24/11/2008

Shanghai je te trouve pas

Shanghai a beaucoup changé. Moi aussi. Tant que je me sens mal à l’aise durant les premiers jours de mon retour à cette ville immense. Immense et grise, puis-je dire ainsi.

Depuis le décollage de l’avion à Milano où j’étais en transit(quel bonheur de rejoindre encore une fois l’Italie et l’italien...), j’ai cru en train de faire un voyage hypertemporel, durant lequel je me réveillais peu à peu d’un long rêve sur l’Europe et où demeure la personne d’une identité complexe qui s’appelle Delphine et qui aurait toujours été aérienne. Sans gravité.

Je suis sortie de l’Aéroport de Pudong alors que c’était le bon matin. Sans doute est-ce pour cela que je n’ai pas senti l’odeur de l’air de Shanghai. Mais depuis, mon nez souffre de sternutation car le coryza allergique ne tarde pas à me rejoindre au bout de deux ans de séparation, et mes yeux qui grattent me signalent que l’air se serait sinisé. Faudra que l’on s’y accommode.

Shanghai est devenue un grand chantier. Les gratte-ciel poussent comme les herbes folles. Les gens commencent à prendre le passage piéton et attendre le feu vert pour traverser la rue, mais j’ai risqué la vie pour me rappeler que les voitures ici ne laissent pas passer en premier les piétons et qu’il faut regarder, à gauche puis à droite, en traversant. Les klaxons, moins terribles que j’avais imaginés, me semblent une toute nouvelle chose, tellement que j’ai le sentiment d’être dans le cinéma(ce ensorceleur...) de Jia Zhangke, celui-ci étant d’une réalité réaliste. En me déplaçant, j’ai dit pardon dans l’air et j’allais dire bon soir au chauffeur à l’abord du bus. J’ai fini par échanger un sourire passager. Ce drôle de sentiment et de réflexe.

Je marche dans la foule et, à ma surprise, je n’entends pas beaucoup de dialect shanghaien. Les nouveaux shanghaiens ont l’air réjouis de leur vie ici, manifestant la joie en cachant les ennuies. Mais pour où sont-ils partis, ceux qui y sont grandis et qui y ont leurs histoires ? L’amie du lycée qui est à Shanghai de passage me dit : tu sais, l’un de nos camarades d’alors est parti vivre dans la campagne à l’Ouest-Chine, il a son jardin maintenant et il cultive ses légumes. N’y retourne. On dit, bien des vieux shanghaiens se reculent de plus en plus dans le li-long et vivent désormais dans leur monde à l’écart et dans leur souvenir. Eux non plus ne supportent pas ce fantasme de modernité ?

C’était un soir. Dans la petite rue qui prolonge Shan Xi Nan Lu, j’ai croisé un vieux qui se promenait seul. C’était un visage impassible avec un regard tranquille, qui reflète l’apaisement de son intérieur. En l’approchant j’entendis chanter le grillon dans sa proche. En l’éloignant je le suivis des yeux, je me dis que Shanghai s’est éloignée comme cette silhouette, plus ou moins assombrie, ne trouvant plus son endroit dans le chouchoutage du monde du business international.

On m'appelle Delphine ou Zhihong ou Zhihong Dong ou Dong Zhihong ou Xiao Dong ou simplement Dong. Je suis shanghaienne d’apparence et étrangère par nature. Paradoxale.

Et Shanghai de même.

17/11/2008

Faut-il avoir peur du futur?

Tel est écrit sur le marque-page/flyer de l’exposition du futurisme du Centre Pompidou.

Telle une bonne question.

Moi, je repars demain pour la Chine. Un choix plutôt judicieux, vu mon statut délicat. Arrivant de l’Ecosse et sans titre de séjour, l’étudiante-chercheuse Mundus est devenue, sous l’effet magique d’un certificat des diplômes aussi joli qu’une feuille d’oracle à l’âge classique, la demandeuse d’emploi garantie d’un Visa qui s’expire le 20 nov 2008.

