23/01/2009

Je repars

(Marque-pages, dans une boutique de Nan Luo Gu Xiang, Pékin)


Demain bon matin, le train va rouler slowly vers shanghai. 28 heures de route. Cette fois-ci je suis placée, heuresement. Siège mou. Je ne peux finalement pas en passer, cette tradition de retourner chez soi pour la fête. Deux ans que je ne l'ai pas fêtée.

Dans une dixaine de jours, je repars à Pékin avec ma grosses valise et y reste pour au moins une demie année, je travaillerai pour le Festival du cinéma français et le Croisement culturel. Ca m'enchante, ce CDD que je décide de prendre comme le début d'une petite aventure. C'est comme si je retrouvais la vie Mundus dans laquelle on déménage tous les six mois et qu'on apprend et on vit pleines de choses. Ce deviendrait une habitude terrible d'aimer partir comme ça.

Ma cousine à Shanghai irait me dire: mais qu'est-ce que tu fabriques, et avec cette vitesse en plus?! tu veux aller à Pékin et tu y vas comme ça, tu veux y travailler et te voilà partante. Qu'attends-tu prochainement?

Oh... je ne sais aucunement ce qu'il m'attend devant moi. Pékin, cette ville que je rêvais de séjourner quand j'avais 17 ans m'attire comme autrefois. Ce n'est pas parce que Shanghai me déplait que je la quitte, et ce pour je ne sais combien de temps: 6 mois, ou 1-2 ans, ou davantage. J'aime Shanghai, y compris son bien et son mal, ses charmes et ses travers, malgré la malaise qu'elle me fait ressentir, et le sentiment d'étrangeté devant les vicissitudes de ma ville natale: une ville métissée, qui m'a profondément marquée, au final. Je la quitte parce que rien de plus pour le moment ne m'y retiendrait: Pavillon France a dit non au dernier moment pour les missions éditoriales, à cause du problème des budgets (et c'est de là que j'ai compris ce que c'est qu'une crise mondiale...), ce qui est très dommage car c'aurait été l'un des boulots qui me conviendraient et qui me plairaient le mieux; un projet de conférences que j'ai inventé avec un homme de théâtre est encouragé, encouragé mais c'est resté encore au stade du plan général; la meilleure amie du lycée a démissionné de son emploi à Hangzhou, malgré l'idée des autres, toujours l'histoire de la crise, pour se laisser flotter ou s'enfermer, concevant son rêve d'ouvrir une librairie probablement avec son nouveau copain taiwanais, ce ne serait sans doute pas à Shanghai qu'on se croiserait; quant à mon père, enfin, il vit bien et vivrait mieux sans moi, je crois. Moi qui pèse, forcément.

D'autant que tout le monde, profs, attachés culturels, journalistes, artistes, éditeurs, libraires, critiques d'art...vraiment tout le monde, de Paris à Shanghai, à Pékin en passant, dit que Pékin serait plus sympa pour la culture. Un lettré shanghaien me dit même que l'on est plus libre à Pékin qu'à Shanghai: curieux. Ah justement, c'est là que je regrette un peu: c'est un prof-ami de plus que j'ai connu par hasard grâce au cinéma, lui qui anime une émission radiophonique pour présenter les bons livres, qui écrit sur les poèmes et les classiques, avec notamment ferveur pour les présocratiques. Cet ermite de grande ville, comme plusieurs de ses amis, lui me dit, viens prochainement quand il y a un bon théâtre au centre dramatique qui n'est pas toujours superbe, viens que je t'emmène chez cet écrivain-ci, chez ce traducteur-là, viens prochaine fois parler à la radio... Fascinant, le moindre de tout cela. J'aurais tant aimé découvrir le monde des lettrés shanghaiens et les écouter, regarder. Mais cela se fera probablement, et uniquement avec du temps et du coeur.

