10/01/2010

Golf

©Delphine Dong|la pétanque, Collioure




J'étais devant la télévision. Je changeais les chaînes et j'ai arrêté d'appuyer sur le bouton pour regarder un championnat de golf. L'amie qui m'hébergeait me demandait, ah, tu regardes  le golf? ... Pourquoi tu regardes ça?

La question posée m'a semblée intéressante. Cela m'a un peu surprise que le fait que je regardais le championnat de golf lui a paru étonnant.

Je ne sais pas. Pourquoi je regarde les gens jouer au golf?

J'ai hésité puis j'ai dit, parce que c'est classe, parce que c'est beau.


Le golf était, à ma connaissance, un sport de luxe inabordable et réservé aux aristocrates, aux gentlemen riches, aux riches de pouvoir et de fortune. Je n'avais vu jouer ce jeu que dans les séries télévisées hongkongaises qui traitaient les histoires de polar, de sentiments, de la vie familiale et commerciale des hongkongais riches et moins riches. L'image qui représentait un homme en gilet très élégant sur un grand terrain de golf impliquait de temps en temps un crime ou un complot commercial, qui souvent faisait risquer la vie de tel ou tel personnage. Et l'homme sur le terrain serait souvent mal vu et considéré comme mal honnête, hypocrite.


Par ces raisons, je n'avais jamais pensé à jouer au golf. Pas une seconde, même si j'ai consulté, avant le départ pour St Andrews, les guides touristiques qui disent que c'est un des berceaux connus de cette culture sportive et qu'on ne quitte pas ce village sans avoir joué au golf. On me proposait de m'inscrire à un stage de golf assuré par l'Université, sans qu'on ait besoin d'acheter l'équipement. Cela me semblait intéressant, toutefois il me serait inutile d'apprendre à jouer au golf car je n'imaginais pas que j'aurais plus tard 'loccasion de le pratiquer de nouveau. C'est un sport réservé aux gens d'hiérarchie sociale très haute, voilà mon idée reçue.


Je ne me voyais pas non plus pouvoir bien jouer au golf en quelques semaines. C'est un sport très raffiné, minutieux, pour ne pas dire absurde. En quoi donc  c'est attirant que les gens visent un trou situé très loin pour faire rentrer les petites bulles qui volent et qui, idéalement, y tombent suite à un swing?


C'était grâce à une chinoise avec qui je me liais d'amitié assez tard que j'ai eu cette chance d'aller sur le terrain de golf faire l'expérience. Un jour elle me parlait du golf. Elle disait qu'elle jouait régulièrement au golf, en Chine comme en Ecosse, comme quelques-uns de ses amis chinois qui étaient là faire les études de commerce. C'étaient les enfants des parents riches et entrepreneurs, c'était une catégorie de gens que j'avais très rarement connus. Je croyais que ce devraient être les enfants-rois bien gâtés, égoïstes et souvent  arrogants avec un peu désinvolture. Elle m'a fait complètement changé d'avis. C'était une fille qui avait un aura de star, d'une beauté cristalline à mes yeux, et pourtant elle était très calme,  bien douce, confiante, étudiante studieuse, et sa petite dose d'insouciance charme. 


Elle me montrait son sac de clubs de différentes têtes en fer, et elle dit, tu ne peux pas ne pas jouer au golf avant que tu ne partes. Viens avec moi, au moins essayer une deux fois. C'est l'été et il est temps de jouer au golf. Je voyais de cela une sorte d'estime que je n'attendais pas, et qui m'a été d'autant plus précieux que j'étais alors dans un état assez difficile.


On était alors toutes deux parties vers le terrain de golf, et c'était un des trajets les plus impressionnants que j'ai fait à St Andrews. C'était bien long pour y aller à pieds. Une zone très large et vide en quelques sortes, parce qu'on ne voit pas beaucoup de bâtiments. Un paysage beau et envoûtant comme la fin du monde, je ne sais plus comment en décrire.


Choisir un certain nombre de balles, récupérer les balles dans un panier, aller occuper une place parmis les quelques aires de départ délimitées. Elle m'avait déjà appris les positions de base, comment tenir la manche et comment faire le swing, de sorte que la tête du club peut au moins toucher les balles. Parce qu'il y en a beaucoup qui râtent le coup au début, faire vainement les swings alors que la balle reste là, pas déplacée d'un centimètre. Elle faisait la démonstration à plusieures reprises, puis on s'est séparé et chacun jouait de son côté.