Je ne me déplore pas, ce dernier séjour en France n’a pas du tout été prévu depuis mon départ pour UK, et c’est grâce à la gentillesse de la dame de l’Ambassade de France en Ecosse que j’ai pu rester aussi longtemps. Pour autant, cette durée ne me suffit pas pour trouver un travail que je veux, il faudrait un temps plus long pour se préparer et pour trouver un boulot intéressant.

Quand il s’agit de l’amitié et des rencontres, en revanche, le temps ne s’impose pas nécessairement. On peut se faire des amis avec les coups de foudre, les événements et les topic intéressants, les quelques espoirs pour la Chine, pour les sociétés, pour les lettres et les arts, pour les échanges culturels.

Paris m’a aimé, voire m’a gâté. Les expositions superbes que j’aimerais vous en parler, les projections, les dialogues avec les gens de la politique, de la société, du cinéma et de l’éducation, les activités associatives auxquelles j’ai pu contribuer : les Français qui donnent des aides sociales aux femmes dans les régions défavorisées de la Chine, les jeunes chinois qui s’engagent en faveur des échanges et des compréhensions internationaux. Que de bons coeurs. Tout cela me donne des idées sur les activités du domaine, sur ce que je pourrais faire, comme métier ou non. Une sorte de conception.

J’ai aimé Paris aussi. Je l’ai aimée non pas comme ville touristique, mais comme un lieu où se croisent les gens et les voix, les idées. Son charme.

Je repars en emmenant de petits boulots, des projets à venir, des amitiés à distance, des promesses : dites ou non-dites, aux autres comme à moi-même. Continue, l’écriture.

On dit : ne choque pas trop tes compatriotes. Je dis hélas...au pire, on se choque.

On dit : triste de partir ? Je dis je suis prête.

06/11/2008

La Chair de l’Orchidée, ou un vain pessimisme

De différentes séries de projection et de conférence à la Cinémathèque m’enchante. C’est l’un des lieux paradiasiques parisiens que j’aimerais y habiter. Quelles conditions idéales pour faire les recherches sur le cinéma et pour satisfaire les cinéphiles gourmands. Il est dommage que je ne peux écrire tout ce qui m’a marqué ces derniers jours.

Je parle brièvement de ce film qui m’a boulversée principalement à cause de son pessimisme, un pessimisme autrement que celui des films américains du genre « on the road » de D. Hopper à qui la cinémathèque rend hommage.


Ce film est au fait projeté comme oeuvre de rétrospective de Pierre Lehomme, directeur de la photographie du film. Le cadrage, les lumières et la coloration bleutée du film est en effet parfaites pour relever l’ambiance affolante et désespérante. Mais hormis cela, le scénario qui s’inspire librement d’un roman britanique me paraît aussi bien travaillé, d’autant que la suspense que joue le résumé dans la brochure de la cinémathèque aumente la surprise lors de la projection : ce dernier dit simplement qu’une fille a été enfermée parce qu’elle est prise pour être folle, mais elle a pu s’échapper, et pourtant...

Selon le roman, Carol est celle qui aurait dû hériter une grande fortune de son père, tueur professionnel et de son surnom Orchidée connu de toute la ville. Mais la tante de la jeune fille l’a enfermée en annonçant sa folie, et a hérité à sa place cette fortune. Carol a pu s’échapper, rencontrer un homme qui l’aurait sauvée, regagner les biens de son père. De l’autre côté, Claire elle-même est par moment cruelle et meurtrière , à cause de sa maladie de la schizophrénie. D’ailleurs, le fait même qu’elle a pu voir le monde est, dramatiquement, dû au crime de son père qui à l’époque a enlevé et violé sa mère : qui est morte, mais a laissé un bébé qui deviendra une femme fatale qui en même temps est victime des chasses des autres.

