21/10/2009

Au travail



Fête nationale, station de métro à Shanghai



Du mois d'octobre jusqu'à la fin d'année (chinoise et pas tellement chinoise), ce sera pour moi le gros combat. Mon travail actuel est un peu difficile à décrire car c'est compliqué et il y a de temps en temps du changement.
C'est en général deux parties de missions, partie éditoriale et partie apprendre-et-savoir-tout-faire-sur-une-page-web pour notre site-web, plus la traduction, plus les etc.. Le projet est admirable en somme, et le tout est très très formateur et me permet de sortir des idées de la tête. J'en suis aussi très reconnaissante pour l'occasion.
C'est le marathon du cerveau qui durera des mois, et il faut que je me prépare avant que la veritable journée de comble ne commence. Je suis allée acheter de la noix et du sésame noir car la nutrition chinoise dit que manger de la noix revitalise le cerveau. Je bois aussi du lycium tous les jours car c'est bon pour l'oeil.
Mais j'ai encore cette mauvaise habitude d'abuser le temps lorsque je ne dors pas.
On dit qu'il convient que le travail et le goût se sépare. La passion pour telle ou telle chose (texte et image, pour mon cas) qu'on retrouve dans le travail entraîne les gens à s'épuiser et ce n'est pas bon pour la santé, pour la longétivité, que sais-je. C'est assez paradoxal car sans la passion pour ce que je travaille, je ne crois pas pouvoir longtemps me tenir.
Donc, encore une fois je suis prête à m'épuiser. Je pense au moment où j'entamais la rédaction de la première partie de mon mémoire. J'avais très peur de ne pas pouvoir finir la rédaction à temps, je travaillais dans un état hyper stressé, j'y suis parvenue à la fin. Et je crois que cette fois, de même, j'ai à m'y mettre à fond.

***


Je fais les aller-retour entre les bureaux. Ca me fait plaisir de découvrir la vie de bureau, et ça s'apprend, la vie de bureau.

C'est la première fois que j'ai eu l'occasion de travailler dans un milieu plutôt chinois, enfin... plutôt de rapprocher le milieu professionnel chinois. J'ai été très impressionnée par le fameux "rapport de production" dans la théorie de Marx appliquée dans le contexte chinois. L'espace de bureau est au vrai une mini-arena où la politique se joue constamment: qui dit que les Chinois ne s'intéresent pas à la politique. J'ai été étonnée d'apercevoir que la façon dont gérait, communiquait, contrôlait une rédactrice expériencée, qui ressemblait en quelque sorte à celle de la gouvernance à la chinoise. Autoritaire, ou plutôt le zèle pour le mythe de l'autorité et puis du pouvoir.Intéressant d'observer car on y voit un peu où se trouvent les problèmes.

Autoritaire, je crois bien connaître cela. A l'université pour préparer un petit trimensuel d'étudiants ou encore pour une soirée de fin d'année, les deux jeux sociaux de campus étant morts aujourd'hui, j'allais trop vite sans l'opinion des autres et je faisais les commandes speedy, toi tu vas faire ceci et toi cela, tu viens ici et toi là-bas, allez vite on n'a plus le temps!!! Un étudiant d'une année plus jeune que moi me disait plus tard, en rigolant, qu'à l'époque ils "avaient peur de moi". Ouh là, ça m'a sérieusement choqué et m'a fait un peu peur à moi-même.

C'est pour cela que je crois comprendre assez bien l'état d'esprit de cette rédactrice-là. Bien garder le pouvoir, imposer de près, contrôler, pour que les gens puissent sagement et correctement travailler. Mais non, bien garder le pouvoir, c'est aussi écouter les gens avant de prendre la décision, savoir les motiver et mobiliser, ordonner sans trop y imposer. Un peu de détente fait du bien à tout le monde car être chef, ce serait surtout tâche stressante et il ne faudrait avant tout pas se stresser.

Alors on se faisait des réunions, on se parlait un peu pour souffler le problème. Les choses se sont évoluées depuis un mois, avec fluctuations, vers le mieux et vers le plus ouvert, me semble-il. Ce qui est bien nécessaire vis-à-vis d'un travail collectif, quelque peu théâtral.

Pour ma part, j'apprends et dois apprendre par-dessus tout à communiquer ce qu'il y a dans ma tête sans me faire mal comprendre. Vraiment, les rares gens, chefs et pas chefs, qui parviennent à me comprendre sans trop de peine ni trop de paroles me sont très précieux. A constamment balancer les tâches, barbouiller sur le calendrier dessiné et redessiné, à ne pas se laisser compresser et à dire non mais attendez, ne pas se laisser craquer et laisser couler les bruits insignifiants. A se professionnaliser, en somme. C'est assez dur par moment mais ça m'amuse.

Bon, il me faut aller dormir. Et non je ne vais pas dire quelle heure il est. Il faut dormir quand même pour pouvoir cultiver le jardin. A propos, cet apprendre-et-savoir-tout-faire-sur-une-page-web est une mission ravissante. J'avais dit à personne que j'avais envie d'apprendre le web-design et multimedia après le Mundus, je crois? Je souhaite seulement que delphine-zhihong dong peut être vraiment divisée en trois pour tribler le travail.

Et puis comme je suis terrible je veux répéter le nom du jardin. Il s'appelle Pavillon France en Chine et c'est sous forme d'un blog et je sais qu'il n'est pas difficile de trouver son adresse.

L'important n'est pas que vous l'aimez ou pas aimer, mais que les textes et les clips à venir soient lus et soient compréhensibles. On ne peut juger qu'à la fin du projet si ça a de l'intérêt et combien c'est intéressant. Jusque là, certains journalistes chinois commencent à faire les extraits de certains textes. Ca me fait un drôle de sentiment: la gêne d'être copiée et la réjouissance et l'espérance d'être copiée et diffusée au plus grand nombre.








