30/04/2009

Art Beijing- Art fair (ii)




On appelle cette occasion an Art Fair parce qu'il s'agit des affaires.

Mettons à côté les oeuvres étrangères qui sont là davantage pour s'exposer que pour se vendre, les oeuvres chinoises présentées ne sont pas surprenantes. J'ai l'impression que c'est un lieu qui ressemble à une grande halle de gallerie mais qui ne l'est pas encore, qui réserve pourtant une salle VIP pour que l'on puisse y parler du business: un lieu disons entre une gallerie et un marché de vêtements par exemple. Une large partie d'oeuvres ne donne pas envie de s'arrêter devant et de la regarder longuement.

Mais comme toujours, l'exception existe. Lorsque les deux blocs illustrés en haut entrent dans ma vue, je m'arrête, je me dis que wow, ces langues...


langue de boutons


Le bloc en couleur est fait des boutons. Tous les visiteurs que j'ai vu, s'ils se sont intéressés par cette oeuvre, s'approche d'abord de ce bloc en couleur, comme moi.



Langue de cuillières

C'est peut-être que ce bloc en argent donne l'impression de froideur, voire d'hostilité. Il y en a qui commentent, qui commentent près de la langue de boutons sans regarder cette langue de cuillières, que Ah regarde, ces deux collines sont intéressantes...c'est fait de boutons! Ils ne sont pas sans raison en disant cela, chacun a ses perspectives... et puis, c'est juste un dire.


panneau- pouvoir du discours : Full and Warm


Le texte que l'auteur a donné à son oeuvre: "Pouvoir du discours: Full and Warm." Je ne trouve pas de mots exacts en français pour donner un équivalent efficace. Plein et tiède? Ca fait un peu bizarre tout de même... au moins, pour une fois je tentais de dire "je suis pleine" à la fin d'un repas, alors que l'hôtesse m'apprenait que l'on dit plutôt "j'ai plus faim."

"Full" et "Warm" est l'un des critères pour mesurer le niveau de vie du peuple d'un pays, selon la science économique chinoise. Si l'on fait les notes de A à E, Full et Warm! 温饱, ça fait un D, passable. C'est l'au-revoir de la pauvreté (notée E) et le départ vers un Xiao-Kang/小康/le petit bien-être , noté C(assez bien), et plus loin, un Fu-Yu/富裕/la richesse, notée B (bien). Pas de A(très bien) pour la Chine, car "la Chine ne veut pour rien au monde faire l'hégémonie dans le monde", promis juré.

En lisant le titre, on lit directement l'oeuvre. Tout est très concret. Beaucoup de cuillières en inox qui évoquent la nourriture, donc on est "full"; beaucoup de boutons qui évoquent l'habit et qui enveloppe la langue, donc on est "warm". On devrait être très warm.

L'utilisation des boutons est loin d'être une nouveauté artistique. A ce sujet, j'ai certainement pensé à Michel Jeannès et à son art de boutons. L'idée du départ de ses oeuvres me semble être de développer le sens du lien et du quotidien incarnés dans cet humble objet d'émotion, ce qui est plutôt abstrait, comparé à l'idée de Wang Kaifang, l'auteur de l'installation des langues, qui montre directement le concret et l'illustrable, quoique, derrière l'évidence, il y a aussi l'implication significative à exploiter.

La tranche dualiste abstrait/concret est peut-être trop efficace, mais honnêtement, elle trouve son terrain en Chine car bien des voix majeures de notre société d'aujourd'hui répugnent l'abstrait(malgré le fait que l'opéra chinois s'avère la quintescence de l'abstraction) , la métaphysique(la métaphore est largement privilégiée), l'irréel, le théorique, l'invisible...et il se peut que la majorité se tourne vers l'autre extrémité lorsqu'elle en a marre de ce qui ne lui plaît plus.
De s'équilibrer, comme de se justifier, ça semble toujours être une tâche difficile pour les Chinois. C'est normal, quand on va hors de la vitesse de la routine, que l'on se laisse perturber par les critères flexibles, les biens et les mals permutables, les vrais et les faux enchevêtrés..., on pert le boussole et on ne sait plus. On ne sait plus repérer dans l'inondation des choses.

Ah, je sens que je dois absolument aller me coucher.


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