Dans le film, Claire est une fille idéalisée : mère et fille deviennent UNE. Elle est principalement victime d’un complot familial de 20 ans: enfermée et violée, privée de son héritage des biens. Elle poignarde les yeux de celui qui la viole et s’échappe. La cruauté est pour elle la défense et l’obssession à l’extrême. Puis la rencontre fatale de l’homme auquel elle s’éprend (parce que lui ne désire pas son corps, la respecte et soigne sa blessure) mais qui a provoqué des ennuis parce qu’il a été témoin d’un meurtre commis par deux hommes qui appartiennent à un autre groupe criminel. Donc d’un côté les deux hommes cherchent à tuer l’homme, de l’autre la tante de Claire cherche à l’enfermer de nouveau afin que le secret se garde pour toujours.

En vain. Tout s’emmêle, souvent à cause de l’amour, ou qui sait, le désir à aveugler les yeux. Claire qui est dite folle regagne finalement sa noblesse. Les suivants opportunistes ont su tourner la girhouette à l’heure pour aider Claire à échapper la chasse de sa tante et le meurtre des deux assassins. A un certain moment, dans la grande villa luxieuse mais sombre, tout le monde est sous l’horreur de la mort qui aurait lieu à tout moment par les deux tueurs professionnels. La sueur sur chaque visage masculin, seul le visage de Claire reste ferme et frais.

L’homme sait que tout le monde devra mourir, ce qui est la règle de jeu. Mais pas elle, elle qui ira hériter ce qui lui appartient. Lui a dit : « préparez-vous à être seule. », avant d’aller ouvrir la porte de la chambre pour les deux assasins qui se prètent à lui donner un coup de couteau mortel.

Fin : elle est à l’hôpital. Une femme qui l’a libéré au moment crutial est venue la voir lorsque celle-là dort, l’un des deux assasins, qui survit et qui cherche encore à tuer Claire, a reconnu cette femme qui n’est plus jeune et qui était son partenaire et ancien amour dans sa période de vie du cirque. Pour une fois il a jeté le couteau, non pas pour le spectacle mais pour son amour, avant que lui-même ne s’épuise et tombe à jamais par terre.

Reste que Claire, ce visage devenu impassible vers la fin, dit vers le téléphone qui penche autour de son cou : oui, j’ai passé une très bonne nuit...oui, je l’ai déjà oublié.....Je vais me battre...Je vais commencer à travailler tout de suite...

Elle prend en même temps un gros catalogue dans la main, feuilletant pêle mêle. Elle ne cherche rien sans doute ; elle ne trouve rien non plus. Qu’est-ce que c’est ce travail donc ? Une vie sans solution commence au moment de la fin du film conclu en noir, laissant soupir le spectateur qui attendait en vain un retrouvaille final, pourtant réalisable suite à la poursuite des deux côtés rivaux, sorte de poison-contre-poison.

La seule pureté est la nudité du corps de Charlotte Rampling, alors femme parfaite et qui, aujourd’hui n’étant plus jeune, a toujours du charme, comme l’on peut constater dans Sous le Sable de François Ozon : dans ce dernier, curieusement, Rampling reste aussi profondément seule et attend en vain le retour de son mari à jamais disparu à la plage.

La féminité doit-elle être aussi forte que cela, pour que tous font le sacrifice, au sens religieux du terme, et qu’elle seule continue à vivre...mais quoi ?

28/10/2008

Pour un humanisme engagé—Rencontres avec Ai Xiaoming et Hu Jie(ii)

Les témoignages : Tai Shi Cun

Tai Shi Cun me semble moins un documentaire qu’un reportage journalistique. Ce qui impressionne, c’est que, depuis le début, une forte conscience du droit se constate chez les villageois qui veulent démissionner leur chef par les moyens judiciaires. Ils s’agitent en revendiquant leur droit de propriété de la terre, eux qui n’en peuvent rien face à la corruption administrative. J’en suis bien émue. J’avoue que moi, je connais peu de choses sur les feuilles qui indiquent les procédures administratifs pour cela. Après les pétitions, les occupations silentieuses dans le bureau du comptable des femmes et des vieux (par crainte que l’autorité ne manipule sur les comptes administratifs qui serviront de preuve, disent-ils) qui seraient mis en garde de vue et maltraités par les polices locaux, un suffrage direct a finalement eu lieu. « un cas typique du progrès de la démocratisation de la Chine », a ainsi commenté un journaliste d’une radio centrale avec un mandarin standard, dans son report-direct sur l’ambiance plutôt enjouée de l’occasion même du suffrage.