(nb: Merci Oncle Bernard et Xiao-bob de m'avoir fait découvrir les deux films que vous avez cités suite à mon billet sur la danse. Je suis particulièrement séduite par le film Le bal/Ballando Ballando: très joli nom en plus, j'irai absolument voir ce film si l'occasion me permettra)






Libellé: La Chineuse Chine, in Fabula, post-it

Le billet raté: jouer au basket avec la bande de Xinjiang


Terrain du basket, le 4 octobre.



J'accuse... Encore une fois google a commis l'irrémédiable sur mon compte.

J'ai préparé depuis le 12 octobre un billet long intitulé "jouer au basket avec la bande de Xinjiang". J'ai rédigé dans le brouillon en ligne, j'étais sur les dernières lignes le soir du 19 octobre et là, je ne le trouve plus. Inutile d'en pleurer, alors je retrace le billet.


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C'était le 4 octobre. Mei m'a appelée : Dong, viens jouer au basket et puis allons à la piscine!
Mei est l'une de mes amies universitaires qui restent amies, l'une des membres de l'équipe féminine du basket.
Ca fait 3 ans qu'on ne s'est pas contactée. Je la croyais disparue au fait, retournée à Xinjiang, ou était en poste à Nankin.
Mais non. Lors de mon dernier retour à Nankin, dans un dîner avec les anciennes équipières, aujourd'hui devenues inspectrice, rédactrice, agente de commerce..., j'ai entendu de nouveau la voix de Mei, inchangée, qui dit à l'appareil, je suis à Shanghai, Dong!! On se voit!!

***

Lorsque j'ai revu Mei qui est venue me chercher, j'avais l'impression qu'on s'est quitté il y a juste deux jours. Ah, t'as pas changé! Mais toi non plus t'as pas changé...ô...que si, quand même un peu...
Le terrain de basket est à l'intérieur d'un quartier d'habitation haut de gamme, proche de la Tour de la Perle Orientale.
Mei a fait venir les amis pour qu'on puisse jouer en équipe. Ce sont tous les gens de Xin Jiang, alors que d'apparence, cela ne se distingue pas facilement. Ce sont ceux qui, après les études à Urümqi, sont venus à Shanghai tenter leurs chances et mènent aujourd'hui une vie bien à l'aise.
Une fois entrée sur le terrain, j'ai voulu jouer "comme avant", le trois contre trois, ou mieux, le cinq contre cinq. J'aime quand on marque un panier en équipe. J'aime aussi l'ovation qu'on nous donne à chaque fois qu'on fait une belle collaboration.
Tout ça me manque car le sport en équipe, c'est tout de même assez difficile lorsqu'on a quitté le campus.

***

A un instant on a joué "au terrain complet": courir du panier A au panier B du panier A au B.
Ce n'est pas tous les jours qu'on peut ainsi s'élancer dans l'air. Cet état m'est éloigné, mais tout était tellement vrai lorsque je courrais en pleine vitesse sur le terrain.
Je devenais une autre.
Le "terrain complet" a duré 15 minutes, à la fin je me dis, je n'étais pas aussi "vieillie" que j'avais imaginé car apparemment, je me tenais encore bien.
La réalité était ceci que le lendemain j'avais une crampe persistante au mollet.

***

Ensuite je suis allée à la piscine avec Mei. Les clubs de quartiers d'habitation fonctionnent comme ça, pour ceux qui n'ont pas la carte, le prix est hautement élevé. Piscine: 10yuan pour les membres, 8 fois plus cher pour les non-membres.
On s'est baigné un peu et puis Mei voulait aller à la petite chambre de sauna. C'est qch que je n'aime pas trop, le sauna, car les vapeurs réveillent la fatigue dont je me méfie tout le temps.
C'est dans la petite chambre remplie de vapeur qu'on a commencé à parler de l'intime. Ca va la vie à Shanghai ces jours? Mei savait ce que j'allais demander. Tu es au courant de ce qui s'est passé à Urümqi? Oui, bien entendu. L'émeute, comme on dit? Toujours l'histoire du désir de l'indépendance? Tu sais, les émeutiers, violence dans la rue, et ils forçaient les gens de les suivre, sinon ils tuent. Il y a eu de la mort parmi tes connaissances? J'ai appris qu'un ami de l'un des amis est mort. Ah.
Je dis, j'ai envie d'aller voir à Urümqi prochaine fois lorsque tu rentres. Mei a dit pas de problème, promis.
Sinon, tout va bien à Shanghai pour Mei, avec son copain français elle menait tranquillement sa vie.
L'ennui est que, comme elle est de l'éthnie de Kazak(hstan), elle devait normalement épouser un homme de la même éthnie. Pour cette relation qui franchit la frontière, sa mère est résolument contre et Mei n'a pas encore de solution.
Bah, tu vis de ton côté et avec ce bonheur que tu as, Mei, après, tu verras.
Et Mei pense de même.

***

C'est par pur hasard que je suis allée à la maison de la cousine de Mei qui s'est mariée récemment et qui habite le quartier. Je découvris l'apéro de Kazak, qui pour moi égale un festin: les fruits secs, le thé du lait, les fromages de brebis (super surper bon...), les salades des légumes... Tout était ramené de Xin Jiang, tout était bien aristocratique.
A la télé on regardait un vidéo du jour de mariage de la cousine. Il y avait un bal de noce et ca avait l'air très sympa. Personnellement, je trouve que le bal est l'une des meilleurs façons de fêter la noce, alors que la plupart des chinois ne font rien que de manger et de faire les plaisanterie pour produire du rire.
Je voyais alors Mei, habillée de robe noir, qui dansait d'abord toute seule puis avec une autre jeune femme, un peu à la folie. Elle devrait avoir trop bu le jour même. Et qu'en dirais-je? Cette Mei que je connais a toujours ce charme magnétique, et si un jour Mei ne dansait pas, j'aurais du mal à la reconnaître.
Devant la télé Mei a eu l'air timide. Mais ce n'était que passager et elle devrait être contente de ce moment de festivités. Après s'être vue danser, elle prit un luth de Xin Jiang et joua de la musique. Je n'ai jamais su que Mei savait jouer cet instrument. La musique était très belle et exotique.

***

Tout le monde est parti au restaurant de Xin Jiang, impossible de s'y échapper. L'endroit s'appelle 耶里夏丽(Ye-li-xia-li), qui signifie "The World". Curieux, non? Pourquoi je tombe une fois à l'autre sur ce terme.
L'ambiance a changé un peu, par rapport au moment du jeu sur le terrain. Les gens de Xin jiang parlaient entre eux en langue de Xinjiang, bla bla bla... De ne rien comprendre et d'entendre parler une langue comme le chant d'oiseaux, de temps en temps, ça n'a point de mal.
Par moment les gens laissent glisser quelques mots en mandarin, pour que je les entende, bien sûr. Le mandarin pour eux est un peu la première langue étrangère car ils l'apprennent qu'à partir de l'âge de 7 ans.
Un monsieur a voulu me raconter une blague, ça a fait rire tout le monde à table sauf le copain de Mei et moi. Mais j'ai saisi vaguement l'idée: un jeune homme de Kazak se fait arrêté par un agent de police parce qu'il est censé avoir volé un lingot d'or.
C'est une blague, ça??
Je crois avoir compris et avoir senti la méfiance des gens contre le pouvoir.

***

L'ambiance était un peu tendue pour un instant. C'était au sujet du mariage de l'éthnie. Il est vrai que, sur la table, tous ceux qui sont mariés sont de la même éthnie de Kazak. Mei s'est fait suggérer qu'elle devrait être sage et écouter sa mère et arrêter de faire n'importe quoi et à son gré. Mei critiquait assez ouvertement le cynisme de son entourage: il y a des gens de Xin Jiang qui profitent du confort ici, ne s'intéressent pas à ce qui se passent dans leur région et qui prétendent fiers de leur éthnie. Quelle drôle de supériorité éthnique et quelle idée de sang pur.
Pour être franc, le règlement du mariage de Kazak m'a fait sérieusement penser aux animaux domestiques: il faut que ça matches. Sorte d'exclusivité, compréhensible mais à s'en méfier, car il y a encore un mot tabou que ni Mei, ni son copain, ni moi n'a prononcé: le racisme.
La phrase est quand même ainsi dite:"c'est un peu comme les allemands, ça..." Je ne sais pas exactement ce que c'est, le racisme. Mais il me semble que toute exclusivité des éthnies, des races, n'est pas de l'échelle de "raciste". Par respect, il convient de ne pas mépriser les gens de d'autres races/nations, aussi par respect, il convient de ne pas imposer le chapeau du "raciste" sur la tête de ceux qui manifestent trop de zèle pour leur éthnie/nation.

***

Je me suis excusée et je suis sortie du restaurant avec Mei et son copain avant que le festin ne soit terminé. Ils sont très chaleureux, hein? me sourit Mei, t'y rentres avec moi, Dong, tu vas voir, là-bas c'est différent.

Au carrefour du quartier commercial de Xu Jia Hui, j'ai vu sur le passage aérien une grosse banderole sur laquelle s'écrit: "Vivement la solidarité du peuple de toutes les nations du pays! ("全国各族人民大团结万岁!") Dis-donc, le design urbain de la ville est pleine de créativité aujourd'hui.

Est-ce encore par coincidence que l'on repère cet endroit-là pour afficher cette banderole?

La journée a été très longue et vite passée.






Libellé: La chineuse chine, Chine est-ce Chine

08/10/2009

La danse de bal

(Photo: salle de danse de bal- ii)


C'était le 6 octobre.

J'avais demandé plusieurs fois à ma tante, peux-tu m'emmener à une salle de danse que tu fréquentes? Idéalement, je veux aller visiter Paramount... Mais je sais que c'est cher et qu'il faut avoir qn d'accompagnement. Et qu'est-ce qu'elle m'a dit? Ce sont les vieux qui se trouvent là et qui chattent entre eux, que veux-tu d'y mêler dedans? A moins que t'as qn d'accompagnement.

Par défaut, on a mis accord pour aller danser dans une salle de danse qu'elle fréquente, pendant les vacances.

Le 6 octobre, après-midi, la Salle Weiwei juste derrère Paris Printemps, facile à trouver, ne sois pas en retard!!

Ok, d'accord, mes jambes ayant encore mal, à force de courir sur le terrain du basketball l'autre jour, j'ai dit Ok tout de même, en pensant que ce serait l'unique chance pour aller découvrir une salle où dansent les gens de 40-60 ans : parce que si c'était juste pour danser, je choisirai absolument autrement la salle.

En arrivant, alors même que je rejoins ma cousine, elle m'informe dans un premier temps que l'on tombe mal, qu'aujourd'hui c'est une scéance spéciale pour que les gens d'âge moyen viennent danser en faisant la rencontre. Ah bon. Mais on peut toujours rester entre nous. Génial.

La salle n'est pas petite. Ma tante dit qu'elle est venue il y a une dixaine d'années, que c'est les amis qui lui a proposé de venir ici. Du style des années 1980? C'est chouette... Mais je me suis trouvée aussitôt effarée par la musique. C'est en live, ma foi, et en plus c'est la musique d'autre fois, les chansons de la période révolutionnaire! Un homme joue du clavier électronique, c'est tout à fait des années 1990. Deux hommes chantent à l'alternatif, plein de zèle et impossible de les arrêter même si leur voix sont franchement terrorrisantes et, je n'exagère pas, polluantes.

J'ai dû m'y accomoder, finalement ce n'est pas si mal de réviser un peu ces chansons que j'entendais, lorsque j'étais petite, dans les films au thème de la guerre: j'aimais bien ces films qui faisaient éloge à l'armée de la libération et j'étais souvent profondément émue par l'aspect héroique des histoires. Les chanteurs ont de bonnes mémoires car ils ont tout chanter sans un mot manqué dans les paroles, et ils ont presque tout chanter sauf l'hymne national.

C'est dans cette sorte de musique que les gens dansent. Ils ont l'air habitué et expériencé de saisir le pas en suivant la musique. Au début j'avais du mal à y croire, mais tant qu'il y a le rythme, c'est vrai que c'est toujours dansable. Le problème de suite est, quel rythme? et pour quelle danse?

Trouver le rythme pour telle ou telle danse, ce n'est que le début de la perte de ma raison. D'abord je me trouve peu sensible au rythme de ces musiques. Ensuite, même si l'on me dit que celle-ci est pour le rumba, (ah très bien je connais le rumba), celle-là pour les trois pas et celle-là encore, pour le Jitterbug, je me trouve un peu gênée car en observant les gens danser, je sens que ce que j'appelle comme rumba et ce que eux l'appellent, c'est complètement deux choses.

A expérimenter donc, en tout cas je n'y suis pas pour rester assise regarder les gens et subir de ce bruit désagréable. Ma tante a fait venir deux de ses compagnons de danse. Un monsieur de soixantaine, et plus tard, un autre de cinquantaine. Monsieur le soixantaine est très bon compagnon avec ma tante, ça fait des années peut-être qu'ils ont dansé ensemble, Cela se voit lorsqu'ils dansent un air aux pas vites, tout à l'aise, et en pleine cohérence. Ma tante, dans une veste scintillante, tourne un peu à la folie avec ce monsieur. Elle adore pivoter sur ses talons et laisser voler haut sa jupe, ce qui ne m'étonne pas même si c'est la première fois que j'ai vu son air tout ravi et son visage qui a fleuri.

Monsieur le soixantaine parle peu, me regarde simplement en souriant. Aucune discussion n'est possible, alors il m'invite à danser le rumba. C'est alors que j'aperçois que nous interprétons chacun notre propre rumba, que j'ai appris que leur danse ne fait pas partie de danse argentine mais celle de bal: 舞厅舞 (wu-ting-wu). Alors je bannis tout et essaie d'apprendre son pas de bal. Le monsieur danse mais ses pas sont bien confus, je ne peux donc pas bien imiter son pas. Impossible de suivre, d'autant qu'il ne dit pas les un-deux-trois-quatre, indispensable pour relever les cadences.

C'est avec ce second monsieur que j'ai retrouvé un peu la morale. Il m'a d'abord guidé pour un air de quatre pas. Je lui ai demandé ce que c'est comme pas de danse. Sous la lumière sombre et dans la musique bruyante, j'ai entendu vaguement sa réponse: pas libre. 自由步 zi-you-bu. J'en suis émue, et c'est là que j'ai compris qu'il y a quelque chose qui coule dans l'air de cette salle. Il m'a ensuite appris le Rumba de bal, en prononcant ensemble le un deux trois quatre, ça s'apprend vite en général puisque le pas même n'est pas compliqué.

Le reste du temps est pour s'amuser, se laisser inviter à danser, plutôt maladroitement au début mais de mieux en mieux si l'homme guide bien le pas. Il m'est arrivé une fois qu'un homme qui a l'air très businessman mais qui est moins vulgaire que j'imaginais m'invite à une valse de trois pas. La valse, c'est ce que j'ai appris à St Andrews, lorsque je suis allée une seule fois au salon de la danse. Un professionnel me guidait pour danser un air assez rapide de valse, en trois pas, à franchir largement le pas, et on parcourait toute la salle en se tournant en rond. J'avais un sérieux vertige à la fin à cause de mon anémie, mais c'était un grand bonheur que je ressentais de ce moment onirique, et très rare à la fois.

Le gentil businessman me dit, en dansant, que mes pas sont bons, mais il faut bouger le corps en haut et en bas, plutôt qu'à gauche et à droite. Mouvement entre le haut et le bas? Du genre parcours de Deng Xiao Ping, non mais qu'est-ce que je suis folle.

Tout au cours de ces deux heures de danse, une dame de plus de 50 ans comme biens d'autres se promène entre les gens, l'air sérieux, et font les notes sur un feuille. A un moment donné elle est allée parler au micro: c'est l'organisatrice de cette activité de rencontre-danse. A ma surprise, elle commence à prononcer les détails des infos des candidats. Moi je supporterai pas qu'on annonce d'une telle manière que Madame Delphine, 55 ans, de taille 1,65m, a un fils faisant les études au Japon, un appartement dans le district Hong kou, cherche un homme gentil et peu importe s'il n'a pas de maison ou qu'il n'est pas très beau / et le mieux et que l'homme soit beau et ait une maison et que ce ne soit pas très loin du centre ville.

A ma surprise encore, dans toute la salle, il semble que je suis la seule à être choquée par cette "ouverture" , alors que je n'ai rien à faire dans toutes ces affaires: je suis en même temps la seule moins de 30 ans dans la salle.

Ca y est, elle a annoncé toute information et ensuite, dit-elle, cette activité est organisée aujourd'hui, le 6 octobre, et puis il y aura une autre scéance, le 8 octobre. Tout à l'heure nous allons diner tous ensemble, si vous vous êtes inscrits, merci de ne pas vous absenter...hein... vous vous inscrivez, et donc vous devez venir.

Pourquoi ce genre de largos, cette pratique de communication sensorielle et d'espion amateur? Cet air dans lequel semble s'accroupit un secret quelqueconque? Se rendent-ils compte qu'à force du jeu, le paranoïa et la schizophrénie atteindront tout le monde? Mais peut-être ceci est déjà le cas. Peut-être c'est juste que ces jours sont complicitement considérés comme journées de répétition pour eux. Peut-être c'est naturellement politique à la chinoise. Peut-être je suis encore gravement naive.

L'après-midi se termine en un moment de dischotèque. Alors ça veut dire que les organisateurs souhaitent que les gens se souviennent de la danse de disco d'autre fois. C'est tout à fait la scène de 1980, que j'ai connu à la télé, qui se produit. Lumières éteintes et commencent à se tourner les boules illuminées en couleur, les projecteurs d'une lumière fine et faible. Ma tante nous incite à aller dans la piste, ma cousine et moi. Danser librement, je le sais, mais comment, dans cette ambiance décalée? Je reste plantée dans cette lumière sombre, un peu ennuyée.

