18/09/2007

Pourquoi filmer, pourquoi écrire ?

« Pourquoi filmer une histoire, quand on peut l’écrire ? Pourquoi l’écrire, quand on va la filmer ? Cette double question n’est oiseuse qu’en apparence. Elle s’est posée très précisément à moi. L’idée de ces Contes m’est venue à un âge où je ne savais pas encore si je serais cinéaste. Si j’en ai fait des films, c’est parce que je n’ai pas réussi à les écrire. Et si, d’une certaine façon, il est vrai que je les ai écrits—sous la forme même où on va les lire—c’est uniquement pour pouvoir les filmer ». (Dans l’ « Avant-propos » aux Contes moreaux, Eric Rohmer.)

C’est un petit extrait dans l’entretien que le Magazine littéraire vient de faire avec Eric Rohmer. A part ces mots, le cinéaste a cité dans le même article Alexandre Astruc, qui disait que le temps des romanciers était fini et que les gens qui avaient des idées d’histoires les écriraient désormais directement pour le cinéma. Que ce soit vrai ou faux. Souvent une fin est prononcée uniquement pour annoncer une nouvelle époque. Mais il est vrai que dans le cinéma d’aujourd’hui manifeste une approche propre à la création littéraire. Rohmer, par exemple, appelle son appareil la caméra stylo : « mon stylo, c’est la caméra ».

En revanche, dans la littérature, il y a une autre façon d’écrire : ce que Rohmer a évoqué plus tard, une « rénovation de la littérature » comme dans la Vie Tranquille de Duras (« qui a fait aussi du cinéma d’ailleurs »). Ce devrait être de faire de l’écran le papier blanc, d’écrire avec un stylo iconographique, sinon avec une voix intérieure.

Pourquoi pas donc, à notre époque, combiner le pouvoir imaginaire et la magie de la caméra, sans trop s’éloigner des moyens de représentation traditionnelle et avec toutes sortes de possibilités ? Il y a déjà le cinéma-temps, il y a une partie de la littérature qui décompose la narration ou qui réduit les adjectifs qualitatifs, se rendant neutre. Quand D. Noguez appelle Duras l’amateur qui devient catalyseur de la création cinématographique, parmi quelques autres créateurs, ce devrait bien être dans ce sens là, non pas seulement un mélange catégorique comme ciné-théâtre, ciné-peinture, mais la multiplicité et l’entrelacement des manières de raconter, montrer, monter, représenter, ce qui se fait dans un tout. C’est le sens d’une ligne tangente aux catégories classiques de la narration. Pour la littérature, on pourrait nommer une écriture dimensionnelle.

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