7 villageois ordinaires ont été élus, parmis eux, aucun des candidats recommandés par le gouvernement local. Triomphe de la démocratie directe, allait-on dire. Or les choses se transforment aussitôt en drame, lorsque les 7 élus ont disparus le lendemain de l’affichage du résultat du vote : ils auraient bien sûr subi les poings des puissants locaux, avant de jurer qu’ils renonceraient à leur nouveau statut administratif. Ni le journaliste qui parle un mandarin standard ni les médias locaux ne seront plus présents, un journaliste qui fait le reportage depuis le début est emmené sous les yeux des villageois, un avocat jeté dans la prison, devenu le bouc-missaire de tout l’événement. Sur scène, il ne reste qu’une caméra organe qui aurait tourner en gros plan les visages des militants et qui ferait des trucages d’un « émeute organisée par une minorité de rebelles à Tai Shi Cun contre l’intérêt de la majorité populaire » : sans prétention, en écoutant les premiers mots de cette définition, on saurait réciter l’information complète annoncée par le journal autoritaire du local.

Heureusement il y a une autre caméra hors-champ qui continue à tourner les images qui elles-mêmes commencent à s’agiter, alors que l’agitation des villageois se transforment en angoisse et en peur à force des jeux arrêt-délivrance du pouvoir local. Le silence règne. Les témoins renoncent à offrir les preuves aux deux avocats-conseil bénévoles. Un progrès sans suite.

La caméra accompagne depuis le début les deux avocats. Ce sont deux héros qui n’ont pas du tout l’air héros. Quel sang-froid devant la pression implicite et le danger qu’on peut imaginer. Surtout cette femme avocate qui devrait avoir une quarantaine, elle parle d’un ton soulageant et tout calme vis-à-vis des villageois angoissés et qui perdent leur sens. Personnellement, cette image fémine et protectrice me rappelle tout d’un coup la scène où ma mère parlait avec ses plaignants qui étaient aussi angoissés lorsque j’étais petite ; à elle qui m’a quittée il y a bientôt dix ans, j’aurais tant aimé demander sur ce dont elle pense de l’administration en général et de celle qu’elle avait connue. Comment justement garder constamment le sang-froid face aux réalités dramatiques ?

Le sang-froid ne se garde peut-être pas pour toujours, quand on vit vraiment dans une société. Vers la fin, les villageois s’interdisent de parler avec les deux avocats, à cause de l’entourage d’une dixaine d’inconnus. N’ayant pas pu entrer dans le village, les deux avocats qui se prètent à quitter ont été harcelés par quelques hommes qui les chassent en moto. L’angoisse intérieure s’aperçoit à travers les pas accélérés des deux avocats, qui ont su pourtant se maîtriser dans une telle situation. Appels aux secours inutiles, auxquels s’ajoute l’humour noir d’une voiture de police qui se casse lorsque les deux avocats s’en approchent : bonne fable du chat qui a peur des rats.

Menace de mort : les hommes arrêtent le taxi qu’ont finalement trouvé les deux avocats (et Ai Xiaoming) en brisant les vitrines. Ecran noir qui termine ce tournage, reste le remous qui bouleverse plus ou moins les spectateurs.


