24/09/2007

A l’indienne

La plupart des MUNDUS de cette année sont arrivés. Ô là là...Cette fois il n’y a aucun étudiant chinois, mais quatre Indiens parmi les huit nouveaux arrivés!

(i)
En Chine, j’avais l’impression que ce pays était plus ou moins ignoré, d’abord parce que les Chinois s’intéressaient plutôt aux cultures, business et politiques des pays développés, pays d’anciennes concessions ; ensuite parce que l’Inde était presque dans la même situation que la Chine (sauf qu’il a l’élection démocratique ! ). C’était pour moi un pays bien proche mais d’une image vague. Quelques intellectuels évoquaient l’Inde en parlant du bouddhisme, François le programmateur m’avait montré les photos des communautés indiennes à Paris, en disant de ce un pays une puissance importante en informatique. Quoi d’autre ? J’avais admiré et j’admire toujours les beaux tissus dans quelques boutiques-chic des voyageurs aux quelques coins à Shanghai, et les Indiennes portant leur sargasse dansant dans les films : elles peuvent être très rondes, mais en même temps très belles, le regard limpide et séduisant. Et les bouffes indiennes recommandées dans les guides de taste of life.

L’Inde est de plus en plus présente à ma vision avec le déroulement des études de Mundus. Ma première impression sur ce pays était la soupe de lentilles au persil que j’avais goûtée lors de la première soirée à l’arrivée de nous sept nouveaux Mundus, préparée par une fille américaine d’origine mixte espagnole qui avait passé un an en Allemagne et qui faisait des théâtres bizarres. « Ah, mais c’est indien ! » disait un garçon indien. Je me rappelle plus de son nom. Dans mon souvenir, il était tout le temps mou et déclinait toutes nouvelles choses.

Il était rentré dans son pays au bout de deux semaines de son arrivée, sans jamais repartir. Il disait en partant que sa famille et sa fiancée lui manquaient.La rumeur circulait plus tard, disant qu’au début c’était sa fiancée, camarade de la même classe, qui fut retenue, mais qu’elle lui avait cédé la place car il était garçon et qu’il était son futur mari. Cela aurait bien compliqué l’administration. Mais j’avais cru plutôt qu’il ne voulait pas repartir puisqu’il ne pouvait pas travailler loin d’elle, vivre sans elle.


(ii)

L’année dernière, il y avait Digvijay (la langue danse quand ça se prononce) en M2 qui passe son 3e semestre à Perpignan et son 4e semestre à Bergamo. « Digvijay, il est terrible. », me présentait M. Girard quand on se croisait pour la première fois.

Ce bon jeune Indien audacieux et drôle qui se croit charmant et qui a effectivement de la charme. Il prend une fille dans ses bras à la première rencontre, il a RDV avec ses copines partout où il arrive, à Perpi, à Barcelone, à Londre, à Bergamo, à Milano...(« Quoi, il a déjà une copine à Milan ?» «Et bien... il a dit que c’est une fille espagnole qu’il a connue quelquepart et qui arrive pour le rejoindre. »). Il fronce les sourcils de temps en temps, il dit « Non...non non. Tu as tort. », ou bien « Ecoute-moi, tu dois faire ceci, tu dois faire cela. Comme ça tu pourras... ». Je me rends aussi inquiète que lui, en lui faisant des clins d’oeil de complicité. J’éclate de rire à l’intérieur.

Vers la fin du semestre, je lui demandai où en était son mémoire de 90 pages. « Umm...il me reste un tier. » « Quoi ?! Tu veux pas ton diplôme ? » « J’ai demandé à prolonger mon travail, mon directeur est d’accord. Comme ça je peux avoir le temps pour voyager. » Il est en effet un grand voyageur.

