24/12/2008

Carte de Vœux(recyclable)

Comme j'ai toujours beaucoup aimé ce petit cadeau virtuel , offert par le bureau Mundus à l'università degli studi di Bergamo l'année dernière, que j'ai partagé avec vous, je me permets de vous l'offrir encore une fois cette année, tant qu'il est recyclable.

Joyeuses fêtes à toutes et à tous.

L’exposition tibétaine- Ji Xiang Ha Da (II)

Malgré la maladresse qu’ on a ressenti à l’entrée, la typologie à l’intérieur est bien conçue en général, on compte 11 zones autour de cinqs thèmes (Histo, Nature, Humanités, Arts, Trésors ; le numéro 5 étant sacré dans leur religion comme dans quelques d’autres). C’est ainsi que s’est faite la rencontre avec les objets de haute valeur qu’on ne voit même pas lors d’un voyage au Tibet. On fait des tours et des tours entre les murs, comme on les faisait autour d’un temple tibétain, et on découvert les objets rituels (les pierres Ma Ni gravées de sentences, l’os d’une tête de veau...ah je rigole.) et agricoles, les ustensiles religieux et quotidiens(dont un radeau en peau de yak, un luth divin avec six cordes, une planche d’environ 30cm x 7cm, gravée de très très jolies peintures colorées et qui servait de pupitre pour les petits nomades de naissance aristocratique), les costumes tibétains qui font traîner les femme visiteurs, et les masques, avec une face qui sert à effarer les démons dans les danses rituelles(souvent en blanc, couleur divine des Tibétains) ou dans l’opéra tibétain(souvent en rouge sombre, pour choquer la vue).

(Photo à gauche: le masque sur la photo est suspendu à
l'autre face de la tête au-dessus d'une robe du haut fonctionnaire
tibétain dans l'expo, ce qui m'a fait bien rigoler.)

Les rouleaux tibétains, les Tang-Ka, ou Thang-ga en tibétain, restent les oeuvres les plus impressionnantes de toute l’exposition, à mon sens. Ce sont les images de différents Bouddhas, peints selon chacune de leurs légendes. Le tout est brodé à la main(pour la plupart) ou peint sur un étoffe en cotton à la base d’une maquette, puis encadré d’étoffe, avant que les rouleaux ne soient ajoutés sur le haut et le bas. C’est l’abondance de signes et de symbols qui se perçoivent dans une telle oeuvre, on dit que sur un seul Thang-ga (70cm x 150 cm environ), il faut écrire un bon livre pour expliquer le sens qui s’y incarne : « Comprenez ! Pour les occidentaux, une peinture à l’huile, c’est simple ; il ne s’y trouve pas autant de sens que dans un Thang-ga ! Voyez, ce Bouddha, n’est-ce pas plus merveilleux que la Jaconde ? » Soit. Mais pas tant que ça, finalement. A nos jours, un Bouddha ne séduirait pas autant qu’un sourire du genre de la Jaconde, s’entend.

En revanche, j’ai pensé encore une fois à la peinture italienne, voire byzantine. C’est intéressant de voir que les religieux de l’Est comme de l’Ouest ont tous cherché un effet de divinité, ou de scintillement, pour être mondain. Les italiens du XIVe siècle ont su utiliser largement l’huile en tant que matière, ce que que leur ont initié Van Eyck (si ma mémoire est bonne), afin que les figures des dieux se reflètent dans les lueurs des bougies ou dans les lumières naturelles des église ; les Tibétains utilisent quant à eux les fils d’or pour broder les toits d’un temple, l’aura d’un Bouddha, etc. On reçoit alors les mêmes effets visuels, quand on aperçoit les statuts à distance. Sans parler que les peintres italiens de la Renaissance sont aussi connus de leur exigence sur les détails qui ne manquent pas de sens ni de signification.

Ce qui est très dommage dans la contemplation des Thang-ga, c’est que les explications sont trop rudimentaires pour qu’on puisse comprendre, même grossièrement, ce que veulent dire les différentes couleurs employées sur le statut d’un Bouddha, par exemple. De même, comme la légende du rouleau médecin est écrite en tibétain, sans titre ni résumé, je ne peux que lire graphiquement pour admirer l’illustration des principes de la médecine tibétaine autour de cinq éléments fondamentaux : comment se varient les cinq éléments dans notre vie et comment maintenir leur équilibre dans l’alimentation, dans l’exercice sexuel comme dans la prolifération.

Il est vers la fin de l’après-midi, et donc vers la clôture de l’exposition à Shanghai. Les effectifs se montrent mous, commençant à ranger peu à peu les oeuvres exposées. Pour la première fois, j’ai pu voir les gens décrocher et empiler les tableaux, les écarter les uns des autres avec un étoffe de velours. Sur le côté, plusieurs jeunes moines sont en train de décrocher soigneusement un énorme Thang-ga sous la commande d’une femme âgée tibétaine. Je suis allée demandé l’un d’entre eux : « vous allez à quelle ville prochainement pour la tournée de l’exposition ? » Lui répond : « Ting bu dong. / Comprends pas. », avec la réserve et la timidité qu’on perçoit chez bien des tibétains du peuple. Je pose alors la question à la femme âgée. « Rentrons à Lhasa./Hui Qu La Sa », l’a-t-elle dit tout brièvement. Ah bon, pas à Pékin alors, comme l’a écrit sur la presse. Une autre femme m’a expliqué plus tard qu’ils iront probablement à Su Zhou(dont la conservation des traditions est connue par tout le monde), à Shen Zhen aussi (où il y a pleins de nouveaux riches qui auraient soif de la culture), mais pas à Pékin, dit « c’est pas le moment ».

Ca me paraît assez curieux d’entendre qu’il ne convient pas de faire la tournée à Pékin. Au début, je me demandais si ce genre d’exposition ne serait pas problématique aux yeux du gouvernement, mais non, j’ai lu dès l’entrée de la salle l’introduction de l’association CAPDTC qui s’occupe de l’art et la culture du Tibet et dont le siège se trouve justement à la Capitale ; pour l’exposition, l’association a également obtenu le soutien des autorités centrales et tibétaines, et celui de la fameuse CCTV(central, même si tout le monde s’en moque)—sur ce, on m’a appris récemment que, pour le bien déroulement des ONG, dont les activitées sont assez présentes dans ma vie actuelle, vaut mieux 1- avoir le soutien officiel, au moins c’est dit comme ça selon les sous-jacents chinois ; 2- agir selon les contextes où l’on se trouve : la notion des « contextes » est bien à la mode, mainetant que nous sommes tous dans le courant de la mondialisation et que l’on change de repère culturel du jour au lendemain.

En ce cas, qu’est-ce qu’on peut envisager sur les événements culturels en Chine ? Il y aurait peut-être aussi une « 3e voie », pallèle à celle du développement économique, dans le secteur culturel : si par hasard le gouvernement dit oui et donne les subvensions pour certaines activités culturelles (dont la restauration d’une partie des oeuvres d’art tibétaines, il faut le dire), tant mieux, on serait alors sous un système semblable à celui de la politique culturelle française qui donne les soutiens à la culture (hélas beaucoup moins qu’avant en ce moment) ; pour le reste, il faudrait emprunter une méthode anglo-saxone(dite libéraliste ?) et prendre l’autonomie pour chercher le financement en convainquant les riches cultivés.

Humm...faut-il dire alors qu’on est heureux d’être Shanghaien pour accueillir les oeuvres de qualité qui sont politiquement sentibles ? Mais déjà, on m’a déconseillé de parler de la politique. Je me contente alors de regarder les gens renrouler soigneusement le gros Bouddha, et ce geste même aurait porter un sens religieux pour eux. Entre temps, une sentence m’est survenue dans la tête...La souvenez-vous ? « Fo Tsi Tsaï Sin Tchong », la prononciation française que Ben m’avait apprise : « Le Bouddha est en soi. »


Source photos: le masque tibétain, la pierre Ma Ni ;
Pte gallerie des objets exposés: Ji Xiang Ha Da

------------------------------------------

Infos pratiques:

- Site de l’ONG organisatrice CAPDTC (China Association for Preservation and Development of Tibetan Culture): (En/Chi) http://www.capdtc.org/

- Site sur la culture tibétaine : (En/Chi/Tib) http://en.tibetculture.net/

- Site de l’exposition à Shanghai : (Chi) http://www.jixianghada.org/

23/12/2008

L'exposition tibétaine- Ji Xiang Ha Da (I)

Une exposition tibétaine, Ji Xiang Ha Da/Auspicious Hada, s’est tenue récemment à Shanghai. J’en suis au courant assez tôt, mais j’ai traîné et j’ai traîné, et lorsque j’ai décidé d’y aller dimanche dernier, j’ai rendu compte que c’est la dernière journée de leur passage à Shanghai. Une durée de 7 jours seulement, du 13 au 21 décembre : on dirait une expo-éclair. Pourtant, celle-ci est dite « de la plus grande envergure/biggest ever » sur le Tibet depuis 1949, avec deux bonnes années de préparation.

