06/10/2009

L'émission spéciale: les chansons - (ii)

(Photo: nuit, extérieur, néon. Idem)



Et puis, le même militaire de moins de 35 ans a voulu chanter. Plusieurs chansons militaires ont été chantées. Je traduis ci-dessous quelques extraits, car je les aime bien aussi, ces chansons, moins parce qu'elles sont belles qu'elles ont marqué le temps d'entraînement militaire que j'ai vécu. Les deux temps, à l'entrée du lycée comme à l'entrée de l'université, ça a toujours été un très bon souvenir et j'ai toujours gardé mon admiration pour nos coaches militaires, pour les soldats en général. Ce serait bien un sentiment de crédule, un sentiment partagé par bien des gens ordinaires, par les étudiants qui étaient sur la Place il y a vingt ans et qui ne voulaient pas la quitter parce qu'ils avaient pleine confiance, pour ne pas dire dépendance, sur leurs chefs-parents: svp donnez-nous la démocratie et je vous en remercie, vivement la patrie ; ou bien, allez, ordonnez la démocratie, vite vite, sinon je vous emmerde je reste ici attendre votre résignation, sans manger ni boire et nous serons toujours grands et libres comme la déesse en marbre. La la la... non mais je ne quitte pas la Place. L'ordre de feu n'était pour eux qu'une blague de "Wolf is coming", un feu jaune en quelque sorte. Ils devraient croire qu'ils étaient encore à l'étape de la première et de la deuxième fois de "Wolf is coming" le mensonge, alors qu'ils étaient déjà à l'étape d'ultimatum, Wolf was really coming.

Les soldats d'alors devraient aussi avoir ce sentiment crédule avant de marcher vers la Place. On n'ira pas tirer, c'est impossible. Mais non, tais-moi, les soldats du monde entier ne doivent pas avoir du sentiment, qu'on suit l'ordre et point barre. L'ordre, qu'est-ce que c'est important. Il ferait bien de connaître les règles quand on est dans un jeu, comme dans un amour. En plus, dans ce noir-là, chaotique, qui, qui pouvait distinguer les étudiants des "émeutiers"? S'il n'y avaient pas d'émeutiers, il suffit d'en imaginer quelques-uns pour pouvoir tirer. Mais encore non, détrompe-moi, pourquoi dans les armes des soldats d'alors il y avaient de vraies balles?? Je veux dire, pourquoi les agents de police à Paris du mai 1968, par exemple, avaient n'importe quoi dans leur fusil: de l'eau, des balles de brouillard, de pierres, de feux d'artifice, que sais-je, pour lutter contre les jets de pavé des jeunes passionnés? Hé bien je crois que c'est parce que les soldats chinois étaient trop sérieux et, bien évidemment, avaient peur de perdre la tête (au sens le plus strict possible!), une fois que son non-agir soit dénoncé comme preuve de complicité des forces ténébreuses qui nuisent aux masses populaires. (ouh là là~ quel crime...)

On parlait de quoi déjà? Ah oui, les chansons. Le jeune militaire dans l'émission spéciale commence le jeu de la-ge (拉歌:tirer/entraîner les chansons...vous me pardonnez, je ne sais mieux traduire) pour inviter à chanter:

yi-er-san-si-wu, wo-men-deng-de-hao-xin-ku/ 一二三四五,我们等得好辛苦/ un deux trois quatre cinq, nous attendons avec tant de peine;
yi-er-san-si-wu-liu-qi, wo-men-deng-de-hao zhao-ji/ 一二三四五六七,我们等得好着急/ un deux trois quatre cinq six sept, nous attendons avec peu de patience.



J'ai vu cette scène à la télé et tout de suite j'ai eu un coup de coeur. Je ne sais comment expliquer ce sentiment, très étrange, de retrouver les détails des souvenirs de la vie avant ma sortie en Europe. C'était exactement au tournant de ma vie que j'ai connu cette forme de loisir dans le camp militaire. C'était dans un site d'entraînement militaire éducatif, près de Shanghai. On était les camarades qui venaient de se connaître et qui commenceraient ensemble notre vie lycéenne après ces deux semaines d'entraînement de solidarité. Les exercices des pas militaies sous le grand soleil du mois d'août étaient bien dûrs, mais personnellement, c'étaient ces exercices-là qui m'ont donné, dans un premier temps, le courage pour persister, pour continuer à vivre et à bien vivre ma vie: promis juré à moi-même.

