24/12/2008

L’exposition tibétaine- Ji Xiang Ha Da (II)

Malgré la maladresse qu’ on a ressenti à l’entrée, la typologie à l’intérieur est bien conçue en général, on compte 11 zones autour de cinqs thèmes (Histo, Nature, Humanités, Arts, Trésors ; le numéro 5 étant sacré dans leur religion comme dans quelques d’autres). C’est ainsi que s’est faite la rencontre avec les objets de haute valeur qu’on ne voit même pas lors d’un voyage au Tibet. On fait des tours et des tours entre les murs, comme on les faisait autour d’un temple tibétain, et on découvert les objets rituels (les pierres Ma Ni gravées de sentences, l’os d’une tête de veau...ah je rigole.) et agricoles, les ustensiles religieux et quotidiens(dont un radeau en peau de yak, un luth divin avec six cordes, une planche d’environ 30cm x 7cm, gravée de très très jolies peintures colorées et qui servait de pupitre pour les petits nomades de naissance aristocratique), les costumes tibétains qui font traîner les femme visiteurs, et les masques, avec une face qui sert à effarer les démons dans les danses rituelles(souvent en blanc, couleur divine des Tibétains) ou dans l’opéra tibétain(souvent en rouge sombre, pour choquer la vue).

(Photo à gauche: le masque sur la photo est suspendu à
l'autre face de la tête au-dessus d'une robe du haut fonctionnaire
tibétain dans l'expo, ce qui m'a fait bien rigoler.)

Les rouleaux tibétains, les Tang-Ka, ou Thang-ga en tibétain, restent les oeuvres les plus impressionnantes de toute l’exposition, à mon sens. Ce sont les images de différents Bouddhas, peints selon chacune de leurs légendes. Le tout est brodé à la main(pour la plupart) ou peint sur un étoffe en cotton à la base d’une maquette, puis encadré d’étoffe, avant que les rouleaux ne soient ajoutés sur le haut et le bas. C’est l’abondance de signes et de symbols qui se perçoivent dans une telle oeuvre, on dit que sur un seul Thang-ga (70cm x 150 cm environ), il faut écrire un bon livre pour expliquer le sens qui s’y incarne : « Comprenez ! Pour les occidentaux, une peinture à l’huile, c’est simple ; il ne s’y trouve pas autant de sens que dans un Thang-ga ! Voyez, ce Bouddha, n’est-ce pas plus merveilleux que la Jaconde ? » Soit. Mais pas tant que ça, finalement. A nos jours, un Bouddha ne séduirait pas autant qu’un sourire du genre de la Jaconde, s’entend.

En revanche, j’ai pensé encore une fois à la peinture italienne, voire byzantine. C’est intéressant de voir que les religieux de l’Est comme de l’Ouest ont tous cherché un effet de divinité, ou de scintillement, pour être mondain. Les italiens du XIVe siècle ont su utiliser largement l’huile en tant que matière, ce que que leur ont initié Van Eyck (si ma mémoire est bonne), afin que les figures des dieux se reflètent dans les lueurs des bougies ou dans les lumières naturelles des église ; les Tibétains utilisent quant à eux les fils d’or pour broder les toits d’un temple, l’aura d’un Bouddha, etc. On reçoit alors les mêmes effets visuels, quand on aperçoit les statuts à distance. Sans parler que les peintres italiens de la Renaissance sont aussi connus de leur exigence sur les détails qui ne manquent pas de sens ni de signification.

Ce qui est très dommage dans la contemplation des Thang-ga, c’est que les explications sont trop rudimentaires pour qu’on puisse comprendre, même grossièrement, ce que veulent dire les différentes couleurs employées sur le statut d’un Bouddha, par exemple. De même, comme la légende du rouleau médecin est écrite en tibétain, sans titre ni résumé, je ne peux que lire graphiquement pour admirer l’illustration des principes de la médecine tibétaine autour de cinq éléments fondamentaux : comment se varient les cinq éléments dans notre vie et comment maintenir leur équilibre dans l’alimentation, dans l’exercice sexuel comme dans la prolifération.

Il est vers la fin de l’après-midi, et donc vers la clôture de l’exposition à Shanghai. Les effectifs se montrent mous, commençant à ranger peu à peu les oeuvres exposées. Pour la première fois, j’ai pu voir les gens décrocher et empiler les tableaux, les écarter les uns des autres avec un étoffe de velours. Sur le côté, plusieurs jeunes moines sont en train de décrocher soigneusement un énorme Thang-ga sous la commande d’une femme âgée tibétaine. Je suis allée demandé l’un d’entre eux : « vous allez à quelle ville prochainement pour la tournée de l’exposition ? » Lui répond : « Ting bu dong. / Comprends pas. », avec la réserve et la timidité qu’on perçoit chez bien des tibétains du peuple. Je pose alors la question à la femme âgée. « Rentrons à Lhasa./Hui Qu La Sa », l’a-t-elle dit tout brièvement. Ah bon, pas à Pékin alors, comme l’a écrit sur la presse. Une autre femme m’a expliqué plus tard qu’ils iront probablement à Su Zhou(dont la conservation des traditions est connue par tout le monde), à Shen Zhen aussi (où il y a pleins de nouveaux riches qui auraient soif de la culture), mais pas à Pékin, dit « c’est pas le moment ».