Le tarif normal est de 60 yuan, c’est bien le prix européen et ça revient quand même un peu cher, car l’on n’avait pas d’habitude de payer autant pour une exposition ici. Ce serait aussi une barrière invisible quant au choix du public: les personnels administratifs, les autorités de l’art et de la culture et les principaux medias qui auraient forcément reçu les tickets offerts ; les gens internationaux, les gens cultivés, dont les jeunes employés et les étudiants. Autrement dit, les potentiels chercheurs ou touristes ou/et amateurs du Tibet et de sa culture. Autant espérer que ces bénéfices aidera à la conservation et à la transmission des patrimoines tibétains.

Si l’on veut y aller juste parce que l’on croit pouvoir découvrir ce qu’est le Tibet, ça risque d’être décevant, du point de vue voyageur pas tellement touristique ; et j’ai compris cela avant de m’y rendre, en lisant les infos et les photos sur l’Internet. Déjà à l’entrée, on tombe sur une petite installation des Feng Ma Jing Fan, enseignes qui flottent dans les vents de plateau et sur lesquelles sont écrites les textes religieux : « ong-ma-ni-ba-me-hong/rõ », les mêmes textes sont gravés sur les pierres Ma Ni que j’évoquerai plus tard. (Je vous invite à les murmurer devant le feu de la cheminée du Noêl pour s’acquérir de la quiétude et la fortuna d’origine tibétaine, en plus des cadeaux du Réveillon.) C’est l’un des paysages les plus communs dans les régions tibétaines, mais là, ces enseignes me paraissent assez forcées, tant qu’elles ont quitté leur milieu religieux ; de même que les tentes, dépeuplées et déplacées des plateaux au hall d’exposition.

Je parle de ça moins comme une critique que comme un constat de ce que j’ai resenti, je me rappelle que lors de ma visite du Louvre après mon séjour en Italie, en regardant les peintures religieuses italiennes illuminées des lumières des lampes, je déplorais la disparition du charme ambiant des tableaux qui se trouvaient jadis sur les murs des églises et qui nous inspiraient un sentiment mystique sous la lumière du jour qui pénère dans l’espace de la vénération. C’est un paradoxe inévitable d’exposer les choses liés à la vie religieuse (et nomade) dans un contexte laïque (et civilisé) ; néanmoins, un compromis n’est pas impossible, il serait peut-être mieux que l’on organise par exemple la re-présentation des (mini) foires tibétaines, comparables aux foires médiévales qui ont régulièrement lieu en Midi-Pyrénées.

Les organisateurs ont pourtant pensé au principe du spectacle, on peut voir ainsi plusieurs stands de démonstration où quelques Tibétaines travaillent sur un métier à broder, quelques moines qui montrent l’art de la construction d’un grand temple sablé (ou plutôt une sorte d’arène? Quelle magie de mot...), dit « dul-tson-kyil-khor » en tibétain. Celui-là est l’une des meiveilles que l’on peut rencontrer lors de la visite. Dans la matière qui sert à la construction d’un temple sur un plateau modelé, il n’y a pas que les sables, c’est un mélange de grains de l’or, des pierres précieuses, des pétales, du riz et des sables blanc. C’est avec ce mélange que, lors des cérémonies religieuses, les moines parviennent à construire un temple coloré et scintillant, dont la structure ordonnée, transformée du chaos, synthétise et symbolise au grand celle d’un pays et d’un territoire, au petit celle d’un corps humain. Le processus de la construction est en même temps un exercice religieux pour ces moines : « la prospérité mondaine, ce n’est qu’une poignée de sable /繁华世界不过一掬细沙. », dit ainsi le maxime bouddhique. En effet, quand un coup de vent va tout emporter, il ne restera que le néant, ou son contraire, l’éternité.

(source des deux photos: ICI)

----------------------------------------------

Infos Pratiques:

- Site de l’ONG organisatrice CAPDTC (China Association for Preservation and Development of Tibetan Culture): (En/Chi) http://www.capdtc.org/

- Site sur la culture tibétaine : (En/Chi/Tib) http://en.tibetculture.net/

- Site de l’exposition tibétaine à Shanghai : (Chi) http://www.jixianghada.org/

18/12/2008

Arpenter Shanghai-(II) La Rivière SuZhou

--A quoi espérer retourner encore sur les bords du lac? (ZHANG Xingyong/ [Ming])

Nous deux ont voulu aller voir Su Zhou He, Neige et moi. C’est parfait. Neige a toujours été attirée par le film de Lou Ye, Su Zhou He, le mélange d’une légende d’amour avec la nostalgie tranquille d’une vie désordonée, brute et bruyante, résolue ; tout sauf l’espoir, qui se perd dès le début du film : «-Si un jour je m’en vais, t’irais me chercher comme Ma Da (ie : le Moteur, nom du héros) ? -Sûrement. -Tu iras toujours me chercher ? -Oui. -Jusqu’à la mort ? -...Oui. -Tu mens. »

Moi, j’ai eu envie de revisiter le quartier artistique de Mo Gan Shan Lu, aujourd’hui portant le nom de « la Zone Artistique de M50 » ; de voir simplement ce qu’est devenu le bord de l’eau. Les bords de l’eau. Quand on s’estime un attachement particulier pour les eaux, matières largement féminines, l’on ne peut s’empêcher d’y aller faire une fugue.

C’était décidé, on irait voir le quartier proche de la Gare.

Lorsque le bus tourna à gauche au côté nord du Bund, que l’embouchure de la Rivière se présenta sous nos yeux, je montrai l’extérieur : « Regarde, c’est Su Zhou He. » « Déjà ? »

Déjà, oui. Sauf le Fleuve Huangpu, le cours d’eau que l’on aurait vu dans cette ville, c’est Su Zhou He, ou ses branches, qui portent chacunes leur propre nom, et qui pénètrent cette ville dans les zones différentes à l’ouest comme à l’est.

« Et c’est là où est tourné les scènes de Su Zhou He ; souviens-toi du gros pont en acier ? C’est le Wai Bai Du Qiao. Là. » Le Bund Free Crossing Bridge, l’ont traduit ainsi les Anglais qui l’ont construit en 1907. La drôle esthétique de cette ville part souvent de l’idée de favoriser les business, ce qui n’a guère changé depuis un siècle. Mais j’ai compris seulement maintenant que j’aurais dû inventer, lors de notre passage à l’embouchure. Wai Bai Du Qiao n’est pas « là », il est déménagé, parti en restauration jusqu’au printemps prochain, dit la presse. Je deverais avoir vu ce pont dans une l’autre fois, où je faisais le trajet entre Shanghai Building et la vieille ville avec l’homme que j’avais aimé.

La bulle d’illusion me quittait un moment lorsque le bus nous laissa au terminus près de la Gare. J’y ai jamais été. Enfin, je n’ai jamais accédé au Su Zhou He depuis cet endroit-là. Alors on demandait le chemin. « Là ! », l’homme mou pointa vaguement son index vers l’autre côté de la rue. Autant s’impoviser. Après quelques détours, nous voilà devant la barrière d’un quartier résidentiel. « Interdit d’accès aux inconnus. » Se lit sur un panneau. Ah bon ? Mais quel chemin à prendre ? Demandons.

Le garde nous indiqua gentillement le chemin, nous céda l’accès. A peu de pas près, nous découverîmes la rivière qui coulait tranquillement à notre gauche. L’Allégresse nous occupait. J’ai compris qu’auparavant, j’avais toujours accédé à la rue de Mo Gan Shan depuis l’autre rive, où il y a les barrages ; et que pour cette raison, je n’avais jamais pu voir de face ces usines désertes qui demeurent.

Et il n’y a pas que les usines qui demeurent. Certainement pas. Dès la première vue, il est impossible de ne pas remarquer cette jolie maison en brique, qui se tient toute seule dans un espace assez large. Comme on dit, tout est rasé sauf celle-ci, devenue monument historique et ainsi échappée au sort de disparaître. Est écrit là-haut : « Island ». Demeure des insulaires, irais-je interpréter ainsi. Joli nom.

