Si j'ai été attirée par Les chansons d'amour, film dont j'ai retenu le nom il y a plus d'un an mais que je n'ai pas eu d'occasion de regarder, c'est moins parce qu'on y trouve des chansons d'amour que parce que c'est un film de Christophe Honoré.
J'ai remarqué ce nom après avoir vu Dans Paris. L'auteur y rend hommage aux grands auteurs de la Nouvelle Vague, notamment à Truffaut. Et on y trouve des traces d'apprentissage tant sur le langage cinématographique que sur le thème, ce qui n'empêche que Honoré a développé à travers ce film son propre thème préoccupé, comme "Prends la peine d'ignorer la tristesse des tiens". Je l'ai bien aimé, ce film, par les raisons semblables que celles pour lesquelles j'ai aimé les films de la Nouvelle Vague: ces films font percevoir qch qu'on ne voit pas habituellement, donnent souvent des chocs à la fin en testant la patience des spectateurs. En un mot, songeants.
En effet, ce qui m'impressionne chez lui, c'est avant tout son habileté et sa mesure entre la répétition et la rénovation dans sa pratique du cinéma, par rapport à ses précédents. J'ai même eu l'idée de faire un dossier sur lui, après avoir vu Dans Paris, alors fraîchement sorti en salles, au tout début de mes études Mundus: au vu de son parcours, son oeuvre rapporterait très bien au sujet de "littérature et cinéma". Le dossier n'a pas pris la suite, ma directrice d'alors m'a déconseillé de le faire car le travail était récent et qu'il manquerait de références pour bien mener les analyses. Un an plus tard, il a sorti la Belle Personne, film adapté du fameux "roman inutile" La Princesse de Clève"(pas encore vu...), ce qui me fait penser à la phrase deleuzienne qu'un ami a récemment cité: "L'art est résister...bien que toute oeuvre d'art ne soit pas un acte de résistance, mais d'une certaine manière elle l'est. " Bien sûr, afin de pouvoir bien définir un style "honoréen"(ah...que ça fait bizarre), il faut attendre plus longtemps et voir ses oevures à venir.
Les chansons d'amour est un autre exemplaire de la création cinématographique de Honoré. Devant la presse, le réalisateur a bien prononcé le nom de Truffaut et de Jacques Demy comme les principales sources d'inspiration. La formule de la comédie musicale ayant été initiée de Demy, on ne peut cependant pas imposer l'idée que Honoré a fait "comme" Demy. Il n'y est pas parvenu d'ailleurs, si l'on compare la maîtrise de Demy sur la concordance entre le spectacle mouvemental et la musique chantée, dans par ex Les Demoiselles de Rochefort que j'ai pu voir grâce à la projection du CCF. De part le style fluide de Demy, Christophe Honoréce veut surtout que les dialogues musicaux soient intégrés au cours du film, et il ne l'a point râté.
Au niveau du thème, c'est sur Paris (encore...) et sur les amours dans Paris-- tellement "dans" que les gens se couvrent bien, phénomène récurrent des grandes villes charmantes. Là, il n'y a pas de surprise. Il a tourné, avec la caméra parfois trépidante, les coins peu colorés et bien nébuleux d'un Paris que ceux qui n'y ont pas séjourné pendant au moins 15 jours ne devraient pas bien connaître. Le cadrage des scènes de rue est soigneusement conçu. A chaque seconde de passage il y a des choses qui se révèlent, un panneau de station de métro, une pub roulante, un numéro de bus, une figure qui passe...Dans la vie on appellerait ça une maladie obsessionnelle , dans le cinéma le jeu sémiotique servant de la révélation.
Quant aux amours, il poursuit la quête idéologique du genre Truffaut. Mais il a versé une bonne dose d'improbabilité de l'amour pour y rajouter, avec les paroles magnifiquement écrites, quelques particules hétérogènes, qui bloque un peu les gens comme ce corps étranger qui aurait provoqué l'obstruction respiratoire de Julie la bien aimée: c'est sur cette mort que s'achève la première des trois actes: le départ.
Chez Christophe Honoré, l'amour, ou plutôt les amours, ne sont pas improbables mais sont marqués d'enchevêtrement, et de complexité, qui circulent d'un personnage à l'autre, d'une famille à l'autre, d'une génération à l'autre, embrouillent assez complètement tout espace du cadre, le déborde. L'une des leçons majeures est tirée: il en faut mesurer la dose. On entend d'ailleurs la devise prononcée dans la scène ultime, où Ismaël le bel être et Erwann le classe préparatoire s'embrassent en dehors de la fenêtre de 1er étage au bord de la rue, en compagnie de la chanson de Barbara: Ce matin-là.
Emotionnellement parlé, il y a des films qui mouillent mes yeux de larmes, il y en a qui obscurcit et qui m'étouffe un peu. Il y a de rares films qui donnent envie de crier, et c'en est un. Dans la musique de Barbara je me suis ressentie étreinte et ai eu envie de crier.
C'est après avoir consulté les paroles de cette chanson, une chanson-clé dirait-on, que j'ai cru avoir mieux compris l'état mental de ces personnages et l'intention du réalisateur au sujet de ce thème, et c'est là que j'ai trouvé ce film véritablement bouleversant.
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NB:
- Sur la chanson de Barbara: on est en ce moment privé du Youtube en Chine, je mets donc juste le lien des paroles; si vous avez envie de l'écouter, vous vous débrouillez.
-Sur le film: ci-dessous le lien vers une analyse bien complète sur ce film, elle aborde notamment les cotenus dont je ne sais trop comment en parler. Ceci dit, si vous n'avez pas vu ce film, et que vous avez envie de le faire, n'y cliquez pas jusqu'à ce que vous l'aurez vu.
http://cinema.fluctuat.net/films/les-chansons-d-amour/1694-chronique-comme-ca-lui-chante.html
10/05/2009
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