers de l'Opéra; puis remonte, devient plus aérienne : le petit angel doré. Oui, dans le sens face de l'angel, il y avait l'amie qui m'hébergait et chez qui j'ai passé les jours d'angoisse, d'auto-restauration, de la joie des arts et des amitiés. La caméra tourne rond avec le taxi, s'en éloigne, et on voit le visage de Romain, superposé avec son reflet: Romain allongé sur le siège, regardant le Paris teinté du bleu du ciel.

A vrai dire, ces quelques secondes m'a provoqué presque les larmes. Bien insensée, hein, et j'ai dit ça à mon collègue documentariste, avec qui j'échange qq mots sur les films, alors qu'il me dit que "Il y a longtemps que je t'aime" lui a coûté les larmes, encore que c'était dans le bureau!

Au dernier plan du film, un air paradisiaque règne sur le visage de Romain. Si l'on pouvait aller au rendez-vous avec le diable de telle façon, ce serait de la grâce de Dieu, sans faute.



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Plus d'infos:

-Une critique que j'aime bien parmi les quelques articles que j'ai consultés: cliquez ICI

-Site officiel du film Paris: http://www.lefilm-paris.com/




18/02/2009

Le froid en printemps

Il neige ces deux jours à Pékin. La dernière fois que je voyais la neige et que je la photographiais, c'étais en février 2006, au campus de Nanda.

Le temps qui passe entre ces deux neiges sont parfois comme jamais vécu.

Ce blanc-là, qui traverse, c'est la rivière couverte.



(9hrs, An Ding Men côté ouest de la rivièes, en chemin au boulot)

13/02/2009

La couverture

Après une demie semaine d'intégration à l'équipe du travail, j'ai vécu durant l'autre moitié de la semaine le bonbardement des méls, d'autant plus terrible lorsque l'ordinateur se montre hypnotisé par je ne sais quel pouvoir magique pour tester ma patience. Dite attachée de presse, je m'occupe en ces jours de la diffusion des infos et de la communication avec les journalistes pour répondre à leurs diverses demandes. Au bon commencement de la promotion, il a fallu renouveler sans cesse les listes des contacts tout en faisant avancer les choses. Et on m'a dit qu'il faut s'épargner pour se dire busy, que le moment busy et busy à la folie est à venir dans un mois, dans un mois et demi lorsque la délégation artisitique sera arrivée.

At the very end of this week vers 7hrs du soir, alors que je donne un long soupir après avoir envoyé le dernier mél-pro de la semaine, le message d'Alexandre m'est parvenu, il a voulu m'offrir l'image de la couverture du livre cinématographique dont on a parlé auparavant mais qu'il n'a pas pu insérer dans l'espace commentaire. Moi non plus, je ne trouve pas de moyens pour la mettre dans les commentaires, je mets donc l'image en bas pour le partage-recommandation à d'éventuels intéressés.


La scène est prise des premières séquences du film "Le Monde" de JIA Zhangke. Ce film m'a bien plu à l'époque où je le regardais, mais pas autant que "le Platform". En revanche, en pensant à ce film, j'ai pensé tout de suite aux premières scènes du film et ai compris ainsi que c'est bien cette petite partie de prologue qui est inscrite bien profondément dans mon esprit: ces quelques secondes de traversée de la jeune danseuse dans les chambres d'arrière-scène et dans les longs couloirs teintés de jaune-vert, l'agitation ou l'aveuglement de la caméro qui suit ou affronte de façon aléatoire, et enfin, la voix brute et nonchalante de la danseuse qui crie en répétant: où est le pansement??... où est le pansement??...

Chuang-ke-tie ne?? Chuang-ke-tie ne??



(Cliquez ICI pour consulter les commentaires dans lesquels ce livre a été évoqué.
)

L'usage du feu

Dans l'appartement que j'habite, j'y trouve un temps de vie qui recule au moins 12 ans, et l'aspect rudimentaire me plaît bien. L'espace de vie des pékinois ordinaires ressemble beaucoup à celui de mon enfance: cuisine serrée, toilettes simpliste qui mesure l'espace des toilettes des apparts parisiens mais qui, équipée d'une pomme d'arrosage fixée au mur, sert en même temps de salle de bain, avec ou sans lavabo. L'évidence en est qu'il ne faut pas trop prendre la douche, non seulement parce que c'est pas très pratique mais surtout qu' il fait hyper sec de temps en temps, et la douche peut rendre très sèche la peau et seule la crème sauve.

L'avantage de vivre au Nord est ce qu'on ne meurt pas de froid humide mais bénéficie du chauffage partout à l'espace intérieur. On a la chaudière publique pour la plupart des cas, et dans mon appart construit je crois entre 1985 et 1995, c'est un peu particulier: on utilise du charbon au balcon pour chauffer!



-Ah! C'est joli le feu... Attends! Je fais des photos!!

-Ah? Qu'est-ce qu'il y a de bon à photographier là?



Lorsque le collocataire Chen alla au balcon pour ajouter du charbon le soir, j'ai vu par hasard cette lueur qui me saisit et qui me fit sortir tout de suite l'appareil. Le résultat a (encore) été inattendu. On dirait une photo râtée... (Mais je veux quelle sorte d'image, au final?) Alors j'ai utilisé le flash mais l'aspect réaliste agrandi de l'effet flash ne me plaît pas, quoique, il est vrai, la flash permet de découvrir la structure de la petite cheminée (si ça s'appelle cheminée).



La première fois de ma visite de l'appart, les charbons étaient étalés partout sur le balcon. Le gentil Chen m'a promis d'en faire le ménage et ces petits noirs troués sont maintenant bien empilés dans le coin. Comme je suis exigente...

Comme je suis exigente, j'ai demandé à Chen de me laisser refaire une photo sans flash en plein cours de son changement de boulets. Et voilà celle qui me ... hélas sans mots dire. Ne me demandez surtout pas pourquoi le rond lumineux est posé par terre. Je ne m'en souviens plus.


-T'y arrives (à le photographier)?
- A peine...
- Tu sais quoi, photographier ce boulet de charbon allumé, c'est comme photographier le Soleil.



"Chez Duras, c'est le jeu d'entrevoir... le pan. Ne jamais voir direct. Pensez que le regard direct au Soleil brûle l'oeil et rend aveugle. Faudrait donc regarder le grand Astre à travers les fentes. ": propos de M. Ryknaire dans sa conférence durassienne qu'il a donné l'année dernière lors de sa visite à St Andrews.

Voilà une vérité divulguée.

12/02/2009

L'usage de la glace


-Tu vois, comme on est près de la rivière, parfois c'est très pratique.
- Ah?
- Quand je vais à la station du métro, je prends le raccourci. Je marche sur la rivière!


***

-Ah mais il fait chaud ces jours à Pékin!
-Donc maintenant je ne peux plus marcher sur la rivière.
-Ah...



Je me dis que, si je ne publie pas cette photo prise quelques jours avant le nouvel an chinois, lorsque j'allais voir l'appartement dans lequel je m'installe mainetant , la glace va fondre car dans le train qui m'ammèna de Shanghai à Pékin, on annonçait déjà l'ouverture du printemps(开春): c'était bien le jour Chun Fen selon le calendrier lunaire.

L'homme qui a parlé avec moi lors de notre première et deuxième rencontre est devenu mon collocataire et propriétaire de l'appart que j'ai décidé de prendre. Pour prendre un appart, j'ai pris deux bonnes journées pour appeler, prendre les rdvs, arpenter Pékin voir les différentes sortes d'appartements. Ai ainsi compris les règles sous-jacents des entreprises intermédiaires (que j'ai pu finalement contourné), découvert les différentes sortes d'appartements à Pékin. C'est chose intime de visiter la maison des autres et de se renseigner un peu sur la vie des autres.

J'ai bien hésité entre deux appartements, les deux étant du genre de co-habitation avec les propriétaires. L'un est avec une chambre petite et propre, voisine d'une famille de trois bien sympa, se situe dans le quartier où je travaille; l'autre, celui que j'ai pris, est une grande chambre dont la fenêtre et le balcon donnent sur la rivière, un peu moins propre, voisine d'un jeune couple, se situe dans un quartier où le transport est très pratique.

Le facteur décisif du choix, outre l'assurance de la liberté et de la vie privée, est cette rivière qui ne pue pas en été et qui m'a séduite dès que je suis entrée dans la chambre ensoleillée.


***

A un autre moment, je me balladais à Shi Sha Hai(什刹海/后海)dans l'après-midi d'un jour de chute de température. Je n'avais point rendu compte du froid lorsque je sortais, et le résultat en fut ce qu'une fois que je sortis ma main du gant, je ne la sentis plus au bout de 5 secondes.

C'était dans cette condition-là que je m'émervellais du patinage sur glace, jeu que je n'avais jamais essayé jadis. Et en même temps, et juste à côté devant un grand trou au bord du champ de patinage, je voyais la scène qui me faisait trembler du froid: deux hommes, avec un photographe équipé du long objectif photographique, plongaient faire un tour dans l'eau...

Pouf...et je frisssonne.





09/02/2009

En rond

"Mais pourquoi vous prenez les pizzas pour yuan-xiao jie?" "Hé bien parce que c'est rond, et parce que c'est bon."


Viens de rentrer à la maison. Suis crevée, mais suis fascinée par cette fête des lanternes qui serait l'une des plus belles, et exceptionnelles, dans ma vie.

Il y a deux ans, ayant reçu François Cheng à Bergamo, j'ai bien retenu la date de la fête, dernière journée des quinze premiers jours du calendrier lunaire de cette année-là. J'ai fait pourtant des bêtises en souhaitant, au couple de Cheng comme aux proches, une bonne fête de la lune. "T'es dans la lune, toi? On est la fête des lanternes!" Me moquait alors ma cousine via Internet.

Je crois que ce n'est pas tout à fait de ma faute, car...hé bien élevez la tête et voyez la lune au jour de la fête des lanternes: c'est rond! C'est rond n'est-ce pas, et ça évoque la réunion familiale, l'unis, etc.

Ce deuxième jour de mon premier travail, lors du déjeuner, la chef du bureau, femme qui a une personnalité admirable à mes yeux, qui va directe, honnête, ouverte, sévère, et drôle, nous parle de la soirée qu'elle va tenir à la maison. "Nous allons avoir les pizzas, moi je ferai les pates, M. X fera la sauce bolonese et c'est de la maison, puis les raviolis chinois, et bien sûr les tang-yuan, ou yuan-xiao, je sais pas, appelez comme vous voulez... Et la question se pose, les pizzas pour les lanternes, ça fait pas bizarre? Hé bien parce que c'est rond, et parce que c'est bon.Voilà! ...Tout ça pour dire que, si vous voulez, venez."

Je ne sais pas de quand ça date, mais je me trouve pour la plupart du temps parmi les gens qui bougent dans plusieurs continents, les couples mixtes, les familles migratrices. C'est avec ces gens-là que je me sens plus à l'aise et ai moins besoin d'expliquer les choses. Et en même temps leur vie m'est enviable. Je sais que les agitations géographiques vont me suffir un beau jour, qu'il se peut que je m'acquière une vie de stabilité comme la majorité le font; mais néanmoins, une vie autrement riche, incessament renouvellée, improvisée, vitalisée, m'aspire. Ce n'est point impossible, une telle vie, les gens diplomatiques, journalistiques, littéraires, artistiques que j'ai rencontrés m'ont fait déjà témoigner pleines de possibilités convainquantes. Il faut essayer de rendre pleine la vie, quel que soit l'état d'âme, et de la bien tenir dans notre propre main.

Ce soir, l'occasion ne m'est point inconnue: celle des Mundis, mundus au pluriel et au sens large qui désigne tous les migrateurs internationaux du monde. Les nationalités ne se compte pas aussi nombreuses que celle des étudiants Mundus, certes, ici on a Chine, Russie, Italie, France, Etats-Unis. Mais de différentes sortes de combinaisons peut se composer: né(e)...d'origine...qui habite...de nationalité...qui a travaillé dans...qui s'est marié à... qui est copain(e) de...qui ont séjourné en...Ainsi de suite. C'est une sorte de vie de luxe, si je puis dire, qui privilégie les gens qui ont un travail qui plaît, et qui vit, expérimente, crée, voyage, s'apaise, qui se débrouillent autant pour supporter les pressions, les solitudes, pour se confronter à toutes sortes d'emmerdements, fût-ce commutable aux émerveillements.

Dans la cuisine,(et ce genre de cuisine équipée qui me manque, depuis mon retour je n'ai jamais pu reprendre mon habitude de faire quotidiennement la cuisine) devant la machine à pâtes et la sèche-pâtes, les gosses s'excitent à se montrer futur(e)s chefs de cuisine: faciamo la pasta! Il faut rendre fin les pâtes, de 1 à 5, avant de les couper, en faire de petits rideaux de pâtes pour sécher. En parlant de la cuisine, il faut bien parler de la tactique et de l'art: comment donc couper l'onion sans pleurer, quels ordres à suivre pour rentrer mijoter les légumes primo et de la viande secundo, et comment respirer proprement pour profiter de ce délicieux odeur méditerranéenne tout en luttant contre la faim?

L'une des solutions pour la dernière question: regarder les petits. Les petits beaux comme les stars, et les petites hyper hyper mignonnes ou/et drôles. Des bilingues aux quadrilingues, dont la vitesse d'apprendre le chinois impressionne leurs parents.

L'heure du dîner, comme tant d'autres, c'est pour manger et discuter. Après, il faut sortir allumer les feux d'artifices et les pétards. On a je crois 2-3 grands cartons à finir. Je n'ai jamais allumé autant de feux d'artifices en une seule fois. Tous descendus, adultes, et petits angels mixtes qui au début ont tous peur et après font tout ce qu'ils veulent.

La suite des scènes est à la fois enivrante et féerique. Il suffit de rester là, regarder la douceur et le bonheur pur sur les visages allumés des petits, leur figure craquante colorée des feux d'artifice; et de rire des caprices qu'interprètent les bons hommes qui font pour la première fois cette fête des lenternes allumés par eux-mêmes. Et les étoiles, les étoiles qui clignotent et qui se lancent haut, éphémères, dans les cieux de la pleine lune.


(les lanternes rouges suspendus à la façade des tours d'habitation;
photographiées dans un quartier à Pékin; jamais vu ça à Shanghai)

05/02/2009

Gilet bleu, chapeau rouge



(copyright du T-shirt: C-PIX)


Lorsque le taxi s'arrêta à la station au sous-sol de la gare de Shanghai, que mon père m'aida à descendre la grosse valise et celle moins grosse, un garçon mince et petit, portant un gilet bleu, fut venu vers nous avec un chariot de taille standard : qui m'a ravie.

Parce que, à vrai dire, quand je bourrais ma grosse valise de 30kg à la maison, la même qui m'a accompagnée à chaque fois que je changai de lieux du séjour en Europe, ce dont je me préoccupais, c'était de bien organiser l'espace pour que mes affaires y rentrassent et que la valise pussiez être fermée: vêtements au sac sous vide, discs décoffrisés, livres nivelés, pulls roulés, chargeurs insérées dans les coins, chaussettes qui remplissent les lacunes. Même pas la peine de la peser quand on voyage par le train.