Un homme était venu vers nous, nous aidait à prendre la photo, nous ouvrait la parole pour raconter les histoires en mandarin avec accent. Island s’est transformé en gallerie d’art. C’est ça. « Et les usines ? » « Les usines, ah...ces deux-là en rouge, voyez, ça date de loin...on dirait dans les 1920s. Elles sont jolies, non ? ...Et celle en blanc, c’est plus récent. Derrière, le bleu, c’est encore plus récent...Il y a des années, toutes les usines sont déménagées en banlieu. La pollution, vous savez. »

Il dit que bien des ouvriers eurent dû subir du chômage, Xia Gang, mais qu’aujourd’hui, arrivés tous à l’âge de retraite, ils vivaient correctement grâce à la sécurité sociale actuelle.

--Et vous, Monsieur, que faisiez-vous ? Ouvrier?
--Oui, ouvrier. Ah...j'habite ici depuis long.
--Et, là, vous vous promenez ?
--Promener, hélas, oui... Attends la mort ! Il se moquait en souriant.

Tout le monde attend la mort, Monsieur. Le faire dans les promenades aux bords de l’eau, c’est du bonheur. Mon père est comme vous, Monsieur. Ouvrier. Vous êtes bons hommes, vous, les anciens ouvriers shanghaiens ; vous qui avez éliminé de votre dictionnaire tous les termes concernant le bonheur, vous ne vous anéantissez pas, pour autant.

--Avant, n’est-ce pas, c’étaient tous les bidonvilles ! Tout au long du barrage !

Monsieur, Monsieur, je m’en souviens. Les rives étaient bien sales, s'y réunissaient les miséreux. Les bateaux pauvres s’alignaient au bord, ou se déplaçaient doucement sur l’eau qui sentaient légèrement. J’étais toute petite, la rivière me dégoûtait parfois, mais en même temps, à chaque fois que je m’y trouvais, je m’en réjouissais. Je pédalais loin à l’époque, à deux, avec ma mère ou mon père, ou à trois, avec ma mère et mon père. Trois vélos, ensemble. Je ne connaissais point le chemin, suivais simplement les grands, le long du barrage. Je savais pourtant que vers l’ouest, c’était pour voir la mère de mon père ; et vers le nord-est, ô là là, c’était loin, c’était une heure de route, pour voir la mère de ma mère. J’adorais passer les ponts. Ce n’étaient pas les grands ponts, en passant par lesquels l’on était forcé de ramer pour y monter et, pour descendre, on s’envolait en lâchant le frein.

C’étaient les ponts en arc, médiocre, pour ainsi dire. Pour traverser la rivière, on descendit le vélo, fit la queue, poussa le vélo en avant sur une pente étroite à la bordure des escaliers. C’était le jeu d’équilibre dans lequel je me hâtais de prouver que j’étais grande fille. Et j’aimais rester un moment au plein milieu du pont, regarder la rivière d’une couleur terne et au dessus de laquelle flottaient les ordures. Regarder passer les bateaux, les gens qui venaient et qui s’en allaient. Et puis, c’était le délice pur de pédaler le long des barrages, élevés ou bas, de se déplacer avec les bateaux, regarder les rives qui se varie d’un quartier à l’autre, tout en se discutant à haute voix.

Les barrages sont transformés aujourd’hui en passage de promenade joli et propre. Monsieur l'ancien ouvrier continuait à nous parler de la Rivière en mandarin avec son accent shanghaien, disant que les quais étaient en train de se construire et qu’il y aurait bientôt les bateaux. "Imaginez, on pourra visiter Su Zhou He en bateau !" rit-il.

Ah, le ferry, oui. Ferry de rêve, ferry de cauchemar et de fantasme que j’avais connu lors de ma dernière fugue britannique... Ca alors, on aura bientôt le ferry à Shanghai, comme les mouches à Paris ou à Londres ou comme le vaporetto vénitien. L’idée est chouette, quand on y pense. Il faudrait juste que la pollution se réduisse et que les sites développés soient suffisamment attirants. On se déplacera sur Su Zhou He en ferry, non pas pour visiter les sites touristiques mais pour retracer le trajet du vélo d’autre fois. Bien futuriste, et humoristique.








(Photo à gauche/moi) (Photo à droite/Neige)

16/12/2008

Arpenter Shanghai-(I)le Jardin YuYuan

Voici une journée pleine, la dernière journée de mes moins-de-25-ans. Avec Neige, j’ai arpenté Shanghai, sous le soleil pâle qui réchauffe par temps froid.

A vrai dire, je ne peux guère prétendre guide. A chaque fois que je fais visiter Shanghai, ce sont les amis arrivant à Shanghai qui me font redécouvrir cette ville, visiter les endroits où je n’ai jamais mis mes pieds, revisiter mes lieux préférés où j’aime me promener seule et à mon rythme, essayer les trajets aléatoires que je n’ai pas pris auparavant.

Traverser le pont en comptant les neufs zigzags. C’est la première fois que j’entre dans le jardin Yuyuan, avec le souvenir que j’ai. A l’accès du jardin, je me rends compte d’un sentiment agréablement étrange. Ce jardin même, déjà, me paraît étrange : un Shanghaien des 1700s l’a construit pour plaîre à son père, avant que la famille n’ait connu le déclin. La piété filiale, le (Xiao), est devenu la cause directe de la construction de cet unique jardin classique de la ville même, dans un quartier qui n’est classique qu’en apparence. Le jardin entier semble être quelquechose de transplanté, et pourtant il fait son Histoire.

J’ai toujours eu de la peine pour décrypter le sens des caractères calligraphiques, les signes symboliques de telles ou telles pierres ou de tels ou tels seuils. On suit librement les pistes qui nous mènent vers les différentes cours, vers les salles, les pavillons, les rocailles, l’étang, vers les couloirs à demi ouverts. Détour après détour, j’y perds le repère et du temps et de l’espace, et je ne peux rien faire avec les idées flottantes que de me laisser emmener ailleurs que là où je suis.

Les façades de Bergame me sont revenues à l’esprit. Les statues religieuses y sont souvent plus somptueuses que les gravures du Yuyuan, mais les deux sont réalisées avec autant de minutie et de raffinement. Les concepteurs du Pavillon France n’ont donc pas tort de rappeler que l’Europe et la Chine partagent la culture jardinière, l’conographique et l’idéographique devraient avoir plus ou moins les language en commun. Je reprends mon habitude et me contente de faire les travellings ralentis de la vue : les miniatures en haut des toits, les figures gravées sur les portes en bois, les courbes aériennes, les pics et les grottes.

A un autre moment, on cherche « la scène d’opéra ancienne» comme ce qu’est indiqué sur le panneau, tandis que l’on ne voit que les salles. Neige dit qu’hé alors, les anciens jouent l’opéra dans les salles ? Je dis que ce devrait être vers le fond de la cour, que ce serait les planches avec quatre pieds en bois.

Nous y sommes. Les planches, trop sobres pour être intégrées au climat du jardin, se sont retirées à la moitié sombre de la cour. Dès que je les ai vu, je me trouve de nouveau hantée par la mémoire. M’est survenue l’illusion d’une figure mince et petite, assise sur les planches et qui dessine.

C’étaient dans le bourg ancien de Fenghuang. Il pleuvait, il n’y avait personne dans la ruelle dallée. Je tombai sur une maison mémoriale dédiée à un ancien personnel, où j’avais connu pour la première fois les planches anciennes. C’était le vide qui s’imposait mais qui impliquait une beauté exceptionnelle. Personnes d’autres qu’un garçon, assis sur les planches, qui était en train de dessiner. Il me dit qu’il se préparait pour le concours d’entrée à une école de beaux arts l’année suivante. Je dis qu’alors on était au même âge. Je montai sur les planches pour le regarder dessiner. Lui me racontait des histoires de la maison et du bourg, de sa vie qui se résumait en quelques mots, de son rêve de devenir peintre. Sa voix était d’une douceur apaisante, comme venue de loin, mêlée du silence et des bruits de la pluie.

En me rappelant de cette scène, à l’autre moitié ensoleillée de la cour, je m’appuie contre le mur au-dessus duquel est construite la chambre dans laquelle les maîtres d’alors regardaient jouer l’opéra. Je repose longuement mes regards sur les planches anciennes où le temps s’immobilise : que je me fonde dans l’atmosphère de ce lieu intemporel, m’évapore sous les lumières d’hiver qui réchauffent. Je ne peux résister au charme de telles lumières, ni à celui de la paix qui a marqué la voix du garçon de Fenghuang et qui règne dans le jardin Yuyuan lors de notre visite.












Gauche:
C'est une photo mal faite mais qui me plaît beaucoup.
Les statues en miniature sur le toit sont devenues, sous l'effet contre-jour, les ombres en peau qui réalisent en quelques sortes une scène de théâtre: une percée d'inanité, dans laquelle le temps, comme le mouvement, se cristalise. (photo/Neige)

Droite:
Détail d'un oiseau sur la fenêtre en bois (Source: Wiki-Gallerie)

07/12/2008

Chasse de l’ennemie imaginaire, ou l’art de la soufflerie

(En écrivant ce billet, je fais référence à l'article publié sur Lemonde.fr: "Pour la Chine, la France est le maillon faible de l'Europe.")

