28/11/2007

A...

A quoi ça sert?
A abroger la loi.

A quoi ça sert?
A revendiquer nos droits.

A quoi ça sert?
A nous mobiliser.

A quoi ça sert?
Rien. A bloquer.



Dépêche
(Reporter virtuel sans frontière mise à jour: le 28.11.2007 10:39)

La zone pédagogique de la fac de l'UPVD est interdite d'accès depuis 8 hrs ce matin. Tous les passages alternatifs, tel que la passerelle devant la B.U vers les Amphis, le boyau qui contourne la zone, le fossé enjambé par un pont de pierre, sont bloqués par une vingtaine de grévistes qui gardent le sang-froid derrière les barrières. Selon l'on-dit, les représentants lycéens seraient arrivés après-midi à leur appui. Une nouvelle Assemblée Générale était prévue à 14hrs pour le vote pour la poursuite du blocage/la reprise des cours.

Selon le communiqué mis à jour le 26 novembre par Jean BENKHELIL, Président de l'Université , une consultation électronique sur "Pour/contre la reprise des cours à l'UPVD" a donné le résultat comme 64,1% pour la reprise des cours, 35,9% contre, sur 1686 étudiants qui se sont exprimés.

26/11/2007

Hey, u’ve the Facebook ?

Il est dit que ce serait le « salut ça va ? » version anglo-saxonne : « Là-bas, une fois que t’ auras connu qn, ils te demande cette question. »

Quelle horreur.

Depuis cette rentrée, quatre de mes collègues rentrées de l’Angleterre, de l’Ecosse ou du Canada me parlent plusieurs fois, l’une après l’autre, de Facebook : pour avoir des amis, partager les photos, etc. Après avoir reçu plusieurs lettres d’invitation, je me suis dite que bon alors, tôt ou tard je serai dedans. Comme le blocage des cours continue, je peux gâcher un peu de temps pr le faire.

Les premiers deux jours après mon adhésion sur ce système m’a rendue presque folle, avec les « nouvelles » des autres qui surviennent à tout moment on finira par entrer dans un état de nervosité. Ce serait pratique pour se contacter entre nous en effet, de partager ou se faire partager les photos, de garder et de re-trouver qq très bons amis dans de différents coins du monde(ce qui me parait relativement sympa), ou pour recevoir par ex un boulot tombé du ciel(occasion aussi rare que d'y trouver un(e) mari/femme). Mais je trouve le reste absurde. Parler de tout et de rien sur le Wall pour que tout le monde le lise, cultiver un herbe en dessin, acheter quoi que ce soit avec de l’argent virtuel pour s’offrir des cadeaux(sauf si c’est pour les amoureux flottants : je parle de toi Andréa, je vois que ton chéri t’aime bcp)

C’est de se rendre fou et de mobiliser tout le monde à la folie collective, c’est la limite à l’infini, l’occupation de l’espace(dans le cerveau) et du temps. Et c’est ça l’essentiel :un capitalisme civilisé qui repousse sans fin la frontière visible ou invisible,(oui, je parle de Deleuze, je viens de lire un article de lui et ça m’inspire bien) le remplaçant de la machine de la guerre : rien de nouveau, ce truc, comme un carnaval, une foire, un festival cinématographique ou musicale (oui,là je parle de George Bataille et la Part Maudite!).

Nous étions dans la société de discipline, nous sommes entrés dans celle de contrôle quand il y a trop de disciplines et qu’elles ne fonctionnent plus(j’ai dit peut-être n’importe quoi), maintenant on s’efforce d’aller au-delà des contrôles(géo, surtout), et nous en passons dans la société de communication où les enjeux sont « l’entre », et l’étendue à l’infini (problème grave avec ma directrice et moi !Quoi encore, j’ai parcouru qq écoles de doctorat, toutes parlent du pluri-culturel. Ca me parait aussi absurde que le Facebook..).

Thérèse, pour sa sacrée recherche sur Second Life elle doit passer des heures et des heures y vivre le virtuel. Quelle misère ! Facebook n’est pas moins fort. Il est l’au-delà de Second life, c’est-à-dire celui de la vie et la société. Facebook crée la relation dans un tribu(souvent les nomades) constamment élargissant, en mettant cette dernière en bloc : « il faut emporter la fenêtre pour voir le paysage ». Voilà un insulaire à l’âge moderne.