Lors de la soirée de farewell, il avait parlé long avec un chef quelconque de l’université. Plus tard il rejoignit notre bande-de-quatre du trajet perpi-bergamo. il nous dit qu’ils parlaient de la commerce internationale, de ses études à continuer dans une école commerciale à Grenoble. « Maintenant je vais faire du business.Hi hi... » Il me tire la langue. « Delphine n’aime pas le business, hein, Delphine ? » « Calomnie! Vous nuisez à ma réputation, monsieur !! »

Cette soirée-là je n’arrêtai pas de lui parler avec un ton fort ironique. Nous tremblâmes de rire d’un moment à l’autre. Digvijay finit par me regarder avec un air confus, cette fois il était sérieux: « Mais pourquoi tu te moques de moi comme ça ce soir??» Bonne question ! Digvijay ne savait pas que si j’appréciais un homme, soit on deviendrait très proche et parlerait de bcp de choses intéressantes ou sérieuses, soit je resterais tranquille et peut-être un peu nerveuse avec lui, soit je me moquerais de lui, ou l’on se moquerait, aussi fortement que possible.


(iii)

L’un des côtés exceptionnels de ce programme, surtout au 2e ou 4e semestre, c’est que l’on peut devenir camarade pendant un semestre sans prendre forcément les mêmes cours et qu’après on se verra peut-être plus.
C’était à Bergamo que j’avais connu Mala, Mala l’Indienne avec les grands yeux limpides. Mala qui avait fait son premier semestre à Lisbonne et qui parle un anglais extrèmement vite avec une intonation cantabile.
Je ne connaissais pas très bien Mala avant que nous pourrions aller à l’appéritivo ensemble vers la fin du semestre. Je savais seulement qu’elle comparait la littérature française de la Renaissance avec celle de l’Inde de la même époque, qu’elle était bonne cusinière qui faisait plaisir de temps à autre aux deux princes indiens avec qui elle cohabitait. Le weekend où elle était restée avec Doruntina et moi, le parfum de curry se répandit à tous les coins dans notre appartement ; grâce à sa recette secrète, Dori avait vidé mon bouteille de curry dans la semaine qui suivit, avant de ramener deux boîtes de curry fort d’origine indienne de différents goûts afin de continuer son expérimentation du plat magique.
Pour le reste, je n’oublierais pas notre conversation, ni son sourire—sereine, nostalgique, avec un bout d’espoir, lors de notre dernier appéro avant son départ :
--Where are you going then, after this program?
--I don’t know… Well you see, I can live anywhere over the world. I just need a job, and a man to love.
--Really?! Oh yeah... me too!
--So…maybe see you later in Lisbon, or in India, or anywhere I arrive.
--Sure. The world’s not so big than we thought, as we all know…


(iv)

Quatre Mundus indiens. Quatre, cette fois.

Poonam, ancienne prof de l’Alliance Française. Soma, très indienne à mes yeux, portant une robe de couleur abricot à l’indienne, qui m’a enchantée d’exotisme. Ambika, je ne connais rien d’elle que ses yeux envoûtants. Et Sharad, dont le nom me paraît curieusement arabe...

Sacré Sharad. Très engagé. Ancien secrétaire du service éducatif de l’Ambassade de France en Inde, il fait la collection des diplômes de master : d’abord en philo de Derrida, ensuite en litté de Kundera, avant de faire ce qu’on appelle l’humanité, avant encore de faire les relations internationales. Il a refusé un doctorat en Inde et a suspendu un master à la Sorbonne pour venir expérimenter le Mundus en Crossways européens. Il aime la France et il critique beaucoup la France. Et il a une copine française !

Ces coeurs bienveillants ont pris pas mal de peine pour me faire comprendre qu’ils sont de telles ou telles régions du sud ou du nord de l’Inde, que ces régions sont vraiment différentes l’une de l’autre quant à la situation sociale, la religion, la culture, la mentalité ou la nourriture; qu’ils parlent ainsi de différentes langues indiennes(hindu, ???, ???, etc), pourtant non officielles, et c’est bizarrement l’anglais qui unit tout l’Inde.

Il y avait un moment où deux d’entre eux me parlaient en français et deux autres parlaient entre eux en anglais, sans compter les échanges de communication entre les quatre. Alors ça s’aggravit, vue que j’avais pas encore guéri de mon bégaiement français-anglais, comme celui de français-shanghaien. Je crus halluciner.

Aucun commentaire: