24/11/2008

Shanghai je te trouve pas

Shanghai a beaucoup changé. Moi aussi. Tant que je me sens mal à l’aise durant les premiers jours de mon retour à cette ville immense. Immense et grise, puis-je dire ainsi.

Depuis le décollage de l’avion à Milano où j’étais en transit(quel bonheur de rejoindre encore une fois l’Italie et l’italien...), j’ai cru en train de faire un voyage hypertemporel, durant lequel je me réveillais peu à peu d’un long rêve sur l’Europe et où demeure la personne d’une identité complexe qui s’appelle Delphine et qui aurait toujours été aérienne. Sans gravité.

Je suis sortie de l’Aéroport de Pudong alors que c’était le bon matin. Sans doute est-ce pour cela que je n’ai pas senti l’odeur de l’air de Shanghai. Mais depuis, mon nez souffre de sternutation car le coryza allergique ne tarde pas à me rejoindre au bout de deux ans de séparation, et mes yeux qui grattent me signalent que l’air se serait sinisé. Faudra que l’on s’y accommode.

Shanghai est devenue un grand chantier. Les gratte-ciel poussent comme les herbes folles. Les gens commencent à prendre le passage piéton et attendre le feu vert pour traverser la rue, mais j’ai risqué la vie pour me rappeler que les voitures ici ne laissent pas passer en premier les piétons et qu’il faut regarder, à gauche puis à droite, en traversant. Les klaxons, moins terribles que j’avais imaginés, me semblent une toute nouvelle chose, tellement que j’ai le sentiment d’être dans le cinéma(ce ensorceleur...) de Jia Zhangke, celui-ci étant d’une réalité réaliste. En me déplaçant, j’ai dit pardon dans l’air et j’allais dire bon soir au chauffeur à l’abord du bus. J’ai fini par échanger un sourire passager. Ce drôle de sentiment et de réflexe.

Je marche dans la foule et, à ma surprise, je n’entends pas beaucoup de dialect shanghaien. Les nouveaux shanghaiens ont l’air réjouis de leur vie ici, manifestant la joie en cachant les ennuies. Mais pour où sont-ils partis, ceux qui y sont grandis et qui y ont leurs histoires ? L’amie du lycée qui est à Shanghai de passage me dit : tu sais, l’un de nos camarades d’alors est parti vivre dans la campagne à l’Ouest-Chine, il a son jardin maintenant et il cultive ses légumes. N’y retourne. On dit, bien des vieux shanghaiens se reculent de plus en plus dans le li-long et vivent désormais dans leur monde à l’écart et dans leur souvenir. Eux non plus ne supportent pas ce fantasme de modernité ?

C’était un soir. Dans la petite rue qui prolonge Shan Xi Nan Lu, j’ai croisé un vieux qui se promenait seul. C’était un visage impassible avec un regard tranquille, qui reflète l’apaisement de son intérieur. En l’approchant j’entendis chanter le grillon dans sa proche. En l’éloignant je le suivis des yeux, je me dis que Shanghai s’est éloignée comme cette silhouette, plus ou moins assombrie, ne trouvant plus son endroit dans le chouchoutage du monde du business international.

On m'appelle Delphine ou Zhihong ou Zhihong Dong ou Dong Zhihong ou Xiao Dong ou simplement Dong. Je suis shanghaienne d’apparence et étrangère par nature. Paradoxale.

Et Shanghai de même.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bon retour au pays Delphine, tu nous reviendra peut être un jour !

Delphine a dit…

Sûrement Xiao-bob, j'y reviendrai;)

Anonyme a dit…

j'aime beaucoup ce billet.
A très bientôt à Shanghai!

Delphine a dit…

viens de voir tes mots. Humm..faut que tu me précises pourquoi t'aime celui-là.Oui, à très vite comme prévu!

Anonyme a dit…

Il observe aussi la croissance des gratte-ciel, ultra-rapide, comme celle des bambous.

(une note de mon camarade Serge Bramly sur un territoire parfois déroutant, la grande ville de Shanghai.

Anonyme a dit…

Parce que "j’ai le sentiment d’être dans le cinéma" comme tu écrivais dans le billet.J'aime bien les descriptions très fines que tu as faites.