Après l’impulsion physique, l’impulsion culturelle, arrive maintenant l’impulsion communicative. Derrière celle-ci, se trouve juste l’impuissance de la communication.

Tout, et rien...

20/11/2007

Gu Wen... et le Guqin!!

Une chose magnifique de l'Internet est qu'il permet aux bienveillants académiques de monter une grande quantité des textes (poésie, proses, romans, recueils, etc) de la Chine classique. De les lire dans n'importe quel coin sur la Terre serait un véritable délice. Dimanche dernier, j'avais envie de lire le texte de Ji Kang (poète, essayiste, musicien sous les Wei de Si Ma Qian, les théoriciens occidentaux ont écrit Xi Kang) sur le Guqin. Résultat: j'étais plongée toute la journée dans la lecture archaïque, me réjouissant du saveur idéographique.

Il y a bien des choses à en parler, mais j'aimerais vous proposer avant tout le site où j'ai trouvé des morceaux connus de Guqin (voir en bas), ce qui m'enchante infiniment. Cet "instrument des lettrés", dirait-on, incarne une Histoire et une théorie compliquées, qui se résument pas en deux lignes(je crois). En revanche, autour de cet instrument quasi-sacré, il existe bien des anecdotes touchantes qui permettraient de mieux le connaître. J'écrirais qch là-dessus.

Pour l'instant, deux articles me semblent pas mal sur le Guqin:
http://parisbeijing.over-blog.com/article-6050347-6.html#anchorComment
http://www.festival-automne.com/public/ressourc/publicat/1986chin/mcda094.htm (c'est l'un des rares sources officielles en français que j'ai pu trouver...)

Et pour ceux qui s'y intéressent, voilà le site où se trouve la musique qui aide à s'apaiser et à se concentrer (au moins c'est le cas pour moi), comme des soins spirituels :D
http://www.guqin.net/newweb/mqmq.htm
(colonne à droite, cliquez sur les caractères soulignés).

Pier Paolo Pasolini, ou le cinéma de la poésie

C’était dans le colloque sur le « Rire Européen » que j’avais vraiment rencontré Pasolini. Ma directrice avait projeté son court-métrage Che Cosa sono le nuvole ?/Qu’est-ce que les nuages ? Dans la salle obscure, j’avais le bonheur d’entendre de nouveau l’italien, et, à la fin de la projection, j’étais légèrement bouleversée, comme ce que j’avais ressenti en regardant India Song de Duras pour la première fois.
C’est comme ça que je justifie mon estimation pour des choses : un livre, un film, un discours, etc :de recevoir un effet électrique en moi, une résonance profonde et immédiate, à la fois émotionnelle et physique, ce qui ressemble, comme disait M.Girard, à l’état de l’orgasme.
Une pure affirmation, dirait-on, de l’échelle tellement instinctive qu’il me faudrait ensuite prendre bien des efforts pour les critiquer, analyser, juger.


J’ai pu voir le reste des films dans la même collection,dont Oeudipe Roi, tragédie grecque projetée dans une ambiance mystique, et des Oiseaux Petits et Gros, film philosophique imprégné de la théâtralité. Il établie dans ses films un espace de rêverie et de simplicité,diaphane comme le ciel méditerranéen, il montre un mélange extrao de la poétique et de la politique, une naïvté comique et déplorable comme caricature de la société, une nostalgie évoquée pour inviter à y plonger, à s’y identifier.
Tout cela me rappelle Jia Zhangke, je sens qu’entre les deux, il y a qch de partagé malgré l’écart temporel et la différence des circonstances politiques. Sans doute est-ce qu’il y a dans leurs films l’omniprésence de la poésie, dosée d'une défiance de la réalité qui les entournent: Passolini était d’abord un poète-écrivain, et Jia Zhangke fréquentait les poètes qu’il mettrait plus tard dans ses films. Ce serait intéressant de faire une comparaison entre les deux.


