Affichage des articles dont le libellé est Audio-visuel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Audio-visuel. Afficher tous les articles

10/05/2009

Christophe Honoré hérite encore

Si j'ai été attirée par Les chansons d'amour, film dont j'ai retenu le nom il y a plus d'un an mais que je n'ai pas eu d'occasion de regarder, c'est moins parce qu'on y trouve des chansons d'amour que parce que c'est un film de Christophe Honoré.

J'ai remarqué ce nom après avoir vu Dans Paris. L'auteur y rend hommage aux grands auteurs de la Nouvelle Vague, notamment à Truffaut. Et on y trouve des traces d'apprentissage tant sur le langage cinématographique que sur le thème, ce qui n'empêche que Honoré a développé à travers ce film son propre thème préoccupé, comme "Prends la peine d'ignorer la tristesse des tiens". Je l'ai bien aimé, ce film, par les raisons semblables que celles pour lesquelles j'ai aimé les films de la Nouvelle Vague: ces films font percevoir qch qu'on ne voit pas habituellement, donnent souvent des chocs à la fin en testant la patience des spectateurs. En un mot, songeants.

En effet, ce qui m'impressionne chez lui, c'est avant tout son habileté et sa mesure entre la répétition et la rénovation dans sa pratique du cinéma, par rapport à ses précédents. J'ai même eu l'idée de faire un dossier sur lui, après avoir vu Dans Paris, alors fraîchement sorti en salles, au tout début de mes études Mundus: au vu de son parcours, son oeuvre rapporterait très bien au sujet de "littérature et cinéma". Le dossier n'a pas pris la suite, ma directrice d'alors m'a déconseillé de le faire car le travail était récent et qu'il manquerait de références pour bien mener les analyses. Un an plus tard, il a sorti la Belle Personne, film adapté du fameux "roman inutile" La Princesse de Clève"(pas encore vu...), ce qui me fait penser à la phrase deleuzienne qu'un ami a récemment cité: "L'art est résister...bien que toute oeuvre d'art ne soit pas un acte de résistance, mais d'une certaine manière elle l'est. " Bien sûr, afin de pouvoir bien définir un style "honoréen"(ah...que ça fait bizarre), il faut attendre plus longtemps et voir ses oevures à venir.

Les chansons d'amour est un autre exemplaire de la création cinématographique de Honoré. Devant la presse, le réalisateur a bien prononcé le nom de Truffaut et de Jacques Demy comme les principales sources d'inspiration. La formule de la comédie musicale ayant été initiée de Demy, on ne peut cependant pas imposer l'idée que Honoré a fait "comme" Demy. Il n'y est pas parvenu d'ailleurs, si l'on compare la maîtrise de Demy sur la concordance entre le spectacle mouvemental et la musique chantée, dans par ex Les Demoiselles de Rochefort que j'ai pu voir grâce à la projection du CCF. De part le style fluide de Demy, Christophe Honoréce veut surtout que les dialogues musicaux soient intégrés au cours du film, et il ne l'a point râté.

Au niveau du thème, c'est sur Paris (encore...) et sur les amours dans Paris-- tellement "dans" que les gens se couvrent bien, phénomène récurrent des grandes villes charmantes. Là, il n'y a pas de surprise. Il a tourné, avec la caméra parfois trépidante, les coins peu colorés et bien nébuleux d'un Paris que ceux qui n'y ont pas séjourné pendant au moins 15 jours ne devraient pas bien connaître. Le cadrage des scènes de rue est soigneusement conçu. A chaque seconde de passage il y a des choses qui se révèlent, un panneau de station de métro, une pub roulante, un numéro de bus, une figure qui passe...Dans la vie on appellerait ça une maladie obsessionnelle , dans le cinéma le jeu sémiotique servant de la révélation.

Quant aux amours, il poursuit la quête idéologique du genre Truffaut. Mais il a versé une bonne dose d'improbabilité de l'amour pour y rajouter, avec les paroles magnifiquement écrites, quelques particules hétérogènes, qui bloque un peu les gens comme ce corps étranger qui aurait provoqué l'obstruction respiratoire de Julie la bien aimée: c'est sur cette mort que s'achève la première des trois actes: le départ.

Chez Christophe Honoré, l'amour, ou plutôt les amours, ne sont pas improbables mais sont marqués d'enchevêtrement, et de complexité, qui circulent d'un personnage à l'autre, d'une famille à l'autre, d'une génération à l'autre, embrouillent assez complètement tout espace du cadre, le déborde. L'une des leçons majeures est tirée: il en faut mesurer la dose. On entend d'ailleurs la devise prononcée dans la scène ultime, où Ismaël le bel être et Erwann le classe préparatoire s'embrassent en dehors de la fenêtre de 1er étage au bord de la rue, en compagnie de la chanson de Barbara: Ce matin-là.

Emotionnellement parlé, il y a des films qui mouillent mes yeux de larmes, il y en a qui obscurcit et qui m'étouffe un peu. Il y a de rares films qui donnent envie de crier, et c'en est un. Dans la musique de Barbara je me suis ressentie étreinte et ai eu envie de crier.

C'est après avoir consulté les paroles de cette chanson, une chanson-clé dirait-on, que j'ai cru avoir mieux compris l'état mental de ces personnages et l'intention du réalisateur au sujet de ce thème, et c'est là que j'ai trouvé ce film véritablement bouleversant.



---------------------------------
NB:

- Sur la chanson de Barbara: on est en ce moment privé du Youtube en Chine, je mets donc juste le lien des paroles; si vous avez envie de l'écouter, vous vous débrouillez.