J'ai été pourtant bien en peine pour déplacer la grosse et carrée. J'ai eu tort de ne pas avoir pensé comment on se débrouillerait avec les grosses valises quand on voyage par le train en Chine. Mais vous parlez de quoi? Hé bien je parle des escaliers. S'entend, les escaliers. En Europe, let me see, à chaque fois que je descendis du train, je me réjouissais du platform lisse et plat qui se connecte directement avec la sortie, et sur lequel je roulai mes valises comme promener un couple de chiens domestiques qui traînent mais qui n'embêtent pas, ce jusqu'à la sortie de la gare. Comme j'ai pour la plupart du temps 20-25 kg, je prends le métro quand il y a le métro dans la ville et que je ne suis pas pressée. Et devant les petits escaliers, comme ceux dans les stations de métro parisien, les gens viennent toujours aider. Toujours on s'arrange sans difficulté avec les coups de mains, la terre lisse et les escalisers électroniques.

Sauf une fois, lorsque je quittai St Andrews pour retrouver Paris, sur le vol de la Compagnie Easyjet mon voisin parisien en mission à Edimbourg et Glaskow m'a fait un service généreux en proposant qu'on prenne ensemble le RER pour Paris, ainsi s'est-il occupé de la grosse 20kg de Charles de Gaules jusqu'à Bastille où je descendis et que l'on se quitta. Ce bon gentileman, devenu plus tard un bon ami, a dû monter et redescendre deux fois la grande valise parce qu'il s'est trompé de sortie pour changer les lignes; en haletant il s'excusa encore pour sa mauvaise mémoire et pour notre énergie inutilement dépensée, tandis que moi me sentais coupable d'avoir accepté son aide.

Il arriva les moments que je voyageais avec la grande bourrée de 30 kg, en plus de sa petite jumelle et mon sac à dos. Par le train, c'est ça. C'était le voyage Paris-Bergamo. Je me laissais alors impressionnée par les hommes qui venaient aider. Pour l'accès au train, il m'a suffit de prendre un chariot de location pour me décharger; puis, à l'arrivée de la gare de Milano vers 20H45, je trainais mes bagages ici et là, demandant vainement où acheter le billet de train pour Bergamo, départ dans 20 minutes. Une fois que j'ouvrai la bouche pour tenter l'italien, je me crus en train de prononcer le français: ce qui ne marchait pas, ça a été dit; et que je ne comprenais même pas ce que voulait dire "là-giù! Giù! Giù! "(ie là-bas. En bas)que l'homme italien me disait en brassant de l'air avec son bras. "Sinistra? Destra? Vicino qui??"(ie à gauche? à droite? près d'ici??), j'expérimentais les pauvres mots d'orientation que je retenais par coeur, mais évidemment, Sésame n'irait pas m'ouvrir la porte car le code n'était pas bon, ça se lit dans le sourire gentil et non approuvé de mon sauveur du moment.

Alors que je faisais encore les efforts sur la langue, lui, tout d'un coup, il prit la grosse valise sans mots dire et fila, me jetant un coup d'oeil. Suivre! Il m'a ravie avec ce geste brutal notamment parce qu'il m'a fait débarrassé de la valise sans laquelle j'aurais pu courir toute la gare pour trouver la billetterie par moi-même. On descendit l'escalier électro, tourna à droite et "Ecco-la!" J'achetai vite le billet du dernier train pour Bergamo à la machine automatique. Je le remerciai. Je me demandai s'il ne regrettait d'avoir pris par hasard le bagage dont la lourdeur l' aurait étonné, tandis que lui, encore sans un mot, reprit ma grande valise et me racompagna jusqu'à là où on était, vers l'accès du train. J'étais alors dans les nuages lorsqu'il dit ciao buona serata, me laissant un sourire charmant, en admirant lequel je me crus avoir rencontrer un angelo.



Marchons, marchons...

Tout ça pour dire que, sans la terre lisse et plate, l'escalier électro, les mains qui aident et le chariot, je ne pourrais pas imaginer comment me déplacer avec mes bagages; et que les nombreux escaliers seront assassins de la voyageuse, pourtant bien en forme au départ.

Les escaliers. Les longs escaliers, les longs escaliers électroniques et immobiles dans le métro de Pékin, Station Gare de Pékin, puis Station Jianguo Men...ah, j'accuse! Les escaliers électro ont été là pour les JOs mais une bonne partie en est en grève, ou pose. C'est alors pour l'économie environnementale, dirait-on? Quelle drôle de logique des décideurs urbanistes. Et puis, je le sais, l'escalier épagne l'espace au large et augmente celui en hauteur. Ca convient aux gares et stations chinoises, à la Chine qu'il est bien de comprendre. Au moment du départ de l'appartement, moi qui me sentais satisfaite de mon rangement de valise puisque tout y est rentré dedans, me souvenai tout d'un coup du moment où je montais les escaliers, bagages à la main, dans les underground pékinois, la dernière fois que je m'y rendais: un petit moment de cauchemar. Ca ne va pas être facile cette fois, me dis-je. Et l'insouciance paie.