Je connaissais Passolini du nom, quand j’étais en Chine. Le seul film que je savais de lui était Salò ou 120 jours de Sadoma. J’avais acheté le disc sans le regarder pendant deux ans. J’en avais peur, bien que les deux garçons de notre bande-ciné club m’avaient assuré que ce que mangeaient les gens dans le film n’était pas les excréments humains mais la purée de chocolat.
Je crois avoir compris cela, cette horreur et souillure d’après-guerre, au bout d'un an de mes études européennes. Je crois avoir compris le cinéaste en lisant sa biographie : un homme déchirant, combattant et excentrique, trop lucide peut-être ;un homme devenu homosexuel, sans doute à cause de la lecture de Freud, qui éveille en lui l’âme grec longtemps endormi. L’homme qui finit par être déchiré, une nuit au bord de la mer, par un admirateur passionné :une clôture comme tragédie pure.(Et ce fait divers intéresserait forcément Duras...)

Dans l’entretien, je vois un bel homme qui parle le français à l’italienne. Un homme d’un air très calme qui couvre l’acharnement à l’intérieur. Cette sorte de contradiction est inhérente à ses films, comme d’ailleurs le cas d’India Song :la beauté extrème qui couvre la violence extrème, la passion dans le silence et dans l’immobilité. C’est là où les films deviennent oeuvres, séduisent et prennent force.


Générique du film des Oiseaux petits et gros:(Uccellacci e uccellini)

"-Dove va l'umanità? -Boh!" (Mao in una intervista a Edgar Snow) /
"-Où va l'humanité? -Bah!" (Mao dans l'entretien avec Edgar Snow)


Un pt épisode dans l'Evangile selon St Mathieu:

(Christ devenu marxiste, qui enseigne partout. Il se repose sur une chaise alors qu'un journaliste vient lui parler )
--Permesso la parola?/Je pourrais vous parler un peu?
--...Umm. Piccola intervista/ Umm...(juste) un petit interview.
--Che cosa vorrei sprimere su la votra nuova opera ?/Que voulez-vous exprimer sur votre nouvelle oeuvre?
--Il mio intimo...profondo...arcaïco catholicesmo./Mon intime...profond...archaïque catholicisme.
--Che cosa vorrei dire su la sociétà italiana ?/Qu'en pensez-vous de la société italienne?
--Il popolo più analphabéta, la borghese la più ignoranta del Europa./Le peuple le plus analphabète, la bourgeoisie la plus ignorante de l'Europe.
--E che pensate della morte ?/Que pensez-vous de la mort?
--Come marxista io non ne prendo considerazione/En tant que marxiste j'en prends pas de la considération.
--Una otima question : Que penseate delle nostre cineaste Fellini ?/Une dernière question: que pensez-vous de notre cinéaste Fellini?
--....Il danza...Si... il danza./Il dense...Oui, il dense.
--Grazie, complimente..Arriverata./Merci, félicitations...Au revoir.



Extrait de l'entretien réalisé dans les années 70:

(Q)--Est-ce qu’on peut dire que finalemnet toutes vos oeuvres, romans, poésies, films, expriment à la fois une grande joie et une grande souffrance à la fois ?

-- ...Alors je vous prie et je prie à ceux qui nous écoutent de considérer tout ce que nous avons dit comme un abili, une excuse pour dire qch. Si je peux le dire sincèrement, c’est une manière de production indirecte, c’est-à-dire à cause d’une certaine passion, d’un besoin d’être sincère envers vous, mais en réalité je n’ai pas dit ce que j’aurais voulu ni dû dire, et aucun d’entre nous n’y arrivera jamais. Les choses vraies, sincères, se disent rarement, peut-être dans un cas particulier, un moment d’ivresse poétique. Or ce n’est pas une sorte d’excuse irrationnelle, je ne voudrais pas tomber dans l’irrationnel d’ailleurs, car je crois que même ces instants de l’expressivité poétique qu’on vient de dire, est fondamentalement rationnels. Toutefois, ce que je voulais dire de ces films ou romans, est toujours vicié par certaines conventions médiatiques, sociales, culturelles.

