28/04/2009

Baroque?

Le plafond


La troupe musicale s'appelle "Le poème harmonique". Vincent Dumestre en tête, qui se spécialise sur les musiques du XVIIe et du XVIIIe Siècle.

C'est la première fois que j'ai assisté à un concert baroque avec les instruments.

Leur concert a ravi le public pékinois, ce que personne n'avait imaginé. "Musique baroque", ça ne fait pas peur au public chinois, ce genre de musique?

Au départ, les quatre solistes chantent justes, solennels, accompagnés des instruments à cordes, à vent, et de percussion qui entourent le luth (ou le guitare classique) de Vincent Dumestre. Le luth, c'est l'un des mystérieux. Le son n'est pas très distinct, et pourtant ça tient comme le fil de conduite durant tout l'air. Moi qui n'ai pas une connaissance particulière sur les instruments occidentaux, crois que la luth a comme équivalent le tympanon chinois que je connais par coeur : ce dernier est l'instrument de percussion (mais avec bcp de cordes!) qui se joue tout seul mais, malgré le fait qu'il se trouve presque tout le temps au milieu d'une troupe, accompagne en général les autres instruments majeurs(plus particulièrement le Er-Hu, équivalent du violon) dans une troupe musicale.

Les violons, si ces instruments s'appellent le violon, sont également joués de manière inhabituelle(ou plutôt de manière classique?). Le violon, la viole, le violoncello, aucun n' est posé au cou, tous sont dressés et se joue avec un archet que les musiciennes tiennent, leur paume droite ouverte en dessus. Autrement dit, la méthode de ces instruments à cordes classiques n'est pas comme celle du violon mais bien comme celle du Er-Hu.

M. Dumestre change de temps en temps d'instruments entre la luth et la guitare classique. A côté de lui, une autre dame qui joue de la flûte. Pas seulement de la flûte, au fait, mais plusieurs flûtes de différentes tailles qui s'étalent à ses pieds, et un long tube qui produit un son comme du saxophone. Changer les instruments, c'est toujours un jeu intelligent au sein d'une troupe, c'est à la fois une nécessité musicale et un spectacle. J'ai gardé la mémoire de faire pareil avec les troupes de musique classique chinoise dont je faisais partie. Notre maître d'alors pensait que, comme nous avions joué le tympanon durant plus de sept ans, nous pourrions penser à changer, à chercher d'autres choses à jouer: le Er-hu, par exemple, compagnon idéal du tympanon. Alors toute la classe avait acheté le Er-Hu. Durant trois ans on a appris le Er-Hu en continuant le tympanon, et un jour le maître dit que ça y est, on est prêt, on commençait alors à s'alterner entre les deux instruments dans la troupe. Pas seulement deux instruments, au fait, car à partir du Er-Hu on a aussi le Zhong-hu, l'équivalent du violoncello, et le Di-hu, l'équivalent de la contrebasse. Quoi qu'il en soit, le principe est le même. Il m'arriva même que le maître me demanda de jouer la grosse luth avec un plectre. Si ce n'est pas pour jouer seul, cet instrument s'apprend en quelques jours car il faut juste retenir les gammes et que c'est principalement pour donner les sons décoratifs qui sert d'assurer le rythme de base comme la contrebasse.

Quand on est dans une troupe musicale, le plaisir est de s'émerger dans le tout musical et de se laisser emporter instinctivement par la musique. C'est ce qui s'aperçoit sur scène: l'ivresse. Le percussionniste est visiblement dans son univers. Il danse ses bras en faisant les claquements de doigts pour faire du rythme, il met le tembourin sur le rond du grand tembour qu'il bat, ce qui produit un son de tembour mélangé de celui de grelot. Et puis il utilise les instruments qui ressemblent à ceux dont le public chinois est familier : le kuai-ban(le percussionniste m'a dit un terme mais je n'ai pas pu le retenir...sur Internet il y a la traduction anglaise comme "a kind of rap"...faint...) , il frappe les poissons de bois (Mu-Yu) en imitant les pas du cheval. Rythme de génie.

Les chants s'avèrent d'autant plus allègres que les improvisations se multiplient au fur et à mesure. A un certain moment, les quatre solistes avancent, se mettent en avant pour jouer de petits épisodes de la courtoisie amoureuse. Pas besoin de connaître les langues (quelles langues déjà, basque, latin, espagnol, italien, français...) pour les comprendre, leur corps et leur ton s'expriment. Qui ne comprendra pas leur badinage de l'amour, les fausses bienveillances, la stupéfaction du monsieur devant la dame faussement irritée, la main retirée et la tête retournée? Les ondes des yeux, le sourire réservé, le raideur vers l'un et la tendresse vers l'autre? Parce que l'amour, comme la musique, c'est l'un des plus communes des choses que l'on puisse partager à n'importe quel coin du monde.

Le concert s'est terminé sous l'acclamation du public. L'enchantement total. Les amis français disent qu'ils n'ont jamais pensé que la musique baroque pouvait être aussi léger et réjouissant, ils croyaient, comme je le croyais, que la baroque, c'est Lully, c'est Bach, c'est le sacré, le religieux, et une petite dose de profane. Mais non. La cantatrice dit dans une interview que le baroque, pour elle, c'est la passion tout court.



(plus d'infos sur
Le poème harmonique: cliquez ICI)



Le percussionniste et son amour


Je demandai à Joel s'il a toujours été percussionniste, il dit qu'ah oui, je ne sais que faire ça. Ca fait longtemps que tu joues dans le Poème Harmonique? Non, dit-il, avant, je jouais dans un groupe de rocker.Waouh.

Sur la table de repas il a ainsi résumé les similitudes des instruments de percussions: que les musiciens de différentes cultures prennent les outils similaires et après, ils auront chacun leur méthode, et chacun y ajoutera des contenus avec leur propre Histoire.

Son amour est une espagnole souriante. Son identité nationale se distingue subtilement à travers les yeux. Je suis convaincue que les yeux des espagnols, hommes ou femmes, brillent parce qu'il y a du soleil; tandis que pour les italiens, le soleil se trouve sur leur corps. Lorsque la charmante me dit qu'elle est actrice théâtrale, je me suis émerveillée sans trop savoir pourquoi je m'émerveillais. Je leur dis que vous êtes enviables, et je leur demandai d'en prendre les photos.

2 commentaires:

xiao-bob a dit…

Merci, trois fois merci Delphine pour m'avoir fait connaître Le Poème Harmonique.
J'ai visité leur site http://lepoemeharmonique.fr/
sur lequel on peut écouter de nombreux extraits de leurs CD
Leur choix de musiques est très original, très en dehors des sentiers battus.
J'aime bien quand la culture circule comme cela , en tous sens.

Delphine a dit…

C'est du plaisir:) la circulation et les croisements culturels font comprendre au moins que le monde n'est pas si grand que l'on imaginait, que les choses se découvrent, se comprennent tout au long de ces échanges ponctuels.