Dessiner le Huit

Ce matin on était seulement deux pour aller au cours de la natation. La piste devenant suffisamment large pour que je puisse aisément me désorienter sans me prémunir des moindres heurts, j’en profitais alors pour corriger mon geste de nager sur le dos à l’aide de la prof. Et elle me dit ceci :

«Concentre-toi sur ta main, rappelle-toi que dans l’eau c’est tjrs la main qui fonctionne...Etends ta main vers l’arrière, puis tu prends l’eau dans ta main...puis hop~, tu pousse vite en avant, là tu n’arrêtes pas, ta main sors tout de suite, puis tu ralentis dans l’air. Il y a le rythme tu vois...Fais comme ça, mets ta main dans l’eau, tu dessines le Huit, comme ça....Tu sens l’eau dans ta main ? Oui ? Ca y est, tu portes l’eau comme ça, dessine le Huit avec ta main. »

Dessiner le Huit, voilà un secret tant sportif qu’esthétique qui fait prestige. Ce Huit me rappelle tout de suite l’un des tactiques d’attaque que l’entraîneur de notre équipe féminine du handball au collège nous avait apprises : se passer le ballon entre trois équipiers, courir en se croisant, comme un grand Huit, puis marquer, but !

La prof de danse argentine à Nanda rappelait quant à elle qu’il faut « dessiner le Huit avec les hanches en tenant droit le buste » pour danser la mesure prolongée de la rumba. La prof calatane de Salsa (j’avais découvert ça avant la grève) s’emflammait dans l’ambiance tropicale dansante en chantant : «Allez...hé Rumba~ ! Allez...hé Rumba~ !...Dessinez le grand Huit avec vos hanches !!... Laissez-les entraîner votre corps !!... Fléchissez les jambes !!...Relâchez-vous !!... »

Radicalement moins animé, Le Tai-ji me revient aussi dans la tête. Je connais peu cette pratique méditative, mais ne serait-ce pas le même principe, quand on avance et recule en embrassant le « souffle » ? Le Huit, c’est le courbe universel, le flot en circuit éternel. C’est la poésie. Dessiner le Huit, c’est entraîner le Qi qui passe, c’est l’allégresse de la vie.