Je ne comprends pas pourquoi les deux Continents ne se comprennent toujours pas sur un même problème, celui du Tibet; pourquoi les dialogues de sourds entre les spécialistes géo-politiques français et les chercheurs historiques chinois se poursuivent et les querelles restent les mêmes.

Je suis déçue par Lemonde.fr qui fait publier un soi-disant entretien marqué par l’absurdité et qui me semble, en un mot, aberrant.

Cet article provoque véritablement, et les Français et les Chinois. Pour ceux qui font le socio-linguistique (nouvelle issue pour les étudiants en langues étrangères !), ce serait aussi un très bon exercice d’analyse : non moins intéressante que celle du discours de Sarko dans l’élection présidentielle.

Q1 : Pourquoi la France est « le maillon faible » ?

Argument 1 : selon Monsieur le spécialiste de la Chine :le forum CHI-EU a été annulé officiellement à cause de la rencontre prévue entre Sarko et Dalai Lama.

Argument2 : Gordon Brown et Angela Merkel ont tous les deux reçu Dalai et ne se sont pas rendus au JO de Pékin (mais ces deux chefs ont-ils lié leur absence à la rencontre avec Dalai?), mais la Chine ne vise qu’à la France lorsque Sarko annonce sa rencontre avec Dalai après je ne sais combien de fois de changement d’avis.

Conclusion : « ils(les Chinois) ont trouvé où le coin allait rentrer. » : la France leur ont été le maillon faible. Et comme les Chinois ont l’habitude de taper le faible et caresser le fort(ce spécialiste aurait étudié les anciennes tactiques chinoise (réf Sun Zi Bing Fa), DONC, "la France=le maillon faible" lui devient la vérité.

Q2 : la Chine a toujours tapé sur le même (la France) ?

« Historiquement », souligne-il. Oh lala, quelles perspectives précieuses. Il critique alors les diplomates français qui ont une vision «totalement déconnectée de la réalité ». Qui ça, ces diplomates déconnectés ? Paul Claudel ? Victor Segalen, ou encore Henri Michaux ? Autant critiquer la littérature moderne de la France. Mais alors, ceux qui s’approchent d’une civilisation inconnue, qui découvrent et transmettent la culture sur le terrain, qui expliquent et tâchent à communiquer, à faire comprendre, ils sont « totalement déconnectés de la réalité ?? »J’irais dire que, cher Monsieur le spécialiste de la Chine, détrompez-vous, vous n’auriez jamais connu la Chine si vous n’aviez pas connu ce qu'ont connu ces dimplomates sur la Chine.

Q3 : « le concours d’excuses »veut dire donc la soumission à Pékin ?

Monsieur le spécialiste de la Chine, vous nous faites rire. Devons-nous considérer cela comme une sub-flatterie ? Méprisons les diplomates français alors, comme vous le voulez, prenons leur collègues anglais. Vous savez, ceux qui ont offert le cadeux en premier à l’Emprereur d’alors, ce sont ceux qui ont guidé les canons pour ouvrir la porte de la Chine par le feu, dont vous devriez être familier. Mais vos propos me paraît étrangement ressemblables aux propos des Chinois qui disent il n’y a pas longtemps « n’oublions pas notre honte dans la Guerre de l’Opium ! Il ne faut pas se soumettre aux forces occidentales ! la Chine d’aujourd’hui n’est pas comme celle d’hier ! Soyons forts ! » Le sous-entendu, Monsieur, c’est que vous, comme ces Chinois, aimez prendre la honte pour la cause. N’est-ce pas triste ?

Q4 : « Ils n’ont pas eu à l’interpréter ! » ?

Vous êtes trop efficace, Monsieur le spécialiste de la Chine. Vous devriez savoir très bien que ce sont les jeux de média qui sont en question : ignorer ce qu’il faut ignorer, et provoquer ce qu’il y a à gagner. Vous, comme Lemonde.fr qui vous donne la parole, auriez trop interprété la fermeté récente de la Chine, et inversement, les media chinois, dont Huan Qiu Shi Bao, traduit votre provocation et, à leur tour, interprète comme l'hostilité française certains commentaires (les plus irritants bien sûr, décorés des titres qui attirent le plus de cliques des internautes indignés) du forum sur le Lemonde.fr , quotidien français réputé et qui sert souvent de 1ière référence des sources journalistiques pour les presse chinoise.

Q5 : Qui êtes-vous, Monsieur le spécialiste de la Chine ?

Vous êtes bon spécialiste de la Chine, Monsieur. Vous vous souvenez tout le temps de « l’embargo sur les armes initié par la France en 1989 » et san doute des aéro-business râtés (n’est-ce pas la source originaire de votre attitude...) à la place des Chinois. J’ai été curieuse de votre parcours et de votre identité, j’ai eu un peu de la peine de cueillir votre nom parmi vos propos recueillis : Jean-Vincent Brisset ; mais sans peine, j’ai trouvé Wikipedia qui vous présente : Oh lala...vous avez fait Ecole de l’Air, puis Langues’O, puis Ecole de Guerre ! Vous avez été ingénieur, pilote de chasse, et vous avez connu Pékin en tant qu’attaché militaire !

C’est pour cela que vous êtes imprégné des stratégies militaires de nos ancêtres ? C’est pour cela que vous dites que la Chine voudrait « piétiner » les pays membres de l’UE l’un après l’autre sauf l’UK (pourquoi pas donc, si celle-là veut vraiment piétiner?) Vous êtes trop sceptique pour croire à la stratégie renouvelée de gagnant-gagnant de la Chine. A part ça, selon ma pauvre connaissance de l’Europe et selon mon intuition qui est moins pauvre, je crois que vous avez confondu un peu la notion de l’Allié (ce serait bien de votre domaine) et celle de l’Union. Que l’aide mutuelle et la solidarité au sein de l’UE font quand même la différence. Que la France ne « se retranche PAS derrière l’Europe » parce qu’il lui faut éviter l’écart et la crise diplomatique : comprenons qu’elle est actuellement en tête ; mais que la France s’intègre vraiment(qui a dit NON ?) et contribue à une collectivité plus large qu’elle. La solidité de l’Europe n’est pas à tester par la Chine mais par l’UE elle-même tout au long de sa construction.

Enfin, vous alliez me demander mon avis sur cet incident politique. J’épargne un peu mon espace, je propose simplement l’article de presse de l’Ambassade de France en Chine (plus ou moins ignoré par la presse chinoise) , avec lequel je suis d’accord. Et je dis simplement ceci:

Chine, méfie-toi de toi-même.

France, -brouillez-vous !

Je me ferais moquer par les gens des deux pays en disant cela. Mais ça a peu d'importance.

Bon dimanche .

01/12/2008

Rubik's Cube

Je n'ai découvert ce jeu de Rubik's Cube que tardivement lors de mon séjour à Paris. La Cube est en même temps une oeuvre d'art, installée sur la place à côté de l'Hôtel de Ville: quatre cubes, empilés, font un ensemble; sur les différentes faces sont écrites les phrases en français, en chinois, en arabe(je crois), et peut-être en anglais, je ne m'en souviens pas.

Faut tourner les cubes en bois pour trouver le texte dans la langue du joueur:

一切的类似,

Tous égaux,

一切的不同,

tous différents,

都融合一处,

tous unis,

为了一个宽容的世界

pour un monde de tolérance.


Sur le panneau est écrit:

Totem de la tolérance

--réalisé par le Conseil des enfants du 4e , juin 2007


A vrai dire, je ne suis d'accord qu'avec la dernière phrase, c'est d'ailleurs cette dernière qui a arrêté mon pas. Mais n'empêche que ça reste une bonne idée ou un jeu intéressant. Un jeu, n'est-ce pas. Ce sont sans doute les enfants qui ont plus de droit de rêver et de s'idéaliser pour créer leur propre merveille.




Sais pas

Sais pas que le métro de Shanghai a quatorze lignes.

Sais pas que le métro de Shanghai termine à 22H45.

Sais pas où me diriger devant les travaux collectifs à Pudong.

Sais pas respirer dans les poussières.


Sais pas refaire la chambre à moi

Sais pas ranger ma bibliothèque en tas

Sais pas sceller les journaux intimes

Sais pas dérouler le certificat.


Sais essuyer les poussières.

Sais contempler la vieillesse et le délire.

Sais me demander, que faire à l’a-venir ?

Jamais trop tard.