La vérité vraie s’exprimerait peut-être seulement en termes, soit de la religion, de la philosophie indienne, ou de la poésie. Alors on peut dire que c’est qu’un prétexte pour moi, mais la réalité est que mes oeuvres disent de la joie et de la souffrance en même temps...Le poème que j’ai écrit dans l’enfance, une notion de « joy » emprunté dans la langue provençale, veut dire « d’extase, d’euphorie, d’ivresse poétique ». Cette expression est peut-être l’expression-clé de toute ma production. J’ai écrit pratiquement « l'ab-joy无 », c’est-à-dire au delà de toute rationnalisation de toute référence culturelle. Le signe qui domine mon oeuvre est la « nostalgie de la vie », un sens de l’exclusion et qui pourtant n’exclut pas l’amour de la vie.


Q : Quelle est votre difficulté du travail ?


--C’est tjrs très difficile de travailler. Il s’agit de prouver qu'on existe. O vincero o morir (Ou vaincre ou mourir). Toujours c’est comme ça. Toujours on risque de mourir.

Citations

Savoir, pouvoir, la connaissance et l’action

Pour moi, c’est la connaissance, non l’action, qui a le plus de valeur ; car la connaissance est l’affaire de l’âme, l’action celle du corps. Confucius a dit : « Savoir qu’on sait quand on sait, et savoir qu’on ne sait pas quand on ne sait pas, c’est là la vraie connaissance. » (知之为知之,不知为不知,是知也.) Savoir, c’est de la connaissance, mais ne pas savoir en est aussi. Alors que l’action a ses limites, la connaissance n’en a pas ; on peut venir à bout de l’action, mais non de la connaissance. L’action ne saurait égaler la connaissance, et cela personne n’y peut rien. Ce que la main ou le pied peut toucher ne va pas aussi loin que ce que perçoit l’oeil ou l’oreille ; ce que la mémoire peut enregistrer n’englobe pas autant que l’intuition ; la mesure prise par la balance ou la règle ne sera jamais aussi juste que l’évaluation (par l’intelligence) ; toute la beauté de la réalité ne saurait égaler la pureté du principe abstrait. (???...) Qui pourrait y changer quelque chose ? Si les lettrés pédants se plaignent de savoir sans pouvoir, c’est que leur connaissance n’est pas la vraie. La vraie connaissance est celle qu’on peut mettre en action à tout moment.
--Renxue(Etude sur l’humanité, achevée en 1896 mais publiée qq mois après la mort de TAN Sitong en 1898), 2e partie, in Tan Sitong quanji (Oeuvres complètes de Tan Sitong), Pékin, Sanlian Shudian, 1954, P.86. Extrait de Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Edi. Seuil, 1997.P.594.)


La précarité du langage

Nous ne sommes pas des êtres parlants, nous le devenons. Le langage est un acquis précaire, qui n'est ni à l'origine ni même à la fin car souvent la parole erre et se perd avant même que la vie cesse.»
--Pascal Quignard


Ce qu’on appelle « le créateur »

« Je trouve extrèmement drôle le mot créateur dans la langue française, en italien il y a le mot il creator. Et il creator, c’est Dieu...La création n’est jamais venue du rien. Il y a tjrs quelque chose derrière. On crée toujours à partir de quelque chose.
--Extrait d'un entretien avec un musicien sur France Culture


Pour une esthétique révolutionnaire

Le monde occidental est fondé sur le système de la représentation. « Représentation philosophique (la métaphysique platonicienne du Modèle et de la copie), politique(la démocratie ou représentation populaire), économique( l’argent représente la valeur réelle), etc. La représentation esthétique est le miroir, mais aussi le arant de ce système politique et social. (...) Toucher aux formes de la représentation est un acte révolutionnaire. »
(Camille Dumoulié, Littérature et philosophie. Le gai savoir de la littérature. Paris, Armand Colin, 2002, P.116. Dans le polycopié du séminaire Hétérogénéité de la poétique : Ezra Pound dans le Vortex)

* * *
« La beauté, sans doute ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle. »
–- A. Camus (Pierre-Louis REY, Camus, une morale de la beauté. Edi. SEDES, Coll. Questions de littérature)

* * *
« La beauté, c’est la justice parfaite. »La lumière de Midi éclaire, du zénith, le royaume des hommes ; symbole de beauté, elle sinifie aussi l’équité. Mais comme elle a la précarité de l’instant, elle cause dans le même temps notre désespoir. Aux yeux de Camus, comme aux yeux des Grecs de l’Antiquité, l’exigence de beauté est inséparable de la conscience du tragique de la condition humaine.
--Pierre-Louis Rey, Quatrième de Couverture de Camus, une morale de la beauté