Nous filles-étudiantes étions dans deux dortoires voisins. Le mien était en face du dortoir des coaches. Nous toutes aimaient la chanson et, après que les coachs nous avaient appris les paroles de chanson, lors du temps libre, on chantait et on chantaient bien, puis on invitait aux coachs de chanter, on criait à l'unanime ces ordres de la-ge aux coaches qui se cachaient dans le dortoir juste en face, avec 3-4 mètres de distance, pas plus. On savait d'ailleurs que l'un de nos coaches savait jouer de la guitare. Alors on ne voulait plus le lâcher. On criait, chantait, riait, applaudissait, puis c'était le tour des coaches, qui étaient tellement timides hors du temps d'entraînement, vous imaginez!! Mais ils chantaient vraiment bien leurs chansons, dans leur dortoir, sur la terrasse d'entraînement (pour nous apprendre), au bord de la rue en pleine marche vers telle ou telle destination (pour chanter avec nous), sous le claire de lune à la soirée autour d'un feu, etc. A la fin de ces deux semaines, on avait eu du mal à se dire au revoir, et nous, les filles de ce dortoir-là, étaient devenues très connues parmi les coaches. On était ces sacrées filles-là qui savaient chanter et qui aimaient chanter.

Chanson 1: 我是一个兵/ Je suis un soldat
我是一个兵/Je suis un soldat,
来自老百姓/ venu du peuple, (ordinaire).
打败了日本侵略者 / Ai vincu les agresseurs japonais
消灭了蒋匪军 / et ai anéanti les armées-bandits de Tchang (Kaï-chek)
我是一个兵 / Je suis un soldat,
爱国爱人民 / j'aime, et le pays et le peuple,
革命战争考验了我 / J'ai subi les épreuves des guerres révolutionnaires
立场更坚定 / et ma position (politique) est devenue plus ferme
嘿嘿枪杆握得紧 / Hé Hé, serrer fort la tube du fusil
眼睛看得清 / regarder, les yeux claires
敌人敢胆侵犯 / (pourvue que) l'ennemie ose agresser
坚决把他消灭净 / résolument (je vais) l'anéantir, sans merci
我是一个兵 / Je suis un soldat
我是一个兵 / Je suis un soldat
我是一个兵 / Je suis un soldat
 
Un an passait et on retrouvait le même endroit pour passer l'entrainement d'agriculture éducatif. (学农). C'étaient encore les militaires qui venaient s'occuper de nous, nous entraîner un peu mais pour la plupart du temps nous emmener au champ pour faire l'expérience d'agriculteurs: apprendre à cultiver ceci ou cela, à soigner les lugumes. Mais malheureusement j'ai tout oublié ce que j'avais appris...

La tradition du chant continue toujours et, comme l'objectif principal du séjour était d'expérimenter l'agriculteur, tout le monde était plus relaxé et les coaches nous laissaient aller à libre cours de temps en temps, se balader à lentour du champ, s'allonger sur les herbes profiter du soleil, chanter et discuter, apprendre une nouvelle fois comment faire de la couverture molle un "pavé de soja" dur (ie: en forme de carré) à toute vitesse, comment ranger les brosses à dent du même dortoir dans un même sens, de sorte que ce soit propre, aligné et beau. Pour une fois on avait appris à nos coaches de chanter les airs d'enfance et certains folklores de campus: on adorait ça. C'était au fond une vacance collective à la campagne. 