24/11/2008

Shanghai je te trouve pas

Shanghai a beaucoup changé. Moi aussi. Tant que je me sens mal à l’aise durant les premiers jours de mon retour à cette ville immense. Immense et grise, puis-je dire ainsi.

Depuis le décollage de l’avion à Milano où j’étais en transit(quel bonheur de rejoindre encore une fois l’Italie et l’italien...), j’ai cru en train de faire un voyage hypertemporel, durant lequel je me réveillais peu à peu d’un long rêve sur l’Europe et où demeure la personne d’une identité complexe qui s’appelle Delphine et qui aurait toujours été aérienne. Sans gravité.

Je suis sortie de l’Aéroport de Pudong alors que c’était le bon matin. Sans doute est-ce pour cela que je n’ai pas senti l’odeur de l’air de Shanghai. Mais depuis, mon nez souffre de sternutation car le coryza allergique ne tarde pas à me rejoindre au bout de deux ans de séparation, et mes yeux qui grattent me signalent que l’air se serait sinisé. Faudra que l’on s’y accommode.

Shanghai est devenue un grand chantier. Les gratte-ciel poussent comme les herbes folles. Les gens commencent à prendre le passage piéton et attendre le feu vert pour traverser la rue, mais j’ai risqué la vie pour me rappeler que les voitures ici ne laissent pas passer en premier les piétons et qu’il faut regarder, à gauche puis à droite, en traversant. Les klaxons, moins terribles que j’avais imaginés, me semblent une toute nouvelle chose, tellement que j’ai le sentiment d’être dans le cinéma(ce ensorceleur...) de Jia Zhangke, celui-ci étant d’une réalité réaliste. En me déplaçant, j’ai dit pardon dans l’air et j’allais dire bon soir au chauffeur à l’abord du bus. J’ai fini par échanger un sourire passager. Ce drôle de sentiment et de réflexe.

Je marche dans la foule et, à ma surprise, je n’entends pas beaucoup de dialect shanghaien. Les nouveaux shanghaiens ont l’air réjouis de leur vie ici, manifestant la joie en cachant les ennuies. Mais pour où sont-ils partis, ceux qui y sont grandis et qui y ont leurs histoires ? L’amie du lycée qui est à Shanghai de passage me dit : tu sais, l’un de nos camarades d’alors est parti vivre dans la campagne à l’Ouest-Chine, il a son jardin maintenant et il cultive ses légumes. N’y retourne. On dit, bien des vieux shanghaiens se reculent de plus en plus dans le li-long et vivent désormais dans leur monde à l’écart et dans leur souvenir. Eux non plus ne supportent pas ce fantasme de modernité ?

C’était un soir. Dans la petite rue qui prolonge Shan Xi Nan Lu, j’ai croisé un vieux qui se promenait seul. C’était un visage impassible avec un regard tranquille, qui reflète l’apaisement de son intérieur. En l’approchant j’entendis chanter le grillon dans sa proche. En l’éloignant je le suivis des yeux, je me dis que Shanghai s’est éloignée comme cette silhouette, plus ou moins assombrie, ne trouvant plus son endroit dans le chouchoutage du monde du business international.

On m'appelle Delphine ou Zhihong ou Zhihong Dong ou Dong Zhihong ou Xiao Dong ou simplement Dong. Je suis shanghaienne d’apparence et étrangère par nature. Paradoxale.

Et Shanghai de même.

17/11/2008

Faut-il avoir peur du futur?

Tel est écrit sur le marque-page/flyer de l’exposition du futurisme du Centre Pompidou.

Telle une bonne question.

Moi, je repars demain pour la Chine. Un choix plutôt judicieux, vu mon statut délicat. Arrivant de l’Ecosse et sans titre de séjour, l’étudiante-chercheuse Mundus est devenue, sous l’effet magique d’un certificat des diplômes aussi joli qu’une feuille d’oracle à l’âge classique, la demandeuse d’emploi garantie d’un Visa qui s’expire le 20 nov 2008.

Je ne me déplore pas, ce dernier séjour en France n’a pas du tout été prévu depuis mon départ pour UK, et c’est grâce à la gentillesse de la dame de l’Ambassade de France en Ecosse que j’ai pu rester aussi longtemps. Pour autant, cette durée ne me suffit pas pour trouver un travail que je veux, il faudrait un temps plus long pour se préparer et pour trouver un boulot intéressant.

Quand il s’agit de l’amitié et des rencontres, en revanche, le temps ne s’impose pas nécessairement. On peut se faire des amis avec les coups de foudre, les événements et les topic intéressants, les quelques espoirs pour la Chine, pour les sociétés, pour les lettres et les arts, pour les échanges culturels.

Paris m’a aimé, voire m’a gâté. Les expositions superbes que j’aimerais vous en parler, les projections, les dialogues avec les gens de la politique, de la société, du cinéma et de l’éducation, les activités associatives auxquelles j’ai pu contribuer : les Français qui donnent des aides sociales aux femmes dans les régions défavorisées de la Chine, les jeunes chinois qui s’engagent en faveur des échanges et des compréhensions internationaux. Que de bons coeurs. Tout cela me donne des idées sur les activités du domaine, sur ce que je pourrais faire, comme métier ou non. Une sorte de conception.

J’ai aimé Paris aussi. Je l’ai aimée non pas comme ville touristique, mais comme un lieu où se croisent les gens et les voix, les idées. Son charme.

Je repars en emmenant de petits boulots, des projets à venir, des amitiés à distance, des promesses : dites ou non-dites, aux autres comme à moi-même. Continue, l’écriture.

On dit : ne choque pas trop tes compatriotes. Je dis hélas...au pire, on se choque.

On dit : triste de partir ? Je dis je suis prête.

06/11/2008

La Chair de l’Orchidée, ou un vain pessimisme

De différentes séries de projection et de conférence à la Cinémathèque m’enchante. C’est l’un des lieux paradiasiques parisiens que j’aimerais y habiter. Quelles conditions idéales pour faire les recherches sur le cinéma et pour satisfaire les cinéphiles gourmands. Il est dommage que je ne peux écrire tout ce qui m’a marqué ces derniers jours.

Je parle brièvement de ce film qui m’a boulversée principalement à cause de son pessimisme, un pessimisme autrement que celui des films américains du genre « on the road » de D. Hopper à qui la cinémathèque rend hommage.


Ce film est au fait projeté comme oeuvre de rétrospective de Pierre Lehomme, directeur de la photographie du film. Le cadrage, les lumières et la coloration bleutée du film est en effet parfaites pour relever l’ambiance affolante et désespérante. Mais hormis cela, le scénario qui s’inspire librement d’un roman britanique me paraît aussi bien travaillé, d’autant que la suspense que joue le résumé dans la brochure de la cinémathèque aumente la surprise lors de la projection : ce dernier dit simplement qu’une fille a été enfermée parce qu’elle est prise pour être folle, mais elle a pu s’échapper, et pourtant...

Selon le roman, Carol est celle qui aurait dû hériter une grande fortune de son père, tueur professionnel et de son surnom Orchidée connu de toute la ville. Mais la tante de la jeune fille l’a enfermée en annonçant sa folie, et a hérité à sa place cette fortune. Carol a pu s’échapper, rencontrer un homme qui l’aurait sauvée, regagner les biens de son père. De l’autre côté, Claire elle-même est par moment cruelle et meurtrière , à cause de sa maladie de la schizophrénie. D’ailleurs, le fait même qu’elle a pu voir le monde est, dramatiquement, dû au crime de son père qui à l’époque a enlevé et violé sa mère : qui est morte, mais a laissé un bébé qui deviendra une femme fatale qui en même temps est victime des chasses des autres.

Dans le film, Claire est une fille idéalisée : mère et fille deviennent UNE. Elle est principalement victime d’un complot familial de 20 ans: enfermée et violée, privée de son héritage des biens. Elle poignarde les yeux de celui qui la viole et s’échappe. La cruauté est pour elle la défense et l’obssession à l’extrême. Puis la rencontre fatale de l’homme auquel elle s’éprend (parce que lui ne désire pas son corps, la respecte et soigne sa blessure) mais qui a provoqué des ennuis parce qu’il a été témoin d’un meurtre commis par deux hommes qui appartiennent à un autre groupe criminel. Donc d’un côté les deux hommes cherchent à tuer l’homme, de l’autre la tante de Claire cherche à l’enfermer de nouveau afin que le secret se garde pour toujours.

En vain. Tout s’emmêle, souvent à cause de l’amour, ou qui sait, le désir à aveugler les yeux. Claire qui est dite folle regagne finalement sa noblesse. Les suivants opportunistes ont su tourner la girhouette à l’heure pour aider Claire à échapper la chasse de sa tante et le meurtre des deux assassins. A un certain moment, dans la grande villa luxieuse mais sombre, tout le monde est sous l’horreur de la mort qui aurait lieu à tout moment par les deux tueurs professionnels. La sueur sur chaque visage masculin, seul le visage de Claire reste ferme et frais.