L'ouverture bergsonienne :
« Les deux sources de la morale et de la religion: la fausse morale de la société close et repliée
sur elle-même, instinct d'exclusion qui mène au nationalisme ; la véritable morale, qui s'étend par principe à toute l'humanité: c’est la MORALE OUVERTE, un sentiment de justice universel. Chaque doctrine, religion ont deux directions du CLOS-OUVERT à l'intérieur, dont une seule est proprement morale. » (Dans un texte tiré du dossier sur Bergson, Magazine Philosophie, sept, 2007)


L’ère des poètes

« Les poètes, écrit Hölderlin, se révèlent pour la plupart au début ou à la fin d’une ère. C’est par des chants que les peuples quittent le ciel de leur enfance pour entrer dans la vie active, dans le règne de la civilisation. C’est par des chants qu’ils retournent à la vie primitive. L’art est la transition de la nature à la civilisation, et de la civilisation à la nature. » (Préface de René Char en 1965, dans Arthur Rimbaud, Poésies, une Saison en Enfer, Illuminations, Edi. nrf Poésie/Gallimard, 1999, p. 12)


Une maladie médiévale qui s’appelle l’amour

Andréa m’a parlé des documentaires pathalogiques espagnols qu’elle est en train de lire :
Rhages : défi de la mélancolie dans la forme traditionnelle de gallien : dans cette maladie, il incluait l’amour, lequel était considéré comme un terrible désordre mental, et pour lequel il recommendait plusieurs cures comme le jeûnes, marcher beaucoup, boire du vin et avoir des coïts fréquents. (traduit de l’espagnol par Andréa)

(A suivre...)

A la niche

Tu m’envoies une annonce, tu seras mon mari.
Rentre, ne t’en fuis.
Je reste assise.
J’ai dit oui.

Mais prépare-moi un foulard en soi
Couleur bleu turquoise
Et baisse ta voix
Pour que j’entende ma muse

Tu me pénétras
Je ne crierai pas.
Je te regarde.
Voilà.

14/11/2007

Je suis pas contre, mais...

--Etrange chose que l’homme qui souffre veuille faire souffrir ce qu’il aime !
(Alfred de Musset, La confession d’un enfant du siècle)



ACTE I--La grève alors ? Bah...

C’était moins chaud qu’ailleurs mais ça a été bien chaud.
Je contemplais les slogans contre CPE sur le mur, j’attendais et j’attendais, je vois finalement de quoi ça ressemble une grève d’étudiant.
C’est donc ça, les slogans bien sûr, et les affiches : les affiches d’un portrait unique du bon communiste dont la lettre patriotique et émotionnelle de la Résistance circule dans les lycées et les collèges. Quelques peu d’étudiants distribuent les tracts : « Contre la loi de l’autonomie, rejoignez le PCF ! » En lisant cela, je ne peux m’empêcher de rire à la baudelairienne. J’avais l’intuition que l’Italie était la Chine de l’Europe au niveau de la vie et de l’idéologie, alors que l’exubérance de la démocratie hexagonale côtoyait le modèle de la tyrannie extrême-orientale. Ceci ne parait pas faux.

--Vous êtes contre quoi ?
--La loi de l’autonomie !
--Ca veut dire quoi ?
--Les entreprises vont donner de l’argent à l’université et ça va la commercialiser, on perdra la fac !
-- ?? Ca alors...


