13/11/2009

Comment intituler ce billet, ou la découverte

 

Photo : Une mendiante écrit à la craie les textes qui portent un certain sens. Les pavés du trottoir sont devenus pour elle les carrés du cahier d'étudiant. J'ai trouvé beaux ses caractères.


 

 

Je n'ai pas eu le temps ni l'état mental pour finir le billet que j'ai commencé depuis samedi dernier, mais je pense que je dois d'abord mettre ce petit billet-ci en ligne.

 

Lorsque je prépare le texte sur La Loge- c'était le lundi 9 novembre, j'ai juste pensé au thème du temps, à un temps déplacé, décalé, à son rapport avec l'espace. J'ai voulu parler de la relativité qui se rend floue ou se dissipe. C'est tout ce que j'ai retenu quand je contemplais le tableau il y a plus de 8 jours. Et j'ai réfléchi sur la manière que je peux utiliser pour bien construire les lignes qui puissent dire ce qu'il y a dans ma tête et ce que j'ai vu, ou cru avoir vu. Ce n'est pas tâche facile car j'ai souvent besoin de tout un bloc de temps à y consacrer.

 

Par hasard, et je ne sais ce qui m'a pris, j'ai cherché sur Internet la chronologie de l'an 1908, l'année où Bonnard peint ce tableau, et j'ai trouvé une certaine conscience sur le droit pour les femmes, sur le statut social des femmes. J'ai remarqué ensuite que la notion espace-temps a été travaillée par Minkowski en cette année. Le texte sur Wiki que j'ai parcouru, et que je n'ai pas tout lu, m'a donné un frisson léger. Je suis aussi profonde que ça ? J'ai pourtant gardé la bonne raison qui dit, comme ce qu'on m'a précisé, qu'Internet n'est que l'accès vers un certain nombre de choses qui nous concernent et qu'il faut, en réalité, chercher dans les publications en papier. En écrivant et en traduisant ce que j'ai écrit, j'ai encore découvert des choses, quelque chose de visionnaire, disons-le, car la langue française, d'après ce que j'ai ressenti, est tellement iconographique, par rapport à la langue chinoise, proprement idéographique. Ca peut être l'une des raisons pour lesquelles les deux civilisations se font complémentarité, puisque leur rapport est comme celui de l'endroit-envers, du recto-verso ?

 

Le hasard, je crois, est d'un registre de magie. Autant dire les hasards, qui font l'Histoire et qui donnent sens à telle ou telle date. Sur ce, c'est la date qui détermine un évènement ou c'est un évènement qui détermine une date ? Je pose la question, parce que dernièrement, tout semble tomber pile-poil pour ressortir le sens des dates. Mais enfin, quels sens ?

 

Très vaguement j'ai ressenti que j'ai un peu peur de moi-même. A cause de l'aspect dit « visionnaire » si l'on veut. Il est clair que, d'ailleurs comme ce que j'avais dit, une fois les yeux ouverts, il est impossible qu'on retourne dans un état d'aveuglement grave. Les hasards pour moi, ce sont parfois juste quelque chose d'inconvénient, ou bien simplement une lacune. Et une lacune, ou encore une oubliette, une bêtise, peut faire merveille.

 

Cet après-midi, lorsque j'ai fait lire le texte, j'ai eu un A. Mon chef m'a signalé de signer, d'une façon toute naturelle que j'admire. A vrai dire, j'ai l'horreur du mot « signe » et j'ai l'impression qu'il trouble un peu les gens de cette société chinoise en période de « pensée libéralisant», et parfois l'on peine à creuser le sens d'une expression toute simple. J'interprète souvent gauchement des choses à cause de mes préoccupations sémiotiques plutôt que sémiologiques, et je pense que c'est ainsi qu'une personne méditative peut se glisser vers un paranoïa-critique, tout confondre, et ressortir quelque chose qui vient de nulle part, décalée, déplacée, déménagée.

 

J'ai effectivement pensé au problème de la signature des textes. Précisons que ce sont avant tout les textes de com, qui sont conventionnellement sans signature, si j'ai bien compris. J'ai trouvé sympa et drôle, cet état de l'incognito. Et puis lorsque le nom se cache, le style parfois fait sentir et identifie un petit peu. Ou encore rien ne s'identifie réellement. J'ai été heureuse d'avoir eu ce retour et je n'ai pas pu cacher ma joie. J'aime vraiment ce texte même s'il n'est pas parfait, il sort du fond de moi les bribes de mots qui demeurent les clés de quelques-unes de mes préoccupations.