***

Voilà, le gilet bleu est venu vers nous, avec le chariot de taille standard, les mains prêtes à aider: "Veux l'accompagnement? "

Mais attendons. On n'est pas en Europe. On est en Chine. Il faut plutôt dire Shanghai. Dans une société en plein essor de l'économie du marché, on attend rien de gratuit. Rien. Le gratuit, ce pourrait être faire goûter, essayer de consommer, bref, créer la demande pour stimuler l'offre. Tous retiennent par coeur le principe de l'égalité des échanges et essaient d'en trouver les moyens propres.

Ce gilet bleu, avec les mots de marque en chinois et en anglais, ça a l'air quand même plus professionnel et confiable que les figures qui, un petit porte-bagage à la main, hantent à la sortie des métros autour de la gare, soufflant à tous ceux qui sont chargés de bagages: veux l'accompagnement? Comme si c'étaient les poudres à transporter.

Il faut dire que, le gilet bleu, ça tombe bien. Je ne peux confier à mon père cette grosse valise qui risque de nuir à sa santé, je ne fais pas trop de confiance non plus en moi-même pour monter et redescendre, fût-ce en une seule fois, les deux valises grande et petite un sac à dos en plus de celui de mon ordinateur.

"Combien ça coute?" C'est moi qui demande. Il faudrait prendre les initiatives, direct, épargner le temps, poser la question, clarifier les choses, éviter d'être dupe du non-dit.
"La grande plus la petite, bien installées jusque dans le train, ...50 yuans."

"Quoi?!" 50 yuans, je ne sais ce que ça vaut aujourd'hui, mais il y a deux ans, ça vallait un aller-simple Shanghai-Nankin. Aujourd'hui ça vaut un aller-simple station de taxi-wagon de train, et c'est que pour les valises. C'est bien, on fait sans cesse des progrès.

Avant que je n'essaie de négocier le prix, mon père dit tout de suite bon bon, que tu le suives, ne te fatigue pas trop, et sort son argent. Ce n'est point son genre de consommer de façon aussi généreuse. Au contraire. Et moi, en revenche, je ne peux le refuser. Si je refusais, ce serait de nier son rôle de père, de nier que lui, père, puisse encore aider. Ca lui aurait blessé, je le sais, voire que ça se sent dans l'air, bien que l'apparence reste la même.

Je me contente alors de poser mes bagages sur le chariot et d'attendre l'heure de l'accès au train, looking forward to the service. Quelques pas plus loins à l'autre côté de la piste, il a descendu mes affaires dans une mini-zone de dépôt-bagage près d'un petit pavillon, guichet du service des gliets bleus, et me demande de patienter avant d'aller chercher d'autres clients.

Durant ces trentaines de minutes d'attentes, j'ai pu découvrir un peu leur travail et discute avec l'homme des cinquantaines qui reste dans le petit pavillon en tant qu' administrateur-comptable. En dessus de sa tête, sur le panneau d'indication du travail se lit:

...

Accompagnement dans la salle d'attente, 5 yuans/petit bagage, 10 yuans/grand bagage;
Accompagnement dans le train, 10 yuans/petit bagage, 20 yuans/grand bagage.
Pour l'excédent des poids, l'ordinateur, etc, à discuter.
...
Mon gilet bleu a eu raison d'avoir doublé le prix, ma grosse valise en égale effectivement deux grands bagages. Et puis, je ne sais ce qui m'a pris, mais j'ai eu envie de discuter avec ce chef-secrétaire assez sympa.

Ca fait plus d'un an que la compagnie a existé, en collaboration avec la gare, me dit l'homme venu de l'Anhui. Et ces dixaine d'hommes, venus de tous les coins de la Chine, travaillent jour et soir, d'une horaire d'au moins 12 heures. "Et toi, tu viens d'où?" "Shanghai." "N'y ressemble pas." Je ris. On me l'a déjà dit. "Et pars à Pékin pour quoi?" "Pour le travail." "Ah, pourqoui? Shanghai n'est pas bonne? Tant de gens veulent venir!" Ah ya...je sais, ça aussi c'est déjà dit, ma foi, je ne sais pas trop expliquer. Je lui rends le sourire: "le travail, quoi, et qui m'intéresse."

La fondation d'une compagnie. C'est, en plus de la costume, un moyen efficace pour rendre professionnel des choses. "Pour que, en cas de problèmes, les gens aient un nom précis: pour se réclamer, par exemple." En effet, l'existence d'une entité est la moindre des choses. Quant au costume, ce gilet bleu, les bon apprentis pragmatistes semblent le considérer comme la peau: qu'ils peuvent dépouiller à tout moment sauf lorsqu'ils vont chercher des clients avec le chariot--que mon gilet bleu n'utilisera pas pour le final transport. Ce doit être bien dur le travail, la vie se réduit en transport des bagages, fumer, rigoler, manger, rentrer dormir. Mais ce n'est pas la pire façon de vie ou de survie dans cette ville. Surtout en ce moment de crise, ce serait même une sorte de charité de donner à travailler les gens pour qu'ils aient de quoi vivre.