C'est là que j'ai rencontré un homme, habillé de noir, qui danse seul, son corps étant presque comme celui d'un danseur argentine professionnel: sorte de perfection. Je dis qu'est-ce que tu es en train de danse? Lui veut alors m'apprendre quelques pas de Jitterrbug. Il dit que quand tu danses dans la piste, les gens regardent et en parlent. Je dis Ah. Il me dit qu'il te faut lever la tête et regarder en avant, puis m'aprend les pas de base et prononce à haute voix les un deux trois quatre: comment bien bouger et poser le corps sur le pas de deux, où mener le rein sur le pas de quatre. De ses mains qui me tiennent j'ai ressenti une force impulsive et déterminée, qui soutient mon corps lors du mouvement, le tient dans l'équilibre qui évite de tomber, une force qui me plaît bien.

Il hurle presque dans ce chahut dissonant: les pas de base sont très importants! Il faut bien apprendre et pratiquer ces pas avant d'apprendre les pas avancés! (je le sais, les profs de danse argentine disent pareil)! Je lui souris, lui dis à haute vois: tu as enseigné la danse? Il dit qu'il est juste là pour se divertir. Il me crie ensuite, d'un ton plus grave et ralenti: " Tu sais, c'est très simple!!... Juste quatre pas, quatre!! ... C'est pas compliqué du tout!!... Et après, c'est l'homme qui te guide!! Et tu n'as qu'à le suivre!! ...Tu suis ses pas et tu y arriveras!!... As-tu compris??" Sur ces paroles, dans ses yeux grands ouverts, brillent alors une lumière forte et qui perce tout droite, m'a surprise voire légèrement bouleversée, dans ces musiques vibrantes, mais dont je n'ai pas peur. C'est le noirceur que j'y ai vu au fond.

Pendant deux secondes j'ai eu envie de pleurer. Sans blague, et je me souviendrai de ce choc fugace. Fait-il aussi partie des répétitions, dans qule monde je vis, et ses paroles... Je suis retournée vers ma cousine, l'air un peu perdu. Ma cousine me donne un sourire significatif, ma parle en douceur : vous avez davantage parlé que dansé alors...Bah...C'est tout ce que je peux prononcer.

A la sortie de la salle, je dis au revoir à tout le monde, je vais par là, à l'Alliance française pour les livres. Au bout de deux seconde, ma tante demande, Quoi? Et ses yeux parlent: say it again? Je dis je vais à l'Alliance française... Heu...c'est-à-dire le centre de formation de la langue française... J'attendais qu'elle me demandait ce que c'était. Mais elle a l'air soulagée et satisfaite. Ah d'accord, alors à bientôt!

Est-ce que le mythe de la langue française habite toujours le coeur de la génération des 40-60 ans? Est-ce que l'affinité et confiance en cette langue subsistent encore chez les jeunes d'aujourd'hui? En tout cas moi, j'aime, puisque, quoique compliqué, ça sonne tellement cantabile.



Libellé: in Fabula, Chine est-ce Chine

Heu...ai oublié de joindre la photo. Je reprends.
(Photo: Salle de danse de bal)


Qui est "in", qui est "out"
(interprétée par: Serge Gainsbourg)
Source: cliquez ICI


Jusqu'à neuf c'est O.K. tu es "In"
Après quoi tu es K.O. tu es "Out"

C'est idem
Pour la boxe
Le ciné la mode et le cashbox
Qui est "In" qui est "Out"

Moitié bouillon ensui' moitié g-In
Gemini carbur' pas au maz-Out
C'est extrêm-
ement pop
Si tu es à jeun tu tomb's en syncop'
Qui est "In" qui est "Out"

Tu aimes la nitroglycér-In
C'est au BUS PALLADIUM qu'ça s'éc-Out
Rue Fontaine
Il y a foul'
Pour les petits gars de Liverpool
Barbarella garde tes bott-In's
Et viens me dire une fois pour t-Out's
Que tu m'aimes
Ou sinon
Je te renvoie à la scienc' fiction.
Qui est "In" qui est "Out"


Libellé: Audio-Visuel, in Fabula, post-it
(Salle de danse de bal)


Qui est "in", qui est "out"
(interprétée par: Serge Gainsbourg)
Source: cliquez ICI


Jusqu'à neuf c'est O.K. tu es "In"
Après quoi tu es K.O. tu es "Out"

C'est idem
Pour la boxe
Le ciné la mode et le cashbox
Qui est "In" qui est "Out"

Moitié bouillon ensui' moitié g-In
Gemini carbur' pas au maz-Out
C'est extrêm-
ement pop
Si tu es à jeun tu tomb's en syncop'
Qui est "In" qui est "Out"

Tu aimes la nitroglycér-In
C'est au BUS PALLADIUM qu'ça s'éc-Out
Rue Fontaine
Il y a foul'
Pour les petits gars de Liverpool
Barbarella garde tes bott-In's
Et viens me dire une fois pour t-Out's
Que tu m'aimes
Ou sinon
Je te renvoie à la scienc' fiction.
Qui est "In" qui est "Out"


Libellé: Audio-Visuel, in Fabula, post-it


Le grand spectacle collectif

(Scène de la Soirée: la cube de lumières, la pigeon
nb: soyons patients, j'ai pris bien des photos dans la rue pour argumenter en faveur de ce que vous allez lire.
Mais bien évidemment, il me faut du temps pour le faire!
)



Pratiquons un peu le flash-back car je supporte pas le temps qui rush à la folie et qui m'arrache les 8 jours de vacances en un clin d'oeil. Enfin...j'exagère encore.

Maintenant qu'on est au dernier jour des vacances, je suis assurée qu'il s'agit là d'un grand spectacle collectif. Nom de Dieu, est-ce que Guy Debord est déjà traduit en Chine, et combien de professionnels qui travaillent dans le média l'ont lu, l'ont vu? Qu'on pose le terme d'une "Société du spectacle", et rien ne pourrait mieux convenir. Du haut en bas, du bas en haut. Des chefs d'Etat au peuple en passant par la fameuse télé centrale, tout le monde semble être affecté par un drôle de symptôme, pris dans une euphorie et pratique tactiquement le transfert sentimental.