Les Testaments enregistrés: The Epic of Central Plains, Care and Love

Les deux films montrent et laissent raconter les patients VIH positifs ou atteints du SIDA, non à cause des relations sexuelles ni de l’injection des drogues, mais à cause de la transfusion sanguine dans les hôpitaux, cette troisième cause étant négliée délibérément dans la vulgarisation des connaissances sur SIDA de la région. Ces gens ont été isolés dans un village appelé désormais le village du SIDA, au Hebei, subissant la méfiance des « normaux », la perte des ressources de vie et la mort qui s’annonce au jour le jour.

A la différence de la présence de la violence dans Tai Shi Cun, ces deux films s’interrogent davantage sur la morale administrative et sur les problèmes sanitaires qui enlèvent le moindre sentiment de la sécurité des gens qui y vivent. Simple histoire de bonne face à garder et les scandales en chaîne à dissimuler par l’administration locale, ce qui conduit pourtant à un plus grand nombre des malades affectés, parmi lesquels les paysans pauvres qui ont dû survivre avec la vente du sang, devenue « donation récompensée du sang » sous le jeu socio-linguistique.

Dans le premier film, les victimes n’ont pas trouvé des moyens pour faire part du crime moral des hopitaux en question ou pour mettre en cause des politiques de l'Etat qui refuse l'aide internationale des ONG qui puissent fournir des médicaments plus efficaces contre la maladie ; les actes bénévoles qui font les enquêtes auprès des familles-victimes ont été empêchés et les pourvois rejetés. Dans le second, une certaine récompense ont été versée aux certaines familles victimes, sous l’effort des avocats et des membres familials des victimes qui parviennt à monter à Pékin pour le procès, malgré les entourages malveillants : apparemment, il s’agit d’un cas de contamination dans « l’hopital le plus connu(non nommé) » de la capitale.

Ce qui m’intéresse le plus à travers ces films, c’est quand même ce qui s’ensuite de ces dénonciations, qui ne choquent plus beaucoup de monde, tout comme l’affaire des producteurs laitiers de SanLu : y a-t-il eu l’amélioration de la qualité des produits sanitaires dans les hopitaux? Et l'amélioration de l’inspection sanitaire ?

La réponse de Ai Xiaoming à cette question est « plutôt oui ».

Une autre question qui se pose parmi les spectateurs : est-ce que ces oeuvres ont pu être projetées publiquement en Chine ?

Oui. Mais s’entend : publiquement ne veut pas dire officiellement ; pas question d’une projection dans les salles de cinéma si l’on a une moindre connaissance sur les politiques culturelles de notre pays. Mais circulation et projection libérales entre les amis, dans les campus, parmi les journalistes et les avocats, etc sont possibles. Puis, s’ajoute Mme Ai, « j’ai aussi offert quelques copies au Chef du Bureau sanitaire et au Chef du gouvernement local ». Applaudissement.

« --Pas de danger comme ça ? »

« On se radicalise pas. Seul ils touchent les topics sensibles ou taboux. Ces films ne sont pas contre le pouvoir mais un avertissement à notre système administratif et sanitaire, et un compte rendu du point de vue historique. Nous avons d’ailleurs pris la réserve pour couper les scènes les plus aberrantes de la part administrative : de leur garder un peu la face pour qu’ils puissent continuer à travailler et que nous puissions continuer à tourner et à vivre. »

16/10/2008

Pour un humanisme engagé—Rencontres avec Ai Xiaoming et Hu Jie

Comment dire quelques mots sur ce festival ? Comment parler de ces documentaires qui s’interrogent sur les grandes H de la Chine, qui bouleversent et émervent jusqu’aux larmes ?