Le passe-passe habituel des gilets bleus: cibler les passagers avec de gros bagages, proposer le service, monter les bagages sur le porte-bagage, si possible donner le service, puis demander le prix. "Ah bon?! 120 yuans! Mais comment vous pouvez avoir ce prix aussi élevé et sans nous dire à l'avance??" devant le petit pavillon s'irritent un jeune couple descendant du train, ayant 5-6 boîtes et valises qui s'empilent sur le petit porte-bagages. "Eh bien, c'est marqué en haut.Voyez." "C'est aberrant votre attitude. Allons, nous ne payerons pas." "C'est d'accord, alors je vous raccompagne là où on était." Les trois personnes ne se disputent plus et font la demie tour pour remonter. Drôle de logique. Le travail est doublé alors que, sans un sou payé, tout le monde est content.

L'autre groupe de famille qui attend comme moi, membres de quatre personnes avec deux grandes valises et quatre petites, a enfin décidé de renoncer au service parce que le gars ne pourra passer via le passage privilégiant l'accès au train des passagers de couchettes moues. Ce n'est qu'au moment de leur départ que j'ai rendu compte qu'il y seulement l'homme d'âge moyen en manteau, ayant l'air clerk et tout calme, qui part à Chengdu, disent les membres de famille. Voilà une des meilleures solutions quand on voyage seul avec un tas de bagages: les mains des proches.

Je regarde s'éloigner les trois membres de famille excités, père, soeur, fille de la soeur, et l'homme toujours tout calme et en qui je sens la solitude. C'est bientôt mon tour. Avec ce petit délai de découverte, mon préssentiment me dit qu'il ne faut pas attendre de ce qu'on a eu au moment de l'accueil, la plus superficielle des choses, qu'il faut continuer à être gentille mais qu'il ne faut pas oublier de se défendre, au cas où.


***

"Allons, c'est à nous." Mon gilet bleu réapparaît devant moi à l'heure dite. Bien! Mais on part sans chariot. Ni le porte-bagage parce que ma valise est trop large et c'en aurait être inutile. Peu importe, qu'il m'aide à arriver dans le train et ce sera tout. Lui tient la grosse dans la main droite, la petite à gauche, comme je fais d'habitude. Montée sur l'escalier électro. On se parle un peu pour être moins gêné par le silence. Entrée dans la gare, contrôle de sécurité...et en redressant mon grand bagage renversé par terre, il en a déjà marre. "Mais Miss, c'est lourd ton bagage, dis-donc!" "Ah c'est sûr! Sinon je n'aurais pas besoin de ton service." "Tiens, tu peux pas prendre la petite?... Ca y est on y va." Je préfère sincèrement que je prenne la petite, d'autant que ce n'est pas très difficile à la porter même s'il faut monter l'escalier. En plus, je ne vois vraiment pas qu'il puisse tenir longtemps avec tous les deux bagages. Et puis, mon auto-service rend moins capitaliste l'affaire dans son ensemble, et soulage ma mauvaise conscience de trop.

Montée au deuxième étage des salles d'attente. Celle de mon train est juste la deuxième à gauche. Très bien. "Mais tu vas où?" J'essaie de rester calme en voyant le gars continuer à arpenter et rouler vite mon bagage sans freiner. "Mais tu le sauras tout à l'heure", il m'a donné un clin d'oeil, "Suis-moi."

Je ne peux faire autrement. C'est alors que j'ai compris que ce genre de service n'a pas trop changé dans sa nature. On ne prend pas de piste normal. Mais pourquoi a-t-on besoin de raccourci? Honnêtement, ça ne me gêne pas de faire la queue dans la salle indiquée sur l'écran.

Le gars file encore mais commence à changer de gestes, tantôt il traîne, tantôt pousse. Je ris. "Mais Miss, pourquoi tu ris?" "Pour pas grand chose..." "Ah, tu vois, j'en peux plus. J'ai mal à la ceinture, hélas... je ne viendrai pas travailler demain, me faut une journée de pause!" "Allez, c'est déjà pas très loin tu vois, on y est presque!" Et le petit théâtre se joue encore, il me montre tantôt la douleur tantôt l'ennui, pour susciter mon sentiment de culpabilité d'être exploiteuse.

On tourne finalement à gauche pour entrer dans une salle moins grande. Il me dit de sortir le billet de train, le suivre rapidement et éviter de stopper. Ca rend nerveux quand on ne sait ce qui se passe et qu'il faut agir comme tel. Je vois une porte ouverte, je vois qu'il est déjà de l'autre côté de la porte avec mon gros bagage, je traverse et je suis stoppée par une femme en costume de gare. "Ticket? Sors le ticket!" Je montre le ticket. "N'importe quoi. Sors, sors!" Je suis poussée derrière, le gars n'en peut rien et refranchit la porte me rejoindre. "Mais qu'est-ce qu'il s'est passé?" "Zut alors, t'aurais pu me donner le ticket, moi j'ai déjà passé!" "C'est quoi comme l'accès?""Celui pour les vieux faibles malades et handicapés!" "Ah. Et pourqoui seule moi suis arrêtée, et le couple accompagné d'un autre gars de gilet bleu ont passé?" "Ils ont un bébé à la main!""Ah...""Et comme ils te voient une jeune en pleine forme..."