Ce n'est pas en une seule journée que j'ai pensé à Pékin. Maintenant que la porte s'ouvre pour que j'y entre, je n'en refuse pas. Les responsables ont dit ravis de ma décision, et moi, j'en suis ravie aussi, ouf, le gagnant-gagnant est bien possible. Suis partante.



(Légende: sur le post-it blanc: "抢劫不如去炒股! / A piller une banque on préfère spéculer à la Bourse!"
En bas: "梦想家=梦 · 想家/ Dreamer=Dream · ache for home"
Réalisée dans la boutique
种田/cultiver la terre de Nan Luo Gu Xiang, Pékin)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

"quant à mon père, enfin, il vit bien et vivrait mieux sans moi, je crois. Moi qui pèse, forcément"
Il t'aime, ton père, ça se voyait pendant mon séjour chez toi. Il avait l'air très gentil...je ne sais pas, peut-être tu aurais pu parler plus avec lui...
"J'aurais tant aimé découvrir le monde des lettrés shanghaiens et les écouter, regarder."
Les lettrés ne sont pas forcément intéressants. Il suffit de vivre quelque temps à l'université pour découvrir cela.
Enfin, bonne route et bonne année: )

Delphine a dit…

Merci pour ton message, Neige. Qu'il m'aime, mon père, je le sais peut-être, et je crois l'aimer aussi, au moins j'essaie de le respecter. Aimer déjà est chose délicate,le sentiment entre mon père et moi, je crois le connaître mal. J'aurais préféré parfois que c'était un inconnu tout court, et les choses deviendraient plus faciles. Et si l'on se parle,j'ai souvent l'impression que l'on se parle en face alors qu'on est tellement loin l'un de l'autre, que l'on ne s'entend pas, au sens littéral.
Mais dans mon texte, j'ai voulu dire que je sens vraiment que je lui pèse, sa vie serait plus facile sans moi car il n'aurait pas à s'occuper de moi, ce dont je n'ai pas besoin et que je ne veux pas, finalement.
Quant à l'histoire de lettrés, c'est moins son métier que la personnalité de cet individu (qui est lettré et avec qui je dialogue)qui m'intéresse.Sinon, tu as bien raison, tous les profs, ou lettrés, ou journalistes, ou cinéastes ne sont pas intéressants, et l'on peut inversement que tous les entrepreneurs, les fonctionnaires, les agents de police etc ne sont pas ennuyeux.
Je sais pas si je me suis bien expliquée. En tout, heureuse année du buffle à toi.牛年吉祥!

Anonyme a dit…

C'est traduit comme l'année du "buffle" alors, merci!

Anonyme a dit…

Ca a été difficile entre mon père et moi, je lui en ai voulu, mais après j'ai su que c'était mon problème...Maintenant, on s'entend en général très bien. Quand on s'aime, c'est un bonheur de s'occuper l'un de l'autre.Tu ne le pèserais pas tellement comme tu imagines, je crois. Il devrerait être heureux de te voir à la maison. Enfin, c'est un art de s'entendre avec un autre, essaies-le avec ton père: )
Sois heureuse!

Delphine a dit…

Ah, tu m'as fait faire une pte recherche. Au fait tu peux dire bonne année du boeuf/buffle ou encore bonne année du Boeuf de Terre.
Entre boeuf/buffle je préfère le second car le premier évoque souvent la nourriture...et puis "buffle"(niu qui vit souvent dans l'eau)semble être lié à la civilisation de l'Inde.
Quant au "Boeuf de Terre", je croyais que c'était traduit comme boeuf lié à la terre de labour, j'ai compris que c'est plutôt l'appelation qui désigne spécialement l'année 2009: le signe zodiaque(Buffle/boeuf)+Terre, l'un des 5 Eléments.(réf la liste sur ce site:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Astrologie_chinoise)
C'est lié à Yi-king, dirait-on.Et puis, le temps semble être plutôt cyclique pour les Chinois.comme ce moyen de compter le temps fait un cycle tous les 60 ans, on est dans la même année Boeuf+Terre que l'année 1949.Intéressant.