De vendredi dernier jusqu’à lundi, j’ai assisté à la projection de plusieurs films documentaires des deux réalisateurs, Mme Ai Xiaoming et M. Hu Jie, l’une étant professeur de lettres chinoises, spécialisée dans les questions de la féminité à l’Université de Zhongshan(Ganton) ; l’autre, ancien journaliste qui a dû renoncer à son poste chez l’agence Xin Hua à cause de ses tournages. Si, dans les films projetés, Hu Jie a privilégié une vision historique en prenant le risque pour tourner les documentaires qui représentent une Histoire de la minorité des victimes subis des persécutions inhumaines à l’époque de la Révolution culturelle(Though I’m gone我虽死去) ou de la dissimulation délibérée des FAITS par l’autorité jusqu’à nos jours (In Search of Lin Zhao’s Soul 寻找林昭的灵魂), Ai Xiaoming penche sur les thèmes sensibles dans l’actualité et, munie de la caméra, se rend activiste et participe à la défense du droit de la minorité défavorisée des paysans.

Les films : In Search of Lin Zhao’s Soul, Though I’m gone

Sans doute grâce à sa formation en peinture, les images sont relativement mieux tournées dans les deux documentaires de Hu Jie. J’ai notamment été impressionnée par la coloration de la toile sur laquelle sont écrits les poèmes par Lin Zhao avec son sang : le rouge orangé qui donne le sentiment à la fois violent et épique. A part cela, Hu Jie a pris l’initiative de dessiner devant la caméra, selon la description d’un ami de Lin Zhao qui est allé la voir dans la prison au risque de sa peau, un portrait de l’héroïne dont le visage est enrobé de manière très sérrée afin d’empêcher que celle-là ne crie à haute voix les slogans contre le pouvoir : autour de la bouche, ça serre, alors au fur et à mesure, Hu Jie y ajoute de plus en plus d’ombre. Un processus asphyxiant, et résultat : il y a et il n’y a que les yeux qui brillent et qui respirent difficilement.

Mais là n’est pas la vraie question. Le documentaire, comme ce que disent les deux réalisateurs dans la discussion après la projection, est moins une recherche esthétique qu’un moyen d’observation, de témoignage, d’enregistrement de la société chinoise d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi, à part cette histoire sur la figure presque monumentale de Lin Zhao, dont le dossier est toujours enfermé (probablement à Shanghai où elle a été fusillée) et qui semble demeurer un topic-tabou, dans Though I’m gone, l’époux de Bian Zhongyun, alors vice-présidente du lycée pour filles attaché à Bei Shi Da, remémore comment cette dernière a été frappée jusqu’à mort par ses étudiantEs aux premiers jours de la Révolution culturelle, ce qui fait un exemple négatif pour les gardes rouges : on peut désormais tuer et tuer les profs. L’Histoire en question n’est pas un nouveau sujet, mais l’intérêt est ceci que les scènes de la mer de la foule en rouge de l’époque sont systématiquement visualisées, et le slogan « Vivement l’horreur rouge ! » longuement fixé frappe l’oeil, de même que l’innocence et la bonne volonté écrites sur la majorité excitante qui retrouve leur force originelle et qui exerce une cruauté affirmée.

(A suivre. Vous trouverez les commentaires en détail sur le blog du cinéma chinois tenu par Brigitte Duzan)

11/10/2008

Festival Shadows- Cinéma chinois indépendant


Je fais une pub G2G, gratuit-gratuit.

Les lecteurs parisiens et les lecteurs de passage à Paris, profitez-en pour aller au Festival Shadows et découvrir les documentaires chinois, souvent des thèmes engagés, rarement projetés à l’international et jamais projetés publiquement en Chine ! Et notamment à relever les oeuvres de deux réaliateurs, Mme Ai Xiao Ming et M. Hu Jie.

Vous trouverez les renseignements sur la programmation et la présentation des films projetés ICI (cliquez sur le "Dossier de presse")


***

En début de la semaine, je me balade dans la rue et je lis sur l’écran d’annonce de la Mairie de Paris. Je lis l’info sur le festival et je suis devenue ravie. Vous le comprenez, il n’y a vraiment pas beaucoup d’événements sur le cinéma chinois, me semble-il. (les festivaux internationaux du cinéma ne comptent pas). Alors à découvrir absolument celui-là.