Je finis par comprendre l'histoire. Alors on a maintenant un seul choix, cher gilet bleu: l'accès normal. "Ah, je n'en peux plus, Miss." "Ah, c'est juste devant, on y sera bientôt! Allez!" " Je ne veux plus faire (le service)." "Humm...en ce cas j'irais me réclamer." J'essaie de garder le ton de blague. "Alors je te rendrai de l'argent et te raccompagnerai." grimace-il. Oh là, bon homme, tu ne connais sans doute pas le terme, mais tu le pratiquerais bien, le fameux Nash equilibrium: un maître agriculteur décide de tuer son poulet. A la veille lorsqu'il donne à manger au poulet, il a dit l'indiscret: mange! Autant que tu peux, c'est ton dernier repas! Le lendemain il voit le poulet tombé et lit son testament: Ne pense pas à me manger, hihi, j'ai pris le poison pour les souris! Moi, je ne suis pas inoffensif non plus!/爷吃了老鼠药了,你们就别想吃爷了,爷他妈也不是好惹的!Histoire de chacun pour soi et de paradoxe du gagnant-gagnant du capitalisme. Le non-profit du partenaire A et B, ce serait bien le cas qui arrive le plus souvent.

Mais je ne suis pas le maître qui tue. Toi non plus tu n'as pas l'air poulet. Enfin...marchons. Dans la salle d'attente, la bonne, le check-in a déjà commencé. On avance doucement dans la foule, je laisse composter le ticket par le contrôleur, le gars passe avec rien et sans être interrogé, s'occupant de ma grande valise. C'est le moment de la descente au platform. Durant toute notre petite aventure, pour une fois on se confronte...aux escaliers.

Les gens autour commencent à maudire la gare: inhumaine et immorale d'avoir gardé cette barrière artificielle où tout le monde rame. Après avoir descendu ma grosse valise via cette cinquantaine d'escaliers, Mon gilet bleu prend sa pose, m'attend, et dit: ça va Miss? Ca va, la Miss n'est pas vieille faible malade ou handicapée, qu'elle se débrouille. Il me montre ensuite le sourire complexe: "je ne t'oublierai pas Miss." "Non? Hé bien c'est tant mieux." L'intimité ne me plaît pas, voire me gêne, mais autant continuer à être léger quand il faut rester léger.

Dans le wagon de couchette il dépose les bagages pour moi. Je le regarde faire et pense à lui donner un peu de pourboire, sans vouloir provoquer sa sensibilité morale. Lui semble m'avoir ressenti, se retourne avant de partir et me dit: "Miss, donne (moi) un peu de pourboire?"

C'est bien. Avec la demande, les choses vont beaucoup plus faciles, et ça nettoie curieusement ma petite dose de mauvaise conscience inutile. Il repart pour servir d'autres passagers et moi, je vais m'offrir un bon sommeil de train, ce qui m'arrive assez peu, avant de me préoccuper de nouveau des bagages le lendemain matin.


***

Le bon soleil du nord m'enchante le lendemain matin. Avant que le train n'entre dans la gare de Pékin, l'homme en haut de ma couchette m'a déjà rassurée en disant qu'il devrait y avoir des "hong-mao-zi/红帽子/chapeaux rouges" prêts à servir au platform. Ah, "chapeaux rouges!" C'est alors que je me suis souvenue que j'ai bien lu ces mots, accompagnés d'un numéro de téléphone, marqués sur les colonnes du platform à Shanghai; or je n'ai vu personne portant le chapeux rouge, la veille sur le platform :c'est normal, les effectifs officiels ne travaillent pas jour et soir et c'est inhumain de les faire attendre tout le temps sur le platform.

Le train entre dans la gare et je m'excite à voir d'abord un chariot électronique ensuite plusieurs gars portant le chapeau rouge au platform, et chacun avec un chariot ou porte-bagage, les vrais! Le train s'arrête et l'homme de la couchette en haut m'aide à descendre les bagages du train. J'ai bougé une dixaine de pas pour appeler le chapeau rouge le plus proche: c'est un gars aussi mince, qui regarde vaguement les passagers qui descendent. Lui a un chariot. J'ai dû laisser ma grande valise et aller jusque devant lui pour lui attirer l'attention. "Urh...vous pouvez m'aider pour emmener les bagages, jusqu'à la consigne?" "Oui." "Et c'est combien?" "10 yuans pour la grande, 5 yuans pour la petite." "Vous pouvez juste prendre la grande? Je peux prendre la petite moi-même." "Oui."

La brièveté et la simplicité m'ont été inattendues. On se rend alors vers la sortie sans aucun souci, la grosse 30kg sur le chariot que le gars pousse vite en dépassant la foule. Le gars est très timide, le regard fuyant, et j'ai eu juste l'occasion de savoir que, comme à Shanghai, ça fait plus d'un an que le service existe.