 

Mais comment signer sur un billet PF mis en ligne ? Là j'ai encore bien hésité, histoire du nom. D'instinct, j'ai signé Del phine. Comprenez, je vois ça un réflexe avant tout linguistique. Toutefois je connais le pouvoir de google et trouve terrible que l'adresse de ce blog comble les premières pages. J'étais sur le point de le changer en DZ (c'est ma nouvelle étiquette), mais j'ai tenu compte de quelque chose d'encore plus terrible à cause de ma fanfarerie assez récurrente. Et puis, j'ai découvert…j'ai complètement oublié ça au fait…que ce site est bloqué en Chine ! Je dis Ecco e Brava. Je suis toute contente de lire les fenêtres sur lesquelles sont marquées Connexions interrompues, avec un point d'exclamation. Ca fait partie de l'art de la séduction (sujet d'un ouvrage qu'un prof m'a conseillé de lire) et ça crée le désir (sujet qu'un autre prof a travaillé). De plus, en ce moment même j'ai reçu un texto d'une amie qui dit : pas de souci pour le week-end prochain…bon courage pour ton taf et… ! Eh bien je suis cette indication hasardeuse et signe Del phine.  

 

Je voulais écrire les remerciements déjà. Je pensais à en écrire beaucoup plus tard, mais là, j'ai appris qu'il faut anticiper. J'anticipe donc. C'est pour moi vraiment de la chance, d'avoir ces chefs et grands chefs anciens et actuels, d'avoir ces profs (ou autant dire maîtres), au sens strict et large qui m'ont été et me sont importants, et je pense qu'ils le savent. Je suis reconnaissante de cet «allez demander… », d' « il faut développer… », de cet « alors», du « pour nous », du « jia you », de l'approbation, du soutien, de la formation de toute manière, de la confiance.

 

(texte élaboré le 11 nov)

 

 


 Non je n'ai rien oublié

by Charles Aznavour

Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait
Le hasard est curieux, il provoque les choses
Et le destin pressé un instant prend la pause
Non je n'ai rien oublié

Je souris malgré moi, rien qu'à te regarder
Si les mois, les années marquent souvent les êtres
Toi, tu n'as pas changé, la coiffure peut-être
Non je n'ai rien oublié

Marié, moi ? allons donc, je n'en ai nulle envie
J'aime ma liberté, et puis, de toi à moi
Je n'ai pas rencontré la femme de ma vie
Mais allons prendre un verre, et parle-moi de toi

Qu'as-tu fait de tes jours ? es-tu riche et comblée ?
Tu vis seule à Paris? mais alors ce mariage ?
Entre nous, tes parents ont dû crever de rage
Non je n'ai rien oublié

Qui m'aurait dit qu'un jour sans l'avoir provoqué
Le destin tout à coup nous mettrait face à face
Je croyais que tout meurt avec le temps qui passe
Non je n'ai rien oublié

Je ne sais trop que dire, ni par où commencer
Les souvenirs foisonnent, envahissent ma tête
Mon passé revient du fond de sa défaite
Non je n'ai rien oublié, rien oublié

A l'age où je portais mon cœur pour toute arme
Ton père ayant pour toi bien d'autres ambitions
A brisé notre amour et fait jaillir nos larmes
Pour un mari choisi sur sa situation

J'ai voulu te revoir mais tu étais cloîtrée
Je t'ai écrit cent fois, mais toujours sans réponse
Cela m'a pris longtemps avant que je renonce
Non je n'ai rien oublié

L'heure court et déjà le café va fermer
Viens je te raccompagne à travers les rues mortes
Comme au temps des baisers qu'on volait sous ta porte
Non je n'ai rien oublié

Chaque saison était notre saison d'aimer
Et nous ne redoutions ni l'hiver ni l'automne
C'est toujours le printemps quand nos vingt ans résonnent
Non je n'ai rien oublié, rien oublié

Cela m'a fait du bien de sentir ta présence
Je me sens différent, comme un peu plus léger
On a souvent besoin d'un bain d'adolescence
C'est doux de revenir aux sources du passé

Je voudrais, si tu veux, sans vouloir te forcer
Te revoir à nouveau, enfin... si c'est possible
Si tu en as envie, si tu es disponible
Si tu n'as rien oublié
Comme moi qui n'ai rien oublié




Libellés: La chineuse chine, En bribes, in Fabula


3 commentaires:

Cochonfucius a dit…

N'ayons pas peur d'être visionnaires!

Nous sommes de ceux pour qui l'oeil "est" l'esprit, comme dit presque Merleau-Ponty.

xiao-bob a dit…

Cette mendiante a bien du talent.
Son texte peut-il être traduit?

Cochonfucius a dit…

Voici déjà une référence de Toile.

氣是胸中一把刀, la colère est un couteau qui se plante dans le coeur...

Ce sont des recettes de bonne santé.