Il était très calme alentours. Pas beaucoup de gens et les joueurs parlaient peu. Par moment on avait la chance de voir quelques bon golfeurs, d'une gesture véritablement cool lorsqu'ils faisaient un coup qui fit voler très loin la balle. Le fait que la balle soit partie dans un trou ou à côté d'un trou, ce ne fut pas une question très importante pour moi. Mon but était juste de faire partir une balle sous mon coup, comme ce qu'elle me proposait; et puis franchement, je n'ai pas une aussi bonne vue pour viser un petit trou sur cette immense pelouse qui s'étend vers le lointain. Pas un seul. Mais il faut avouer que c'est une très bonne pratique dont la valeur ne se compose pas que dans le mouvement d'une balle mais au-delà, celle de la régulation de la respiration, de la tenue du corps, d'un peu de force des bras, de la visée, de la confiance pour dessiner à vitesse une ligne droite avec le club pour emporter la balle.


J'ai fait partir toutes les balles, bien satisfaite car pour la plupart du temps, elles étaient parties au moins cinq mètres de là où j'étais. Il y avaient les coups ratés bien sûr, les balles roulaient alors moins de 2 mètres et se plantait là sur la pelouse comme une moquerie. C'était pire que les balles pas touchées, avec lesquelles on aurait encore la chance de redonner un swing.


Le temps passait plus vite qu'imaginé durant le jeu. On rangeait les affaires et on prenait le chemin de retour. La température a baissé un peu et on  sent une évidente fraîcheur de l'air même si l'on est déjà en été. Mais à St Andrews, il n'y a jamais trop de chaleur. Enfin, je devine. Une sorte d'apaisement m'occupait et c'était très agréable. iJe dis que c'était beaucoup plus intéressant que j'imaginais, je ne croyais pas que j'avais cette patience de jouer cela, que ce jeu était moins difficile que ce que j'imaginais. Elle dit qu'elle aimait jouer au golf, que cela lui aidait pour se soigner et remonter la morale lorqu'elle ne se sentait pas bien. Tu sais quoi, me dit-elle, c'est pour cela que le golf est un sport qui est important pour les hommes d'affaires et qui leur plaît. La maîtrise de soi, le sang-froid, le calme, la persistance, le tact, etc. Les acquis nécessaires dans les négociations ou les invertissements, qui sont beaucoup de stress, s'apprennent dans le golf.


J'aimais ce genre de disussion. Dans un trajet très peu connu pour moi, d'une zone qui évoque la prairie jusqu'à la mer, en passant par de petites ruelles qui traversent le centre-ville. Féerique.


Un autre jour, elle venait me parler de ses soucis sentimentaux. Triste, blessée et un peu déprimée. Je dis allons faire un tour au centre-ville. On partait alors dans un vent assez froid sous un temps couvert. Le ciel était sombre et nuageux, d'une lumière translucide qui rendait tout paradisiaque. Elle me racontait tout, et j'aimais sa voix, d'une nonchalance qui contenait cependant une émotivité indicible. J'appréciais aussi le rapprochement de cet être que j'avais à peine connu, celui-là me soulageait de ce qui me perçait dans le fond. Ce que l'on appelle l'affinité, ce n'est sans doute pas tellement une question de temps. Je l'écoutais et puis, dans l'intervalle d'un silence, je la regardais et lui dis, je t'envie de pouvoir parler de tout cela, en paix, dans une paix admirable. Ca fait du bien, je sais. Mais moi, je n'y arrive pas.


... Enfin, je ne me rappelle plus si je lui ai dit cela.


On a marché bien loin déjà, et puis, plus loin, on descendait vers la mer, y restait un instant.





Libellés: in Fabula, ExTasE



nb: Très beau commentaire, et bien littéraire. Merci Cochonfucius.





















3 commentaires:

Cédric en Chine a dit…

Très beau récit, le golf devient cependant un sport de plus en plus accessible et popularisé.

Très belle chute avec cochonfucius :)

Cochonfucius a dit…

Ah, je suis content que mes encouragements servent à quelque chose.

The small Bob a dit…

Près de chez moi il y a un golf mais c'est encore très cher, il faut payer une adhésion et tout le tralala.
En plus en France pour être admis sur un terrain il faut avoir prouvé un minimum d'adresse, en effet une balle mal envoyée peut être mortelle!
Aussi j'ai été surpris de constater qu'au Pays de Galles il y avait des golfs qui coutaient une livre la journée. Mais là bas, l'herbe est arrosée pour rien étant donné le climat.
Et pourtant le Pays de Galles est loin d'être en bonne santé économique, dans la région où j'étais, il y avait une maison sur trois qui était en vente (fermeture des mines de charbon)