Ca me paraît assez curieux d’entendre qu’il ne convient pas de faire la tournée à Pékin. Au début, je me demandais si ce genre d’exposition ne serait pas problématique aux yeux du gouvernement, mais non, j’ai lu dès l’entrée de la salle l’introduction de l’association CAPDTC qui s’occupe de l’art et la culture du Tibet et dont le siège se trouve justement à la Capitale ; pour l’exposition, l’association a également obtenu le soutien des autorités centrales et tibétaines, et celui de la fameuse CCTV(central, même si tout le monde s’en moque)—sur ce, on m’a appris récemment que, pour le bien déroulement des ONG, dont les activitées sont assez présentes dans ma vie actuelle, vaut mieux 1- avoir le soutien officiel, au moins c’est dit comme ça selon les sous-jacents chinois ; 2- agir selon les contextes où l’on se trouve : la notion des « contextes » est bien à la mode, mainetant que nous sommes tous dans le courant de la mondialisation et que l’on change de repère culturel du jour au lendemain.

En ce cas, qu’est-ce qu’on peut envisager sur les événements culturels en Chine ? Il y aurait peut-être aussi une « 3e voie », pallèle à celle du développement économique, dans le secteur culturel : si par hasard le gouvernement dit oui et donne les subvensions pour certaines activités culturelles (dont la restauration d’une partie des oeuvres d’art tibétaines, il faut le dire), tant mieux, on serait alors sous un système semblable à celui de la politique culturelle française qui donne les soutiens à la culture (hélas beaucoup moins qu’avant en ce moment) ; pour le reste, il faudrait emprunter une méthode anglo-saxone(dite libéraliste ?) et prendre l’autonomie pour chercher le financement en convainquant les riches cultivés.

Humm...faut-il dire alors qu’on est heureux d’être Shanghaien pour accueillir les oeuvres de qualité qui sont politiquement sentibles ? Mais déjà, on m’a déconseillé de parler de la politique. Je me contente alors de regarder les gens renrouler soigneusement le gros Bouddha, et ce geste même aurait porter un sens religieux pour eux. Entre temps, une sentence m’est survenue dans la tête...La souvenez-vous ? « Fo Tsi Tsaï Sin Tchong », la prononciation française que Ben m’avait apprise : « Le Bouddha est en soi. »


Source photos: le masque tibétain, la pierre Ma Ni ;
Pte gallerie des objets exposés: Ji Xiang Ha Da

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Infos pratiques:

- Site de l’ONG organisatrice CAPDTC (China Association for Preservation and Development of Tibetan Culture): (En/Chi) http://www.capdtc.org/

- Site sur la culture tibétaine : (En/Chi/Tib) http://en.tibetculture.net/

- Site de l’exposition à Shanghai : (Chi) http://www.jixianghada.org/

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ces deux articles sont très intéressants, à plus d'un titre, ils englobent la culture la religion l'art et ... la politique.
Je voudrais apporter une petite précision? l'art en occident selon moi n'est religieux que par le sujet;
L'artiste n'a pas le choix, s'il veut travailler il faut qu'il peigne des vierges et des christs. Il le fait avec toute son âme d'artiste mais peu de religiosité transparait, il laisse d'ailleurs souvent des quantités de signes, de preuves, de son point de vue profane, ses personnages sont hommes et femmes.
Pour comparer avec les œuvres tibétaines, il conviendrait mettre en parallèle les icônes grecques et russes, qui ont été produites par la foi religieuse et qui en rendent compte.

Delphine a dit…

Merci Xiao-bob pour votre perception multiple et votre précision.
Il est vrai que les artistes comme Mantagna, M.Antonello, Bellini, Da Vinci etc travaillent sous la commande des puissants et que sont impliquées dans leurs oeuvres les visions humaniste et créative plutôt que la religiosité; alors que le processus de la rélisation des temples en sable ou des Thang-ga porte un sens religieux pour les Tibétains.Je me suis renseignée un peu sur l'Internet,pour le cas des Thang-ga, l'usage des couleurs auraient été codifié dans les canons religieux et ceux qui réalisent le Thang-ga n'ont pas lieu d'y ajouter les marques perso dont leur signature,ils copient simplement qq textes religieux au verso de la peinture.Les auteurs(notion profane me semble-il..) sont ainsi rarement identifiés. (Réf page-Web en chi: http://xy.tibetcul.com/rd/zw/200512/1082.html)