ACTE II-- Le CONTRE des enfants du XXIe Siècle

Vous avez dit que c’est un trucage législatif, que c’est le résultat d’un vote soi-disant démocratique qui se déroule en plein été, c’est-à-dire à la période des vacances scolaires où le milieu universitaire ne peut se rassembler pour s’y oppser. Vous avez relevé le défi et vous faites la même chose, vous attendez jusqu’à la rentrée des master 2 et du doctorat, c’est-à-dire la période où tout le monde se retrouve à la fac, pour vous initierez tous à se mobiliser.
Vous avez donné l’exemple des facs canadiennes, américaines, où les grandes marques font la colonisation dans le campus. Vous avez dit que si les entreprises vous donnent de l’argent ça va périr l’indépendance de l’éducation. Soit. Mais vous n’avez pas besoin d’un peu d’argent pour améliorer les conditions d’enseignement ? Les étudiants de licence professionnel du théâtre, par ex, n’ont-ils pas besoin de matériels audio-visuel pour voir les films de Passolini ? (Allez écouter son entretien d’ailleurs, il parlera des gauchistes conformistes.) Vous dites ça comme si moi, chinoise, je vous disais qu’il fallait pas faire la grève parce qu’il y aurait la répression. Vous avez la tradition de la raison, mais vous l’avez rejetée en vous identifiant aux américains. Vous faites pas confiance à vous-même ni à la présidence universitaire. Vous ne voulez rien que le contre.
Vous appelez à rejoindre le communisme. Et pourtant il me semble que vous ne le connaissez rien que sur la lettre de Guy Môquet. Vous avez de la chance pour vous civiliser à prix bas et avec bcp moins de stress par rapport à beaucoup autres pays dans le monde. Vous vous satisfaites pas. Vous allez lutter contre un risque qui existe dans vos hypothèses sans tenter la moindre des choses, et pour cette raison vous allez bloquer la fac, arrêter les cours, bref, faire la fête : n’est-ce pas, ici vous faites appel de la grève en tant que tradition pour quoi que ce soit chaque année ?
Vous vénérez la génération des 68, je vous comprends. Moi aussi. Mais regardez le film de Truffaut, regardez l’archive dans Baiser volé, eux ils se défendent. Vous, vous délirez de paranoïa dans le confort qu’on vous a offerts. Je me demande si une grève ne se fasse comme ça d’ailleurs, que vous ne vous trompez d’objet. Vous êtes les jeunes Truffauts contemporains qui barbouillent le concervatoire cinématographique. Vous aimez la fac et vous la faites souffrir. Vous brisez les fenêtres, et la somme que l’Etat vous a promise pour l’instant ne suffirait pas pour les repérer. Vous allez occuper les bâtiments d’enseignement au lieu d’aller devant ceux des services gouvernmentaux. Moi, en tant que chinoise, je vous propose un moyen efficace, mobilisez-vous plutôt pour vous asseoir devant la porte des services : vous avez un gouvernement démocratique qui ne vous exposerez pas le char. Mais vous prendrez pas la peine. Vous vous contentez de crier ensemble et vous ne saurez plus sur quoi vous criez.
Il vous a fallu « de temps et de lieux pour vous retrouver, vous organiser et penser ensemble », écrivez-vous sur l’affiche de mobilisation. Et bien je crois connaître ce qui résultera, ce « penser ensemble ». Alors bonne pensée.


ACTE III- Sans foi ni loi

On m’avait dit un jour que la France est bien hypocrite, elle prétend pays laïque mais elle autorise les vacances des fêtes religieuses, et ça suffit pas, elle fait le pont. Ainsi les facs à Paris prenaient les vacances de Toussaints, après lesquelles tous les jeunes saints s’agitaient.
C’était Sharad qui nous a informé en premier des manifestations à Paris : les vacances terminées, sa copine qui venait de rentrer l’avait dit qu’elle n’aurait pas de cours car son département des études asiatiques, son Science-Po, et les Sorbonnes, étaient en grève.
Ici dans le sud, seuls les collèges et les lycées ont les vacances de Toussaints. La semaine d’avant le jour de la Toussaint, les salles des amphis avaient été bloquées, les chaises entassées. Mais notre cours s’est déroulé quand même dans la salle régulière encore libre d’accès, malgré le tas des chaises.
Alors que le quartier latin brûlait de nouveau, une assemblée générale a eu lieu le même jour comme prévu, à un lieu de rencontre de la fac de Perpignan. Information, débat et vote pour le blocage de la fac. Le lendemain, l’annonce du président de la fac: la suspension de toutes activités pédagogiques, selon le résultat du vote.
N’empêche que nous avons eu la première séance sur Rousseau. On m’avait expliqué qu’après l’annonce du président, c’est au prof de prendre la responsabilité de son cours. Je m’enchante de l’indépendance de l’enseignement. Pourtant le soir, mes voisins Mundus me racontaient : « tu sais ce qui s’est passé avec notre cours de M. Girard? Il y avait un groupe des gens, en dehors de l’université, qui étaient venus bloquer la bibliothéque de la section pour que nous ne puissions avoir cours. On pense à aller ailleurs, un café par ex, et ils nous aivaient suivis pour nous agresser ! Heureusement ils ne comprenaient pas l’anglais, et nous avons pris RDV pour avoir cours au centre ville dans un bar ! »
C’est donc ça, ce qu’ils veulent, occupation de la fac, abrogation de la loi, perturbation de l’enseignement, bref, contre tout.
Il paraît qu’on appelle ça l’extrême-gauche.