L’homme sait que tout le monde devra mourir, ce qui est la règle de jeu. Mais pas elle, elle qui ira hériter ce qui lui appartient. Lui a dit : « préparez-vous à être seule. », avant d’aller ouvrir la porte de la chambre pour les deux assasins qui se prètent à lui donner un coup de couteau mortel.

Fin : elle est à l’hôpital. Une femme qui l’a libéré au moment crutial est venue la voir lorsque celle-là dort, l’un des deux assasins, qui survit et qui cherche encore à tuer Claire, a reconnu cette femme qui n’est plus jeune et qui était son partenaire et ancien amour dans sa période de vie du cirque. Pour une fois il a jeté le couteau, non pas pour le spectacle mais pour son amour, avant que lui-même ne s’épuise et tombe à jamais par terre.

Reste que Claire, ce visage devenu impassible vers la fin, dit vers le téléphone qui penche autour de son cou : oui, j’ai passé une très bonne nuit...oui, je l’ai déjà oublié.....Je vais me battre...Je vais commencer à travailler tout de suite...

Elle prend en même temps un gros catalogue dans la main, feuilletant pêle mêle. Elle ne cherche rien sans doute ; elle ne trouve rien non plus. Qu’est-ce que c’est ce travail donc ? Une vie sans solution commence au moment de la fin du film conclu en noir, laissant soupir le spectateur qui attendait en vain un retrouvaille final, pourtant réalisable suite à la poursuite des deux côtés rivaux, sorte de poison-contre-poison.

La seule pureté est la nudité du corps de Charlotte Rampling, alors femme parfaite et qui, aujourd’hui n’étant plus jeune, a toujours du charme, comme l’on peut constater dans Sous le Sable de François Ozon : dans ce dernier, curieusement, Rampling reste aussi profondément seule et attend en vain le retour de son mari à jamais disparu à la plage.

La féminité doit-elle être aussi forte que cela, pour que tous font le sacrifice, au sens religieux du terme, et qu’elle seule continue à vivre...mais quoi ?

28/10/2008

Pour un humanisme engagé—Rencontres avec Ai Xiaoming et Hu Jie(ii)

Les témoignages : Tai Shi Cun

Tai Shi Cun me semble moins un documentaire qu’un reportage journalistique. Ce qui impressionne, c’est que, depuis le début, une forte conscience du droit se constate chez les villageois qui veulent démissionner leur chef par les moyens judiciaires. Ils s’agitent en revendiquant leur droit de propriété de la terre, eux qui n’en peuvent rien face à la corruption administrative. J’en suis bien émue. J’avoue que moi, je connais peu de choses sur les feuilles qui indiquent les procédures administratifs pour cela. Après les pétitions, les occupations silentieuses dans le bureau du comptable des femmes et des vieux (par crainte que l’autorité ne manipule sur les comptes administratifs qui serviront de preuve, disent-ils) qui seraient mis en garde de vue et maltraités par les polices locaux, un suffrage direct a finalement eu lieu. « un cas typique du progrès de la démocratisation de la Chine », a ainsi commenté un journaliste d’une radio centrale avec un mandarin standard, dans son report-direct sur l’ambiance plutôt enjouée de l’occasion même du suffrage.

7 villageois ordinaires ont été élus, parmis eux, aucun des candidats recommandés par le gouvernement local. Triomphe de la démocratie directe, allait-on dire. Or les choses se transforment aussitôt en drame, lorsque les 7 élus ont disparus le lendemain de l’affichage du résultat du vote : ils auraient bien sûr subi les poings des puissants locaux, avant de jurer qu’ils renonceraient à leur nouveau statut administratif. Ni le journaliste qui parle un mandarin standard ni les médias locaux ne seront plus présents, un journaliste qui fait le reportage depuis le début est emmené sous les yeux des villageois, un avocat jeté dans la prison, devenu le bouc-missaire de tout l’événement. Sur scène, il ne reste qu’une caméra organe qui aurait tourner en gros plan les visages des militants et qui ferait des trucages d’un « émeute organisée par une minorité de rebelles à Tai Shi Cun contre l’intérêt de la majorité populaire » : sans prétention, en écoutant les premiers mots de cette définition, on saurait réciter l’information complète annoncée par le journal autoritaire du local.

Heureusement il y a une autre caméra hors-champ qui continue à tourner les images qui elles-mêmes commencent à s’agiter, alors que l’agitation des villageois se transforment en angoisse et en peur à force des jeux arrêt-délivrance du pouvoir local. Le silence règne. Les témoins renoncent à offrir les preuves aux deux avocats-conseil bénévoles. Un progrès sans suite.

La caméra accompagne depuis le début les deux avocats. Ce sont deux héros qui n’ont pas du tout l’air héros. Quel sang-froid devant la pression implicite et le danger qu’on peut imaginer. Surtout cette femme avocate qui devrait avoir une quarantaine, elle parle d’un ton soulageant et tout calme vis-à-vis des villageois angoissés et qui perdent leur sens. Personnellement, cette image fémine et protectrice me rappelle tout d’un coup la scène où ma mère parlait avec ses plaignants qui étaient aussi angoissés lorsque j’étais petite ; à elle qui m’a quittée il y a bientôt dix ans, j’aurais tant aimé demander sur ce dont elle pense de l’administration en général et de celle qu’elle avait connue. Comment justement garder constamment le sang-froid face aux réalités dramatiques ?

Le sang-froid ne se garde peut-être pas pour toujours, quand on vit vraiment dans une société. Vers la fin, les villageois s’interdisent de parler avec les deux avocats, à cause de l’entourage d’une dixaine d’inconnus. N’ayant pas pu entrer dans le village, les deux avocats qui se prètent à quitter ont été harcelés par quelques hommes qui les chassent en moto. L’angoisse intérieure s’aperçoit à travers les pas accélérés des deux avocats, qui ont su pourtant se maîtriser dans une telle situation. Appels aux secours inutiles, auxquels s’ajoute l’humour noir d’une voiture de police qui se casse lorsque les deux avocats s’en approchent : bonne fable du chat qui a peur des rats.

Menace de mort : les hommes arrêtent le taxi qu’ont finalement trouvé les deux avocats (et Ai Xiaoming) en brisant les vitrines. Ecran noir qui termine ce tournage, reste le remous qui bouleverse plus ou moins les spectateurs.


Les Testaments enregistrés: The Epic of Central Plains, Care and Love

Les deux films montrent et laissent raconter les patients VIH positifs ou atteints du SIDA, non à cause des relations sexuelles ni de l’injection des drogues, mais à cause de la transfusion sanguine dans les hôpitaux, cette troisième cause étant négliée délibérément dans la vulgarisation des connaissances sur SIDA de la région. Ces gens ont été isolés dans un village appelé désormais le village du SIDA, au Hebei, subissant la méfiance des « normaux », la perte des ressources de vie et la mort qui s’annonce au jour le jour.

A la différence de la présence de la violence dans Tai Shi Cun, ces deux films s’interrogent davantage sur la morale administrative et sur les problèmes sanitaires qui enlèvent le moindre sentiment de la sécurité des gens qui y vivent. Simple histoire de bonne face à garder et les scandales en chaîne à dissimuler par l’administration locale, ce qui conduit pourtant à un plus grand nombre des malades affectés, parmi lesquels les paysans pauvres qui ont dû survivre avec la vente du sang, devenue « donation récompensée du sang » sous le jeu socio-linguistique.

Dans le premier film, les victimes n’ont pas trouvé des moyens pour faire part du crime moral des hopitaux en question ou pour mettre en cause des politiques de l'Etat qui refuse l'aide internationale des ONG qui puissent fournir des médicaments plus efficaces contre la maladie ; les actes bénévoles qui font les enquêtes auprès des familles-victimes ont été empêchés et les pourvois rejetés. Dans le second, une certaine récompense ont été versée aux certaines familles victimes, sous l’effort des avocats et des membres familials des victimes qui parviennt à monter à Pékin pour le procès, malgré les entourages malveillants : apparemment, il s’agit d’un cas de contamination dans « l’hopital le plus connu(non nommé) » de la capitale.

Ce qui m’intéresse le plus à travers ces films, c’est quand même ce qui s’ensuite de ces dénonciations, qui ne choquent plus beaucoup de monde, tout comme l’affaire des producteurs laitiers de SanLu : y a-t-il eu l’amélioration de la qualité des produits sanitaires dans les hopitaux? Et l'amélioration de l’inspection sanitaire ?

