08/10/2009

Le grand spectacle collectif

(Scène de la Soirée: la cube de lumières, la pigeon
nb: soyons patients, j'ai pris bien des photos dans la rue pour argumenter en faveur de ce que vous allez lire.
Mais bien évidemment, il me faut du temps pour le faire!
)



Pratiquons un peu le flash-back car je supporte pas le temps qui rush à la folie et qui m'arrache les 8 jours de vacances en un clin d'oeil. Enfin...j'exagère encore.

Maintenant qu'on est au dernier jour des vacances, je suis assurée qu'il s'agit là d'un grand spectacle collectif. Nom de Dieu, est-ce que Guy Debord est déjà traduit en Chine, et combien de professionnels qui travaillent dans le média l'ont lu, l'ont vu? Qu'on pose le terme d'une "Société du spectacle", et rien ne pourrait mieux convenir. Du haut en bas, du bas en haut. Des chefs d'Etat au peuple en passant par la fameuse télé centrale, tout le monde semble être affecté par un drôle de symptôme, pris dans une euphorie et pratique tactiquement le transfert sentimental.

C'est à cause de ce délire collectif que j'ai pris du retard et que, après les vacances, n'ai rien eu que des dettes rédactionnelles. En plus, contre toute apparence de la programmation des billets, mon projet des écritures de blogspot est perturbé(!) par la force inéluctable dûe à ce grand spectacle. je pensais au départ à rédiger des choses sur la Rivière Suzhou, sur la nouvelle vie de bureau où j'ai retrouvé un peu les souvenirs de la rédaction des magazines d'étudiant, sur quelques scènes, pour être plus précis, des transformations à vitesse et qui se balance entre tensions internationales, espionnage redoutable, feeling hallucinant, comédie burlesque et à la con où le rire s'impose.


J'ai encore pris du retard pour rapporter sur ce que j'allais rapporter. Je rattrape. Par où commencer?

Alors, parlons un peu de la télé-communication dans le journal télévisé de CCTV. Je regarde ça tous ces soirs car je le trouve comme une série-télé, un peu à l'anglo-saxon, si je puis dire. Il y a je crois deux jours, le Président Hu (Hu Jin Tao Zong Shu Ji/Zhu Xi, pour ne rien confondre) a visité le Palais d'Eté comme une star et les dames qui l'ont vu passer ont crié comme de jeunes filles-fans. Et il répète: être ouvert, être ouvert, relaxez-vous, relaxez-vous, amusez-vous, amusez-vous (ie: enjoy your visit to the park). Hier et aujourd'hui il visite les centres de contrôle de caméra dans les lieux publics, hier c'était je crois Hu Shuji et aujourd'hui on l'appelle Hu Zhuxi (Chairman Hu). Allusion ou pas allusion à l'autre Hu, ou l'un des autres Hu, que Dieu le sache. Et on reporte les infos peu informantes, dans une rivière de je ne sais à quel pays, l'eau qui coule devient tout d'un coup rouge foncé, à moitié, et les autorités ont dit, après l'investigation, ils ont cru que c'était juste une malice, que rien a été empoisonné. Je fainte.

CCTV commence aussi à se dénoncer, pour ne pas dire se suicider, le cadre glisse par moment sur les caméras de surveillance (j'ai l'impression que c'est une tradition de sécurité publique largement importée depuis UK) : bingo, je l'ai fait moi aussi, c'est drôle, quelque peu thrilling si l'on est dans un état second, et puis il y a des caméras qui sont pas du tout cachées et sont tout joliement conçues. Le cadre dénonce aussi les micros de pecheman qui s'étend jusqu'aux pieds des soldats en marche lors de la grande Parade, jusqu'en haut des têtes des gens qui applaudissent lorsque M. Hu leur a adressé quelques mots. Exigeance d'un trucage sonore. Pas du tout surprenant.


Au début de la grande soirée du 1er octobre, je me sentais encore confuse devant ce que j'avais vu sur l'écran, les dirigeants étaient assis autour de leur table et ne mangeaient ni buvaient, l'air tendu, nerveux, et alentour, quelques costumes noirs faisaient les va-et-viens et exposaient parfois discrètement leur badge sur lequel on ne pouvait rien décrypter à cause de la taille petite des caractères. On se demandait ce qui se passait, ce qui se jouait plutôt, car alors qu'on voyait l'air relaxé de M. Jiang Zemin, dont le visage était encore peu aimable le matin du même jour, on était obligé de se dire que c'était une scène de polar politique qui se jouait, ou qui sait, qui se reproduisait. Jeu de rôle sur la terrasse de la Tour Tian an men, ça, c'est bien du luxe.

L'information s'est laissée courue qu'il y aurait une surprise à la fin de la soirée. La surprise est ceci que les dirigeants sont descendus de la Tour, ont franchi le pont sur les douves pour rejoindre les gens (dit aussi "le peuple") sur la Place ("les gens" étant souvent les jolies danseuses en costume éthnique), les tenir par la main et dansaient tous ensemble.

Les paroles en chinois du chant ultime se trouve dans ce texte, émouvant à donner le frisson.

J'aimerais traduire un petit extrait: 

... 你紧握百姓的手,就是握住江山握住春秋/ (Si) tu serres la main du peuple, alors tu serres le fleuve-montage, serre le printemps-automne. (nb: fleuve-montage,jiang-shan et printemps-automne, chun-qiu, sont expressions poétiques et généralistes qui désignent le territoire et le temps ou la durée)
... 百姓紧握你的手,就是握住幸福握住锦绣。/ (Si) le peuple te serre la main, alors il serre le bonheur, serre la beauté splendide. (nb: la beauté splendide est expression poétique qui implique les beaux paysages ou les belles perspectives du pays. )

D'une douceur complètement fabriquée en Chine, comme on préconise dernièrement.

Les références littéraires devraient être celle de Livre des Odes (诗经):
"Te tenir la main et vieillir avec toi" (zhi-zi-zhi-shou; yu zi jie lao/ 执子之手,与子皆老). (nb: attention, hommes, si vous êtes épris d'une fille simplement chinoise et que vous voulez la séduire, le geste de tenir sa main aurait le même effet que lui imprimer un baiser, sur la bouche bien sûr)

Mais curieusement, j'ai pensé aussi à La Songe d'une nuit d'Eté de Shakespear, ça matches plus ou moins, non? Pourtant je n'ai pas lu un mot de cette oeuvre.

Ca a été sincèrement spectaculaire, cette soirée.



Libellé: in Fabula, audio-visuel, Chine est-ce Chine

 

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