C'est à cause de ce délire collectif que j'ai pris du retard et que, après les vacances, n'ai rien eu que des dettes rédactionnelles. En plus, contre toute apparence de la programmation des billets, mon projet des écritures de blogspot est perturbé(!) par la force inéluctable dûe à ce grand spectacle. je pensais au départ à rédiger des choses sur la Rivière Suzhou, sur la nouvelle vie de bureau où j'ai retrouvé un peu les souvenirs de la rédaction des magazines d'étudiant, sur quelques scènes, pour être plus précis, des transformations à vitesse et qui se balance entre tensions internationales, espionnage redoutable, feeling hallucinant, comédie burlesque et à la con où le rire s'impose.


J'ai encore pris du retard pour rapporter sur ce que j'allais rapporter. Je rattrape. Par où commencer?

Alors, parlons un peu de la télé-communication dans le journal télévisé de CCTV. Je regarde ça tous ces soirs car je le trouve comme une série-télé, un peu à l'anglo-saxon, si je puis dire. Il y a je crois deux jours, le Président Hu (Hu Jin Tao Zong Shu Ji/Zhu Xi, pour ne rien confondre) a visité le Palais d'Eté comme une star et les dames qui l'ont vu passer ont crié comme de jeunes filles-fans. Et il répète: être ouvert, être ouvert, relaxez-vous, relaxez-vous, amusez-vous, amusez-vous (ie: enjoy your visit to the park). Hier et aujourd'hui il visite les centres de contrôle de caméra dans les lieux publics, hier c'était je crois Hu Shuji et aujourd'hui on l'appelle Hu Zhuxi (Chairman Hu). Allusion ou pas allusion à l'autre Hu, ou l'un des autres Hu, que Dieu le sache. Et on reporte les infos peu informantes, dans une rivière de je ne sais à quel pays, l'eau qui coule devient tout d'un coup rouge foncé, à moitié, et les autorités ont dit, après l'investigation, ils ont cru que c'était juste une malice, que rien a été empoisonné. Je fainte.

CCTV commence aussi à se dénoncer, pour ne pas dire se suicider, le cadre glisse par moment sur les caméras de surveillance (j'ai l'impression que c'est une tradition de sécurité publique largement importée depuis UK) : bingo, je l'ai fait moi aussi, c'est drôle, quelque peu thrilling si l'on est dans un état second, et puis il y a des caméras qui sont pas du tout cachées et sont tout joliement conçues. Le cadre dénonce aussi les micros de pecheman qui s'étend jusqu'aux pieds des soldats en marche lors de la grande Parade, jusqu'en haut des têtes des gens qui applaudissent lorsque M. Hu leur a adressé quelques mots. Exigeance d'un trucage sonore. Pas du tout surprenant.


Au début de la grande soirée du 1er octobre, je me sentais encore confuse devant ce que j'avais vu sur l'écran, les dirigeants étaient assis autour de leur table et ne mangeaient ni buvaient, l'air tendu, nerveux, et alentour, quelques costumes noirs faisaient les va-et-viens et exposaient parfois discrètement leur badge sur lequel on ne pouvait rien décrypter à cause de la taille petite des caractères. On se demandait ce qui se passait, ce qui se jouait plutôt, car alors qu'on voyait l'air relaxé de M. Jiang Zemin, dont le visage était encore peu aimable le matin du même jour, on était obligé de se dire que c'était une scène de polar politique qui se jouait, ou qui sait, qui se reproduisait. Jeu de rôle sur la terrasse de la Tour Tian an men, ça, c'est bien du luxe.

L'information s'est laissée courue qu'il y aurait une surprise à la fin de la soirée. La surprise est ceci que les dirigeants sont descendus de la Tour, ont franchi le pont sur les douves pour rejoindre les gens (dit aussi "le peuple") sur la Place ("les gens" étant souvent les jolies danseuses en costume éthnique), les tenir par la main et dansaient tous ensemble.

Les paroles en chinois du chant ultime se trouve dans ce texte, émouvant à donner le frisson.

J'aimerais traduire un petit extrait: 

... 你紧握百姓的手,就是握住江山握住春秋/ (Si) tu serres la main du peuple, alors tu serres le fleuve-montage, serre le printemps-automne. (nb: fleuve-montage,jiang-shan et printemps-automne, chun-qiu, sont expressions poétiques et généralistes qui désignent le territoire et le temps ou la durée)
... 百姓紧握你的手,就是握住幸福握住锦绣。/ (Si) le peuple te serre la main, alors il serre le bonheur, serre la beauté splendide. (nb: la beauté splendide est expression poétique qui implique les beaux paysages ou les belles perspectives du pays. )

D'une douceur complètement fabriquée en Chine, comme on préconise dernièrement.

Les références littéraires devraient être celle de Livre des Odes (诗经):
"Te tenir la main et vieillir avec toi" (zhi-zi-zhi-shou; yu zi jie lao/ 执子之手,与子皆老). (nb: attention, hommes, si vous êtes épris d'une fille simplement chinoise et que vous voulez la séduire, le geste de tenir sa main aurait le même effet que lui imprimer un baiser, sur la bouche bien sûr)

Mais curieusement, j'ai pensé aussi à La Songe d'une nuit d'Eté de Shakespear, ça matches plus ou moins, non? Pourtant je n'ai pas lu un mot de cette oeuvre.

Ca a été sincèrement spectaculaire, cette soirée.