En rentrant je prépare une lettre pour le bénévolat. Le lendemain, c’est un peu de la chance, je suis devenue la dernière bénévole pour l’événement. Je peux dire déjà qu’on n'apprendra pas autant de choses dans les missions à accomplir, toutes assez fondamentales, que dans la participation même du festival et surtout dans les rencontres qui sont très très enrichissants. A suivre !

Chasse aux métiers(ii)

J’ai répondu à quelques annonces en RH, écrivant quelques lettres de motivation qui me prennent la tête, sans espoir aucun pour la suite. J’ai eu deux trois appels, ce qui est déjà hors d’attente. Puis, lors de la Foire pour l’Emploi à Paris, dont beaucoup de postes dans la commerce et dans le mécanisme, l’artisanat, j’ai postulé 4-5 candidatures pour l’assistante directeur RH. J’y suis allée plutôt pour faire le tourisme disons sociologique que pour trouver un emploi. Pour maintenir un entretien-éclair, il faudrait savoir se vendre et montrer le dynamisme, la confiance, l’espoir, malgré l'incertitude intérieure. « Je voudrais m’orienter vers les RH, et plus précisément le recrutement ». En disant ceci je ne me crois pas mentir, car c’est bien une possibilité, hormis le métier culturel, d’étudier les gens marqués par les compétences différentes. Je suis convaincue qu’il faut une certaine sensiblité et intuitivité pour faire cela.

Une fois, quand je sens qu’il n’y a aucune possiblité que mon interlocuteur relise mon CV, j’ai fait un peu les interrogations-suicide à ce pauvre monsieur sur les différents métiers de RH, de communication, de l’assistanat administratif. Il a fini par dire : « vous ne donc savez pas ce que vous allez faire ? » Bingo monsieur, vous avez bien compris mon angoisse, et merci pour les renseignements.

Je me rappelle d’un dialogue très agréable avec une représentante au stand d’un cabinet de RH international :

--J’ai suivi les études du Master Erasmus Mundus, dans 3 pays européens.. [...] et St Andrews en Ecosse.

--Ah, St Andrews !

--Mais vous le connaissez ?

--Eh oui, c’est sublime ! ...Vous parlez anglais aussi ?

--Oui, j’assiste en général les cours dans la langue locale.

--Comment est votre anglais ?

--Urh...comme mon français.

--Votre français est bon !

--Urh...oui Madame. [...] Comme votre cabinet est à l’échelle internationale et que cela correspond bien à mon profil et à mes expériences, je désire [...].

--En effet, votre profil est très intéressant pour nous. [...] Comme les postes en RH et recrutement sont pleins, ce que je pourrais vous proposer comme possibilité c’est de travailler dans l’une de nos antennes comme assitante-directeur aide d’emploi, c’est-à-dire de distribuer les emplois à des chômeurs...

(--Waouh...Redistribuer les chômeurs dans les différents emplois ? Intéressant comme un travail dans le bureau d’immigration ! Ca fait découvrir le bas-monde en France !) Eh oui ça m’intéresse !

--Vous êtes mobile en France?

--Bien sûr !

Je sais qu’il y aurais très peu de chance que je sois retenue pour ce poste, mais déjà ce genre de dialogue est encourageant, c’est d’ailleurs la permière personne qui jusque là reconnaît ce diplôme trop général et peu « utile » aux yeux professionnalisés.

Avec ces détours, la décision est donc prise ? Presque, je dirais, car je me connais bien(quelle prétention !), moi qui changerais l’idée à tout moment et dans tous les sens. Il serait mieux de m’accrocher sur la culture, que ce soit en France ou en Chine : le cinéma, la coordination événementielle, ou l’édition, qui sait. On me dira : mais si t’auras un poste dans d’autres domaines qui te permettra de rester en France ?

Hé bien, attendons au moins qu’un entretien tombe devant moi avant que les choses ne s’avancent pour que j’apprenne à faire le choix !

Paris vous m’aimez ?