 Chanson 2 : 咱当兵的人 / Nous les militaires

咱当兵的人,有啥不一样,/Nous les militaires, qu'est-ce qui nous diffère des autres,
只因为我们都穿着,朴实的军装./juste parce que nous portons tous, l'uniforme militaire, style simple?
咱当兵的人,有啥不一样,/Nous les militaires, qu'est-ce qui nous diffère des autres,
自从离开家乡,就难见到爹娘./ une fois quitté le pays natal, difficile de voir père et mère
说不一样其实也一样,/dire que c'est différent, au fond c'est le même,
都是青春的年华,都是热血儿郎. / mêmes temps de jeunesses, même sang chaud de jeune homme
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
一样的足迹,留给山高水长./ mêmes traces de pas, laissées aux montagnes hautes,aux longs fleuves
咱当兵的人,就是不一样,/ nous les militaires, c'est bien nous qui sommes différents
头枕着边关的冷月,身披着雪雨风霜/ la tête reposant sur la lune fraîche des frontières, l'épaule porte neige,pluie, gelée et vent
咱当兵的人,就是不一样,/ Nous les militaires, c'est bien nous qui sommes différents
为了国家安宁,我们紧握手中枪 / Pour la paix du pays, nous serrons dans la main le fusil
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
都在渴望辉煌,都在赢得荣光./ nous aspirons tous à la prostérité, nous gagnons tous l'honneur, la gloir
说不一样其实也一样,/ dire que c'est différent, au fond c'est le même,
一样的风采在共和国,旗帜上飞扬./ la même vigeur qui flotte,sur le drapeau de la République
咱当兵的人,就是这个样. / Nous les militaires, voilà ce que nous sommes.
 
Deux ans passaient et me voilà arrivée au campus de l'université. L'entraînement militaire encore. La nouveauté de celui-là était ce que nous les filles avaient beaucoup discuté sur "quel coach est le plus beau/ plus gentil". On avait un coach qui avait l'air numéro 1 des bandes d'agent secret, autrement dit hyper cool. On avait un autre coach qui était plus jeune que nous. Marrant. On l'aimait beaucoup et l'appelait le petit mouton doux.

Une autre nouveauté était ceci que, pour une première fois de ma vie, j'ai touché le fusil. On avait l'exercice de tir au bord de l'étang dans le campus, je m'en souviens très bien, on était couchée à plat ventre et tirait à l'aveugle vers l'autre bout de l'étang. A vrai dire, il n'était point question de viser car on ne voyait rien sur le panneau du cible: beaucoup parmi nous étaient myopes. J'étais pourtant contente d'avoir ramassé deux trois douilles comme souvenirs. Et puis nous avions marché quelques kilomètres, avec prétentieusement notre couverture en pavé de soja sur le dos afin de simuler la Marche militaire, pour aller dans une montagne proche du campus et faire l'exercice de tir en plein air. On ne parvenait toujours pas à trouver le cible, et nos coaches nos disaient simplement de ne pas tirer dans le sens de la forêt, de peur de blesser les oiseaux, ou, pire, les rares gens qui passassent au hasard. Ils nous conseillaient donc, pour être sûr, de tirer en l'air. C'était finalement juste pour sentir la force réactionnelle du fusil sur notre épaule de soutien, au moment du tir.

En retournant du champ du tir au pied de la montagne, on chantait la chanson suivante. C'est l'une de mes préférées parmi les chansons militaires, parce que l'air musical me plaît, et puis parce que c'est poétique: découverte toute fraîche après la traduction.


Chanson 3: 打靶归来/ De retour du tir à la cible
 
日落西山红霞飞, / Le soleil se couche à l'ouest de la montagne, les nuages empourprés s'envolent
战士打靶把营归,把营归。/ Les soldats ont fait le tir à la cible et retourne à la caserne, retourne à la caserne
胸前红花映彩霞,/ La fleur rouge devant la poitrine, et les crépuscules, le disputent l'une avec les autres(?) en splendeur
愉快的歌声满天飞。/ Les chants d'allégresse s'envolent, partout dans le ciel.
(唱谱)miso lami so laso midou lai/ Mi sol la mi sol, la sol mi do re
愉快的歌声满天飞。/ Les chants d'allégresse s'envolent, partout dans le ciel.

歌声飞到北京去,/ Le chant s'envole jusqu'à Pékin,
毛主席听了心欢喜。/ L'ayant entendu, le Président Mao s'en délecte.
夸咱们歌儿唱得好,/ Il nous félicite pour notre beau chant
夸咱们枪法数第一。/ nous félicite pour notre habileté au tir, classée première.
miso lami so laso midou lai / Mi sol la mi sol, la sol mi do re
夸咱们枪法数第一。/ nous félicite pour notre habileté au tir, classée première.



Libellé: in Fabula, Chine est-ce Chine, Audio-Visuel



1 commentaire:

Olivier a dit…

Intéressant ces chansons