La réponse de Ai Xiaoming à cette question est « plutôt oui ».

Une autre question qui se pose parmi les spectateurs : est-ce que ces oeuvres ont pu être projetées publiquement en Chine ?

Oui. Mais s’entend : publiquement ne veut pas dire officiellement ; pas question d’une projection dans les salles de cinéma si l’on a une moindre connaissance sur les politiques culturelles de notre pays. Mais circulation et projection libérales entre les amis, dans les campus, parmi les journalistes et les avocats, etc sont possibles. Puis, s’ajoute Mme Ai, « j’ai aussi offert quelques copies au Chef du Bureau sanitaire et au Chef du gouvernement local ». Applaudissement.

« --Pas de danger comme ça ? »

« On se radicalise pas. Seul ils touchent les topics sensibles ou taboux. Ces films ne sont pas contre le pouvoir mais un avertissement à notre système administratif et sanitaire, et un compte rendu du point de vue historique. Nous avons d’ailleurs pris la réserve pour couper les scènes les plus aberrantes de la part administrative : de leur garder un peu la face pour qu’ils puissent continuer à travailler et que nous puissions continuer à tourner et à vivre. »

16/10/2008

Pour un humanisme engagé—Rencontres avec Ai Xiaoming et Hu Jie

Comment dire quelques mots sur ce festival ? Comment parler de ces documentaires qui s’interrogent sur les grandes H de la Chine, qui bouleversent et émervent jusqu’aux larmes ?

De vendredi dernier jusqu’à lundi, j’ai assisté à la projection de plusieurs films documentaires des deux réalisateurs, Mme Ai Xiaoming et M. Hu Jie, l’une étant professeur de lettres chinoises, spécialisée dans les questions de la féminité à l’Université de Zhongshan(Ganton) ; l’autre, ancien journaliste qui a dû renoncer à son poste chez l’agence Xin Hua à cause de ses tournages. Si, dans les films projetés, Hu Jie a privilégié une vision historique en prenant le risque pour tourner les documentaires qui représentent une Histoire de la minorité des victimes subis des persécutions inhumaines à l’époque de la Révolution culturelle(Though I’m gone我虽死去) ou de la dissimulation délibérée des FAITS par l’autorité jusqu’à nos jours (In Search of Lin Zhao’s Soul 寻找林昭的灵魂), Ai Xiaoming penche sur les thèmes sensibles dans l’actualité et, munie de la caméra, se rend activiste et participe à la défense du droit de la minorité défavorisée des paysans.

Les films : In Search of Lin Zhao’s Soul, Though I’m gone

Sans doute grâce à sa formation en peinture, les images sont relativement mieux tournées dans les deux documentaires de Hu Jie. J’ai notamment été impressionnée par la coloration de la toile sur laquelle sont écrits les poèmes par Lin Zhao avec son sang : le rouge orangé qui donne le sentiment à la fois violent et épique. A part cela, Hu Jie a pris l’initiative de dessiner devant la caméra, selon la description d’un ami de Lin Zhao qui est allé la voir dans la prison au risque de sa peau, un portrait de l’héroïne dont le visage est enrobé de manière très sérrée afin d’empêcher que celle-là ne crie à haute voix les slogans contre le pouvoir : autour de la bouche, ça serre, alors au fur et à mesure, Hu Jie y ajoute de plus en plus d’ombre. Un processus asphyxiant, et résultat : il y a et il n’y a que les yeux qui brillent et qui respirent difficilement.

Mais là n’est pas la vraie question. Le documentaire, comme ce que disent les deux réalisateurs dans la discussion après la projection, est moins une recherche esthétique qu’un moyen d’observation, de témoignage, d’enregistrement de la société chinoise d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi, à part cette histoire sur la figure presque monumentale de Lin Zhao, dont le dossier est toujours enfermé (probablement à Shanghai où elle a été fusillée) et qui semble demeurer un topic-tabou, dans Though I’m gone, l’époux de Bian Zhongyun, alors vice-présidente du lycée pour filles attaché à Bei Shi Da, remémore comment cette dernière a été frappée jusqu’à mort par ses étudiantEs aux premiers jours de la Révolution culturelle, ce qui fait un exemple négatif pour les gardes rouges : on peut désormais tuer et tuer les profs. L’Histoire en question n’est pas un nouveau sujet, mais l’intérêt est ceci que les scènes de la mer de la foule en rouge de l’époque sont systématiquement visualisées, et le slogan « Vivement l’horreur rouge ! » longuement fixé frappe l’oeil, de même que l’innocence et la bonne volonté écrites sur la majorité excitante qui retrouve leur force originelle et qui exerce une cruauté affirmée.

(A suivre. Vous trouverez les commentaires en détail sur le blog du cinéma chinois tenu par Brigitte Duzan)

11/10/2008

Festival Shadows- Cinéma chinois indépendant


Je fais une pub G2G, gratuit-gratuit.

Les lecteurs parisiens et les lecteurs de passage à Paris, profitez-en pour aller au Festival Shadows et découvrir les documentaires chinois, souvent des thèmes engagés, rarement projetés à l’international et jamais projetés publiquement en Chine ! Et notamment à relever les oeuvres de deux réaliateurs, Mme Ai Xiao Ming et M. Hu Jie.

Vous trouverez les renseignements sur la programmation et la présentation des films projetés ICI (cliquez sur le "Dossier de presse")


***

En début de la semaine, je me balade dans la rue et je lis sur l’écran d’annonce de la Mairie de Paris. Je lis l’info sur le festival et je suis devenue ravie. Vous le comprenez, il n’y a vraiment pas beaucoup d’événements sur le cinéma chinois, me semble-il. (les festivaux internationaux du cinéma ne comptent pas). Alors à découvrir absolument celui-là.

En rentrant je prépare une lettre pour le bénévolat. Le lendemain, c’est un peu de la chance, je suis devenue la dernière bénévole pour l’événement. Je peux dire déjà qu’on n'apprendra pas autant de choses dans les missions à accomplir, toutes assez fondamentales, que dans la participation même du festival et surtout dans les rencontres qui sont très très enrichissants. A suivre !

Chasse aux métiers(ii)

J’ai répondu à quelques annonces en RH, écrivant quelques lettres de motivation qui me prennent la tête, sans espoir aucun pour la suite. J’ai eu deux trois appels, ce qui est déjà hors d’attente. Puis, lors de la Foire pour l’Emploi à Paris, dont beaucoup de postes dans la commerce et dans le mécanisme, l’artisanat, j’ai postulé 4-5 candidatures pour l’assistante directeur RH. J’y suis allée plutôt pour faire le tourisme disons sociologique que pour trouver un emploi. Pour maintenir un entretien-éclair, il faudrait savoir se vendre et montrer le dynamisme, la confiance, l’espoir, malgré l'incertitude intérieure. « Je voudrais m’orienter vers les RH, et plus précisément le recrutement ». En disant ceci je ne me crois pas mentir, car c’est bien une possibilité, hormis le métier culturel, d’étudier les gens marqués par les compétences différentes. Je suis convaincue qu’il faut une certaine sensiblité et intuitivité pour faire cela.

Une fois, quand je sens qu’il n’y a aucune possiblité que mon interlocuteur relise mon CV, j’ai fait un peu les interrogations-suicide à ce pauvre monsieur sur les différents métiers de RH, de communication, de l’assistanat administratif. Il a fini par dire : « vous ne donc savez pas ce que vous allez faire ? » Bingo monsieur, vous avez bien compris mon angoisse, et merci pour les renseignements.

Je me rappelle d’un dialogue très agréable avec une représentante au stand d’un cabinet de RH international :

--J’ai suivi les études du Master Erasmus Mundus, dans 3 pays européens.. [...] et St Andrews en Ecosse.

--Ah, St Andrews !

--Mais vous le connaissez ?

--Eh oui, c’est sublime ! ...Vous parlez anglais aussi ?

--Oui, j’assiste en général les cours dans la langue locale.

--Comment est votre anglais ?

--Urh...comme mon français.

--Votre français est bon !

--Urh...oui Madame. [...] Comme votre cabinet est à l’échelle internationale et que cela correspond bien à mon profil et à mes expériences, je désire [...].

--En effet, votre profil est très intéressant pour nous. [...] Comme les postes en RH et recrutement sont pleins, ce que je pourrais vous proposer comme possibilité c’est de travailler dans l’une de nos antennes comme assitante-directeur aide d’emploi, c’est-à-dire de distribuer les emplois à des chômeurs...

(--Waouh...Redistribuer les chômeurs dans les différents emplois ? Intéressant comme un travail dans le bureau d’immigration ! Ca fait découvrir le bas-monde en France !) Eh oui ça m’intéresse !