Le guichet est cette fois située à l'espace étroit des deux colonnes à la sortie de la gare. Le gars s'arrête pour me faire payer à une fille assise entre les deux murs devant une table, avant de me conduire au loin vers la droite. "On va où?" "A la consigne." "Mais c'est pas dans la gare même?" "Là c'est trop cher."

En parlant on est arrivé devant une consigne marquant en grand caractère "consigne-auberge nationale/国营寄存处-旅社". Le concièrge, d'un accent admirable pékinois qui communique la gentillesse, m'a demandé 80 yuans pour le dépôt jusqu'au dimanche où je vais devoir déménager. C'est le prix le moins cher, me dit-il, dans la gare on m'aurait demandé le double. Et rassure-toi, sans faute, ça fait une dixaine d'années qu'on est ici.

Alors que le concièrge est en train de ranger ma grande valise, le gars dit Maître Li, j'y vais! et se retourne, disparaît dans la foule de la gare. Je n'ai même pas pu lui dire merci, sans parler de pourboire. Ce mélange de réserve et de droiture, nordique si j'ose dire, m'attire et me touche facilement. C'est un bon commencement, me dis-je en me rendant vers l'accès du métro pour retrouver la chambre qu'une amie de lycée m'a laissée pour le séjour avant le déménagement.





(billet achevé le 8 fév 2009)

02/02/2009

Pont WuNingLu (et Peinture Murale au Carrefour)


"La plus grande peinture murale en trompe l’œil au monde est désormais une réalisation française à Shanghai."
-Communiqué du Consulat de France à Shanghai















Sur le pont Wu-Ning-Lu défilent les voitures
or j'y demeure
Faut-il que je tienne
à enregistrer la murale qui trompe






De figures en figures les vrais et faux
s'y mêlent, interfaçables
l'oeil confu
l'esprit qui s'émerveille













Sous le pont Wu-Ning-Lu coule la Su-Zhou-He
l'eau si terne
tandis qu'au rive se dresse
attendant la vente les tours brunes



La nuit tombée s'allume la façade
le bus s'en va je contemple





Pour plus de photos: Cliquez ICI

Notes:
- Ces petites lignes sont librement inspirées du
Pont Mirabeau.

- J'ai été étonnée par les travaux sur cette grande peinture murale que j'ai vue pour la première fois dans le bus(si ce n'est pas pour aller au Carrefour, on franchit très peu le pont à pieds), et dont je constate les étapes d'achèvement. Avant de lire le communiqué du Consul, je ne savais pas que la peinture avait une telle importance. Je suis simplement impressionnée par l'hyperréalité des images, qui synthétisent le Midi, le Louvre et le Panda(quelle blague..), Sacré-coeur, Monmartre, la boulangerie (sans nom, mais peu importe) qui me manque; j'apprécie le mélange parfait de la façade peinte et façade existée, de l'art et artisanat, du vrai et faux: en regardant les photos, on peut s'amuser à distinguer le vrai du faux, le faux du vrai, à redéfinir ce que c'est le vrai et le faux, à se demander ce que vaut le vrai et le faux.

- Le pont a été renouvellé tout récemment et d'une vitesse incroyable. La première fois que j'allai au Carrefour après mon retour, le pont était comme il était, sans rien; une semaine plus tard, il y avait les planches de construction partout sur les trottoirs du pont; les statues ont été installées en peu de temps. Et voici une petite conversation que j'ai recueillie dans le bus:

F: Ah mais tu vois, ça a changé, Wu-ning-lu-qiao! C'est joli maintenant.
H: Hé oui...ah, ils ont ajouté les statues!
F: Maintenant c'est comme à l'étranger...La Seine...non?
H: Ah ya...c'est tous pour montrer aux étrangers à l'Expo!
F: Effectivement...et tant d'immeubles qui se poussent, tu vois...il n'y avait pas tout ça.
H: Oui...avant c'étaient plusieurs usines, maintenant toutes déménagées! Avant, où se trouvait tant de grands immeubles?!
F: O yo...ça ne compte pas ça. Si pour montrer aux étranger alors il faut tout montrer. Tiens... là, derrière les grandes tours, les faire voir les anciens immeubles serrés...Qu'est-ce qui est intéressant s'ils voient uniquement l'outer-side? ...


C'est bien un faut pont sur la Seine. Ca ne vaut même pas la peine de discuter si c'est beau ou pas beau, je trouve ça juste bizarre. Et, citoyenne, j'accepte ce changement comme ça, un petit changement parmi tant d'autres.
Rien de très grave.

- La dernière photo, ma préférée, n'a rien à voir avec la peinture au Carrefour. Je l'ai prise dans le bus qui s'arrête au plein milieu du pont à cause du trafic.

- Aussi dans le bus, j'ai enregistré un petit vidéo qui permet la vue de la peinture murale à la tombée de la nuit. Or ce qui me plaît le plus dans ce vidéo, c'est le moment où le bus réduit la vitesse en descendant du pont: l'embouteillage s'entend sous les roues. Et sur le panneau de route dressé au pied du pont se lit:

L'embouteillage devant, veuillez contourner.
(前方拥堵,建议绕行/qian-fang-yong-du, jian-yi-rao-xing).