ACTE IV- Salut, tu t’es mobilisé ?

Vivement Sarko, homme de politique de talent qui a été pas mal inspiré des manières pragmatiques, seul il est allé trop vite comme la Chine et il redistribue les grèves : Après les cheminots ? Les étudiants. Après les étudiants ? Les fonctionnaires. Après les fonctionnaires ? Et bien joyeux Noël !
Mais tout le monde ne fait pas n’importe quoi. L’université est suffisamment humaine pour que la bibliothèque reste ouverte. Cette semaine il y a un peu plus de monde et, curieusement, un peu moins de brouhaha. Les quelques collègues françaises des séminaires, les Mundus, disent la même chose : ça sert à quoi donc, la grève comme ça ? Rien. Si la loi d’un pays était sortie puis retirée aussi facilement, alors pitié pour le régime de la démocratie.
L’assemblée générale a été bonne pour s’informer, puis on reste calme. Puis encore, d’après ce que Alex la perpignanaise avait dit : « Chaque fois il y aura les débats infinis et chaque fois ce sont eux qui gagnent : au bout d’un moment, on se fatigue et on s’en va, ceux qui restent, les mobilisés, et bien ils votent. C’est ce qu’on appelle le vote démocratique. » Umm, on dirait qu’ils ont pas mal appris de leur autorité parentale, en très peu de temps.
Hier il y avait une réunion pour qu’on se mobilise à la manifestation d’aujourd’hui, c’était midi, je me repose sous le bon soleil d’automne et je vois quelques visages d’un air confus sortis de l’amphi, une fiche à la main. Cet air ne me paraît pas étranger.
Détrompez-vous donc, vous savez ce dont vous en pensez au moins ? Ou vous vous mobilisez juste comme ça ? Moi je vous propose encore une petite lecture, celle des infos des dénonciations des présidents universitaires sur les agents hors de l’université qui incitent les étudiants, celle d’une annonce toute fraîche du président de la fac : la grève n’a pas pour objectif de perturber l’ordre de la fac, garanti aussi par la loi, de bloquer la fac, il ne faut pas négliger l’indépendance de la présidence universitaire ; la grève est pour exiger une somme plus importante d’argent pour que l’aide aux universités prenne de vrais sens. Voilà. Vous avez bien appris à faire les synthèses. Au travail donc.

Prologue
Ce matin, il n’y a plus d’électricité dans la résidence. Voilà la vraie grève, me dis-je, donc tant pis pour le café, et il m’a fallut mettre des torchons sous le frigo pour éviter le petit déluge. Mais le Crous a été suffisamment humain pour qu’il y ait de l’eau chaude et qu’on prenne une douche avant d’aller à la manif au centre.
Une nouvelle assemblée générale est prévue à 15hrs, cette fois le président a bien pensé à la rendre plus démocratique et plus juste : Reprise des cours à l’Amphi 3, Continuation du blocage à l’Amphi 4. Invitation au vote.
Vivement la bibliothèque qui est tjrs ouverte. Moi je travaille. Je vais continuer ma correction sur Duras, lancer la recherche sur Rousseau l’autobiographe et la lecture sur la poétique d’altérité de Valéry : Regards sur le monde actuel...


N.B :
J’avais laissé ce texte après avoir les premières idées sur la grève, car j’ai bcp à lire avant de quitter ici, que ma tête m’avait fait la grève en déclenchant la migraine, et que mon français ne rattrape souvent pas mes idées. Mais puisque la situation m’a réchauffé la tête, voilà une miniature que j’essaie d’établir, un peu mal à l’aise certes, mais amusez-vous, ou opposez-moi.