Libellé: in Fabula, audio-visuel, Chine est-ce Chine

 

06/10/2009

L'émission spéciale: les chansons - (ii)

(Photo: nuit, extérieur, néon. Idem)



Et puis, le même militaire de moins de 35 ans a voulu chanter. Plusieurs chansons militaires ont été chantées. Je traduis ci-dessous quelques extraits, car je les aime bien aussi, ces chansons, moins parce qu'elles sont belles qu'elles ont marqué le temps d'entraînement militaire que j'ai vécu. Les deux temps, à l'entrée du lycée comme à l'entrée de l'université, ça a toujours été un très bon souvenir et j'ai toujours gardé mon admiration pour nos coaches militaires, pour les soldats en général. Ce serait bien un sentiment de crédule, un sentiment partagé par bien des gens ordinaires, par les étudiants qui étaient sur la Place il y a vingt ans et qui ne voulaient pas la quitter parce qu'ils avaient pleine confiance, pour ne pas dire dépendance, sur leurs chefs-parents: svp donnez-nous la démocratie et je vous en remercie, vivement la patrie ; ou bien, allez, ordonnez la démocratie, vite vite, sinon je vous emmerde je reste ici attendre votre résignation, sans manger ni boire et nous serons toujours grands et libres comme la déesse en marbre. La la la... non mais je ne quitte pas la Place. L'ordre de feu n'était pour eux qu'une blague de "Wolf is coming", un feu jaune en quelque sorte. Ils devraient croire qu'ils étaient encore à l'étape de la première et de la deuxième fois de "Wolf is coming" le mensonge, alors qu'ils étaient déjà à l'étape d'ultimatum, Wolf was really coming.

Les soldats d'alors devraient aussi avoir ce sentiment crédule avant de marcher vers la Place. On n'ira pas tirer, c'est impossible. Mais non, tais-moi, les soldats du monde entier ne doivent pas avoir du sentiment, qu'on suit l'ordre et point barre. L'ordre, qu'est-ce que c'est important. Il ferait bien de connaître les règles quand on est dans un jeu, comme dans un amour. En plus, dans ce noir-là, chaotique, qui, qui pouvait distinguer les étudiants des "émeutiers"? S'il n'y avaient pas d'émeutiers, il suffit d'en imaginer quelques-uns pour pouvoir tirer. Mais encore non, détrompe-moi, pourquoi dans les armes des soldats d'alors il y avaient de vraies balles?? Je veux dire, pourquoi les agents de police à Paris du mai 1968, par exemple, avaient n'importe quoi dans leur fusil: de l'eau, des balles de brouillard, de pierres, de feux d'artifice, que sais-je, pour lutter contre les jets de pavé des jeunes passionnés? Hé bien je crois que c'est parce que les soldats chinois étaient trop sérieux et, bien évidemment, avaient peur de perdre la tête (au sens le plus strict possible!), une fois que son non-agir soit dénoncé comme preuve de complicité des forces ténébreuses qui nuisent aux masses populaires. (ouh là là~ quel crime...)

On parlait de quoi déjà? Ah oui, les chansons. Le jeune militaire dans l'émission spéciale commence le jeu de la-ge (拉歌:tirer/entraîner les chansons...vous me pardonnez, je ne sais mieux traduire) pour inviter à chanter:

yi-er-san-si-wu, wo-men-deng-de-hao-xin-ku/ 一二三四五,我们等得好辛苦/ un deux trois quatre cinq, nous attendons avec tant de peine;
yi-er-san-si-wu-liu-qi, wo-men-deng-de-hao zhao-ji/ 一二三四五六七,我们等得好着急/ un deux trois quatre cinq six sept, nous attendons avec peu de patience.



J'ai vu cette scène à la télé et tout de suite j'ai eu un coup de coeur. Je ne sais comment expliquer ce sentiment, très étrange, de retrouver les détails des souvenirs de la vie avant ma sortie en Europe. C'était exactement au tournant de ma vie que j'ai connu cette forme de loisir dans le camp militaire. C'était dans un site d'entraînement militaire éducatif, près de Shanghai. On était les camarades qui venaient de se connaître et qui commenceraient ensemble notre vie lycéenne après ces deux semaines d'entraînement de solidarité. Les exercices des pas militaies sous le grand soleil du mois d'août étaient bien dûrs, mais personnellement, c'étaient ces exercices-là qui m'ont donné, dans un premier temps, le courage pour persister, pour continuer à vivre et à bien vivre ma vie: promis juré à moi-même.

Nous filles-étudiantes étions dans deux dortoires voisins. Le mien était en face du dortoir des coaches. Nous toutes aimaient la chanson et, après que les coachs nous avaient appris les paroles de chanson, lors du temps libre, on chantait et on chantaient bien, puis on invitait aux coachs de chanter, on criait à l'unanime ces ordres de la-ge aux coaches qui se cachaient dans le dortoir juste en face, avec 3-4 mètres de distance, pas plus. On savait d'ailleurs que l'un de nos coaches savait jouer de la guitare. Alors on ne voulait plus le lâcher. On criait, chantait, riait, applaudissait, puis c'était le tour des coaches, qui étaient tellement timides hors du temps d'entraînement, vous imaginez!! Mais ils chantaient vraiment bien leurs chansons, dans leur dortoir, sur la terrasse d'entraînement (pour nous apprendre), au bord de la rue en pleine marche vers telle ou telle destination (pour chanter avec nous), sous le claire de lune à la soirée autour d'un feu, etc. A la fin de ces deux semaines, on avait eu du mal à se dire au revoir, et nous, les filles de ce dortoir-là, étaient devenues très connues parmi les coaches. On était ces sacrées filles-là qui savaient chanter et qui aimaient chanter.

Chanson 1: 我是一个兵/ Je suis un soldat
我是一个兵/Je suis un soldat,
来自老百姓/ venu du peuple, (ordinaire).
打败了日本侵略者 / Ai vincu les agresseurs japonais
消灭了蒋匪军 / et ai anéanti les armées-bandits de Tchang (Kaï-chek)
我是一个兵 / Je suis un soldat,
爱国爱人民 / j'aime, et le pays et le peuple,
革命战争考验了我 / J'ai subi les épreuves des guerres révolutionnaires
立场更坚定 / et ma position (politique) est devenue plus ferme
嘿嘿枪杆握得紧 / Hé Hé, serrer fort la tube du fusil
眼睛看得清 / regarder, les yeux claires
敌人敢胆侵犯 / (pourvue que) l'ennemie ose agresser
坚决把他消灭净 / résolument (je vais) l'anéantir, sans merci
我是一个兵 / Je suis un soldat
我是一个兵 / Je suis un soldat
我是一个兵 / Je suis un soldat
 
Un an passait et on retrouvait le même endroit pour passer l'entrainement d'agriculture éducatif. (学农). C'étaient encore les militaires qui venaient s'occuper de nous, nous entraîner un peu mais pour la plupart du temps nous emmener au champ pour faire l'expérience d'agriculteurs: apprendre à cultiver ceci ou cela, à soigner les lugumes. Mais malheureusement j'ai tout oublié ce que j'avais appris...