--Vous êtes mobile en France?

--Bien sûr !

Je sais qu’il y aurais très peu de chance que je sois retenue pour ce poste, mais déjà ce genre de dialogue est encourageant, c’est d’ailleurs la permière personne qui jusque là reconnaît ce diplôme trop général et peu « utile » aux yeux professionnalisés.

Avec ces détours, la décision est donc prise ? Presque, je dirais, car je me connais bien(quelle prétention !), moi qui changerais l’idée à tout moment et dans tous les sens. Il serait mieux de m’accrocher sur la culture, que ce soit en France ou en Chine : le cinéma, la coordination événementielle, ou l’édition, qui sait. On me dira : mais si t’auras un poste dans d’autres domaines qui te permettra de rester en France ?

Hé bien, attendons au moins qu’un entretien tombe devant moi avant que les choses ne s’avancent pour que j’apprenne à faire le choix !

Paris vous m’aimez ?

Chasse aux métiers

Combiens de billets que j’ai manqué ? Depuis mon arrivée à Paris, je n’arrive pas à trouver de bon moments pour écrire. Soit il fait trop de bruits dans l’appartement d’une ancienne camarade de classe qui m’a très gentillement hébergée, soit je me trouve angoissée par la chasse aux métiers.

J’avoue qu’il m’est encore assez difficile de sortir complètement de mon statut étudiant-chercheur pour devenir une bonne « professionnelle ». En me renseignant à gauche et à droite sur les métiers, je m’égare momentanément sur les questions purement intellectuelles et idéologiques, je me laisse fasciner par tels ou tels romans(ah mais comment se fait-il que Echnoz a publié tellement de romans en peu de temps ? Ou bien je me suis enfermée pendant trop longtemps ?), par tels ou tels prix littéraires qui me poussent automatiquement au lancement de la lecture des critiques(Humm, Jean-Marie le Clézio, n’est-ce pas séduisant, le clivage, le doublement et le dédoublement de soi, le trouble identitaire, les moqueries sur l’administration de l’état civil ? Etc, etc, etc.).

Il y en a bien qui me disent, pourquoi pas un doctorat direct, vue ta situation délicate pour trouver un boulot en France ? De faire un doctorat, à priori à Paris, me permettra de prendre du temps pour découvrir le milieu culturel auquel je veux rentrer, il est vrai, mais je préfère attendre un peu pour préciser mon sujet de recherche en évitant l’égarement, pour déouvrir la moi sociale qui se diffère forcément de celle qui est soit hyper-mobile(donc trans-sociale), soit hyper-sédentaire(plutôt a-sociale). Pour trouver ce qui me plaît vraiment aussi, dans plusieurs possibilités de travail, pour continuer à vivre et à m’épuiser.

« T’aurais pu t’inscrire pour un autre master, n’est-ce pas ce que tu veux aussi ? » me dit-on. Oui, j’aurais bien aimé, sincèrement, cela me ferait largement du bien si je pouvais me « spécialiser » encore un peu. Mais ! Mais que puis-je faire si ce n'est plus la saison d'inscription? Maintenant que j’ai le visa d’étudiant jusqu’en fin novembre, ce qui est encore une chance grâce à l’Ambassade de France à Edimbourg, je me contente de ces deux mois de plus du séjour. Et si la vie s’est mise hors du rail, s’est dramatisée, tant pis, on s’improvisera, et il est bon d’apprendre à s’en amuser.

Après une première semaine de recherche, j’ai compris qu’il n’y a vraiment pas beaucoup d’opportunité en France pour une jeune diplômée étrangère, en sciences humaines et sans stage. Au bout de la deuxième semaine, j’ai perdu gravement l’idée du métier sur lequel je vais tenter mes chances : les métiers culturels, les plus séduisants, ont peu d’offres, sans parler des problèmes du financement des associations indépendantes. Alors pourquoi pas la communication, sinon les ressources humaines, ou encore l’administration, qui aidera à découvrir un peu le système social ?

Je me laisse entendre parler. Il y en a qui disent qu’il faut vraiement accrocher sur un secteur/domaine pour le 1er emploi parce qu’il sera difficile de se réorienter sans les argumentaires suffisants ; il y en a qui me conseillent vivement d’essayer de rester en France et de vivre davantage les expériences professionnelle et personnelle, quel que soit le métier. Il y a aussi quelques amis chinois qui disent : Comment ? assistante ? secrétaire de direction ? Ca te mérite pas ! Mais c'est d'exagérer un peu. C'est quoi déjà le mérite ? A chaque poste il y a des choses à découvrir et des qualités à développer, non ? C’est en ce moment-là que je rends compte du cap mental qui aurait existé entre ceux qui pensent en hiérarchie professionnelle et sociale et moi qui aimerais essayer les postes de base qui rentrent en contact avec les gens de toutes sortes. L’amour du métier, hélas, l’amour du métier.

On me dit, if you really like it, head for it. Je ne sais si j’ai encore ma tête avec moi, mais en effet, c’est ce qu’il faut. Go. Go a head.

02/10/2008

Barcelone mérite un détour, ou plusieurs

Quand je disais aux amis Mundus il y a 10 jours que je ne me suis jamais rendue à Barcelone, ils me craient : « Mais non Delphine, qu’est-ce que t’as fait à Perpignan ? » Eh oui, qu’est-ce que je fais de beau à Perpi ? Je dors, je mange. J’écris, je lis. Je stresse, je déstresse. Je me baigne dans la mer, je me promène au centre-ville. Je découvre les concerts du festival, je vais voir les pièces de théâtre, je profite de ce Perpi d’été que je n’ai jamais connu auparavant.

Mais Barcelones semble être incontournable. Et l’Espagne me séduit. C’est alors décidé. Je remets le mémoire et je réserve les billets et l’hostel et je pars.

La visite des villes modernes me semble assez délicatee, ce qui n’est pas comme un voyage en pleine nature où l’on peut se jeter entièrement dans la montagne, dans les eaux ou dans les forêts. Il faudrait parfois privilégier le paysage urbain, parfois la causerie avec les gens, ou encore les héritages immatériels. Barcelone est le dernier cas pour moi.

Cette ville me déçoit au début. Plus catalane qu’espagnole, plus mondernisée que traditionnelle. Encore une fois, je pense à Shanghai, à Liverpool aussi, à Dublin, à Marseille. Les villes modernes se ressemblent plus ou moins au niveau de l’urbanisme, sauf que les coins d’attirance de certaines villes peuvent être parcourus à pieds, ce qui est le cas pour Barcelone. Les Rumblas, ça ressemble pas à la rue de Nankin ? Sauf qu’il y a les statues vivantes dans la rue. Le marché couvert de Boqueria n’est pas tellement différent que celui en bas de chez moi à Shanghai, sauf qu’il y a des fruits tropicaux qui sont toujours alléchants. Quant au quartier gothique, vraiment, je préfère les ruelles italiennes de la Renaissance, sauf que, oui, je me souviendrai du chant de Flamenco de l’homme à la guitare, de cette fluidité de mélancolie qui résonne entre les murs.

Les gourmandises ? le tapas, j’ai l’idée même que je pourrais le faire moi-même. Le Paëlla, j’en trouve de bons au marché de dimanche à Perpignan. Les piquants, non, ils ne me plaisent pas. Alors à quoi bon le voyage ? A quoi bon ?

A ceci que les découvertes architecturales m’émerveillent, encore plus que celles des oeuvres de Picasso. Gaudi, quel miracle, Gaudi. Avant de contempler longuement les sculptures de la façade de la Sagrada Famillia, je ne savais pas que les statues catholiques pourraient être renouvelées d’une telle manière : non pas les figures humaines de la Renaissance qui représentent les histoires de la Bible, mais les statues cubistes et imaginaires. A la Nativité que Gaudi a réalisé de son vivant, j’ai préféré la Passion : les yeux enfoncés, plus trois traits sur le front simplement, on ressent la souffrance (et peut-être la pitié) du Christ, de même que celle de Gaudi, alors tourmenté par la mort.

C’est à la Pedrera que j’ai compris, avec les explications audio et multimédia très détaillées, que les matériaux de construction pourraient être aussi bien associés avec les éléments de la Nature. C’est onirique en un mot, cette sorte de conception architecturale, et luxueux aussi. Combien de temps et d’énergie qu’il faut y mettre pour de telles édifices, dont les façades colorées comme des fleurs, avec une grande terrasse ondoyante et les cheminées dont la forme s’inspirent du maïs ? je ne dirais même pas que ce soit une construction de l’habitation humaine, non ; ce serait la réalisation d’un rêve médiéval et féerique de l’homme déplacé de la forêt.

Et pour moi, c’est ça Barcelona.