La tradition du chant continue toujours et, comme l'objectif principal du séjour était d'expérimenter l'agriculteur, tout le monde était plus relaxé et les coaches nous laissaient aller à libre cours de temps en temps, se balader à lentour du champ, s'allonger sur les herbes profiter du soleil, chanter et discuter, apprendre une nouvelle fois comment faire de la couverture molle un "pavé de soja" dur (ie: en forme de carré) à toute vitesse, comment ranger les brosses à dent du même dortoir dans un même sens, de sorte que ce soit propre, aligné et beau. Pour une fois on avait appris à nos coaches de chanter les airs d'enfance et certains folklores de campus: on adorait ça. C'était au fond une vacance collective à la campagne. 


 Chanson 2 : 咱当兵的人 / Nous les militaires

咱当兵的人,有啥不一样,/Nous les militaires, qu'est-ce qui nous diffère des autres,
只因为我们都穿着,朴实的军装./juste parce que nous portons tous, l'uniforme militaire, style simple?
咱当兵的人,有啥不一样,/Nous les militaires, qu'est-ce qui nous diffère des autres,
自从离开家乡,就难见到爹娘./ une fois quitté le pays natal, difficile de voir père et mère
说不一样其实也一样,/dire que c'est différent, au fond c'est le même,
都是青春的年华,都是热血儿郎. / mêmes temps de jeunesses, même sang chaud de jeune homme
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
一样的足迹,留给山高水长./ mêmes traces de pas, laissées aux montagnes hautes,aux longs fleuves
咱当兵的人,就是不一样,/ nous les militaires, c'est bien nous qui sommes différents
头枕着边关的冷月,身披着雪雨风霜/ la tête reposant sur la lune fraîche des frontières, l'épaule porte neige,pluie, gelée et vent
咱当兵的人,就是不一样,/ Nous les militaires, c'est bien nous qui sommes différents
为了国家安宁,我们紧握手中枪 / Pour la paix du pays, nous serrons dans la main le fusil
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
都在渴望辉煌,都在赢得荣光./ nous aspirons tous à la prostérité, nous gagnons tous l'honneur, la gloir
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
一样的风采在共和国,旗帜上飞扬./ la même vigeur qui flotte,sur le drapeau de la République
咱当兵的人,就是这个样. / Nous les militaires, voilà ce que nous sommes.
 
Deux ans passaient et me voilà arrivée au campus de l'université. L'entraînement militaire encore. La nouveauté de celui-là était ce que nous les filles avaient beaucoup discuté sur "quel coach est le plus beau/ plus gentil". On avait un coach qui avait l'air numéro 1 des bandes d'agent secret, autrement dit hyper cool. On avait un autre coach qui était plus jeune que nous. Marrant. On l'aimait beaucoup et l'appelait le petit mouton doux.

Une autre nouveauté était ceci que, pour une première fois de ma vie, j'ai touché le fusil. On avait l'exercice de tir au bord de l'étang dans le campus, je m'en souviens très bien, on était couchée à plat ventre et tirait à l'aveugle vers l'autre bout de l'étang. A vrai dire, il n'était point question de viser car on ne voyait rien sur le panneau du cible: beaucoup parmi nous étaient myopes. J'étais pourtant contente d'avoir ramassé deux trois douilles comme souvenirs. Et puis nous avions marché quelques kilomètres, avec prétentieusement notre couverture en pavé de soja sur le dos afin de simuler la Marche militaire, pour aller dans une montagne proche du campus et faire l'exercice de tir en plein air. On ne parvenait toujours pas à trouver le cible, et nos coaches nos disaient simplement de ne pas tirer dans le sens de la forêt, de peur de blesser les oiseaux, ou, pire, les rares gens qui passassent au hasard. Ils nous conseillaient donc, pour être sûr, de tirer en l'air. C'était finalement juste pour sentir la force réactionnelle du fusil sur notre épaule de soutien, au moment du tir.

En retournant du champ du tir au pied de la montagne, on chantait la chanson suivante. C'est l'une de mes préférées parmi les chansons militaires, parce que l'air musical me plaît, et puis parce que c'est poétique: découverte toute fraîche après la traduction.


Chanson 3: 打靶归来/ De retour du tir à la cible
 
日落西山红霞飞, / Le soleil se couche à l'ouest de la montagne, les nuages empourprés s'envolent
战士打靶把营归,把营归。/ Les soldats ont fait le tir à la cible et retourne à la caserne, retourne à la caserne
胸前红花映彩霞,/ La fleur rouge devant la poitrine, et les crépuscules, le disputent l'une avec les autres(?) en splendeur
愉快的歌声满天飞。/ Les chants d'allégresse s'envolent, partout dans le ciel.
(唱谱)miso lami so laso midou lai/ Mi sol la mi sol, la sol mi do re
愉快的歌声满天飞。/ Les chants d'allégresse s'envolent, partout dans le ciel.

歌声飞到北京去,/ Le chant s'envole jusqu'à Pékin,
毛主席听了心欢喜。/ L'ayant entendu, le Président Mao s'en délecte.
夸咱们歌儿唱得好,/ Il nous félicite pour notre beau chant
夸咱们枪法数第一。/ nous félicite pour notre habileté au tir, classée première.
miso lami so laso midou lai / Mi sol la mi sol, la sol mi do re
夸咱们枪法数第一。/ nous félicite pour notre habileté au tir, classée première.



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