-Sur le film: ci-dessous le lien vers une analyse bien complète sur ce film, elle aborde notamment les cotenus dont je ne sais trop comment en parler. Ceci dit, si vous n'avez pas vu ce film, et que vous avez envie de le faire, n'y cliquez pas jusqu'à ce que vous l'aurez vu.

http://cinema.fluctuat.net/films/les-chansons-d-amour/1694-chronique-comme-ca-lui-chante.html

08/05/2009

Piaf des années 30- 50s

Dans les années 30, Edith Piaf fait la connaissance de Jean Cocteau. "Il adore la chanson française, et il est un inconditionnel d'Edith Piaf. D'ailleurs, à son propos, il dit: elle ne chante pas l'amour, elle le gueule, elle a du génie, elle est inimitable. Il n'y a jamais eu d'Edith Piaf, il n'y en aura plus jamais. "

--extrait de la voix de Jacques interprétée par Jacques Pessis, l'auteur du spectacle musical
Piaf, une vie en rose et noir)


La chanson en bas "est signée Henri Contet. Il est journaliste à Paris Midi, le grand quotidien d'avant guerre.(...) Entre 1940 et 1944, Henri Contet ne va pas écrire bcp d'articles pour les journaux. En revanche, il va écrire les principales chansons d'Edith Piaf. Et il va ausssi être son amant. Enfin de temps à autre, et pas suffisamment au goût d'Edith."(idem)

La chanson est enregistrée le 15 octobre 1951.



啪嗒,啪嗒 PADAM PADAM



这乐曲纠缠我通宵彻夜 Cet air qui m'obsède jour et nuit
这乐曲并非诞生在今天 Cet air n'est pas né d'aujourd'hui


他的来处和我的一样远 Il vient d'aussi loin que je viens
再被千百个音乐家流传 Traîné par cent mille musiciens

总有一天这乐曲要把我弄疯癫 Un jour cet air me rendra folle

很多次我都想问个为啥 Cent fois j'ai voulu dire pourquoi



他却要来给我打岔儿 Mais il m'a coupé la parole
他总抢在我之前说话 Il parle toujours avant moi



而且,他的声音还盖过我的 Et sa voix couvre ma voix





啪嗒,啪嗒,啪嗒……Padam...padam...padam...
他追随着我,跑到这里
Il arrive en courant derrière moi
啪嗒,啪嗒,啪嗒……
Padam...padam...padam...
他声声逼问,你还记得吗
Il me fait le coup du souviens-toi /
啪嗒,啪嗒,啪嗒……
Padam...padam...padam...
这首乐曲对我充满怨意 C'est un air qui me montre du doigt

而我在身后拖着这牢记一切的乐曲 Et je traîne après moi comme un drôle d'erreur
像拖着一个奇怪的谬理
Cet air qui sait tout par cœur

他说:“想想你那些爱情
Il dit: "Rappelle-toi tes amours
想想,这就轮到你了
Rappelle-toi puisque c'est ton tour
你没有理由不哭泣
'y a pas d'raison pour qu'tu n'pleures pas
为了你那些成堆的回忆……”
Avec tes souvenirs sur les bras.../
我便重想那些还留存着的
" Et moi je revois ceux qui restent
如鼓声般躁动的二十岁年华
Mes vingt ans font battre tambour
我想起那鼓槌错落敲打
Je vois s'entrebattre des gestes
所有的爱情戏
Toute la comédie des amours
都上演在这首经典乐曲里 Sur cet air qui va toujours




啪嗒,啪嗒,啪嗒…… Padam...padam...padam...
714的“我爱你”
Des "je t'aime" de quatorze-juillet
啪嗒,啪嗒,啪嗒……
Padam...padam...padam...
廉价买来的“经久不息”Des " toujours" qu'on achète au rabais

啪嗒,啪嗒,啪嗒……
Padam...padam...padam...
然后是打包批发的 “你可愿意 De
s "veux-tu" en voilà par paquets
所有这些,都正好在街角撞上
Et tout ça pour tomber juste au coin d'la rue
这首把我辩认出的乐曲
Sur l'air qui m'a reconnue
...

听啊,他为我制造的喧嚣 Écoutez le chahut qu'il me fait
...
就好像在把我的过去招摇 Comme si tout mon passé défilait
...
还得把忧伤看管好
Faut garder du chagrin pour après
我可有一整本关于这乐曲的试唱练习 J'en ai tout un solfège sur cet air qui bat...


那节拍规则得就像木石心脏的心跳 ……Qui bat comme un cœur de bois...



(Traduit par/翻译: Delphine.
All rights reserved. Enfin, pour toute reproduction, merci d'indiquer la source de l'article./
转载时请以超链接形式标明文章原始出处和作者信息)




NB:
En passant, j'ai découvert par hasard le groupe Padam, dont la musique et surtout "la voix éraillée" du chanteur principale me semble pas mal du tout. En général j'aime la voix éraillée" dans les chansons.


02/05/2009

Têtes d'oeuf- Art Fair (iii)




Il n'y a pas que ces deux figures d'expression assez vive , il y a aussi le retentissement de deux voix féminines virtualisées et qui sortent des bribes de mots sur un peu tout et n'importe quoi.

J'étais épatée. Je me dis qu'ah mais c'est encore eux? Je ne comprends plus, est-ce la répétition ou l'imitation de certaines idées créatives est à la mode dans le monde d'art contemporain d'aujourd'hui? Ou que les coincidences se multiplient parce que finalement tout est circulaire dans ce monde?

Je pose les questions, car ces deux têtes me rappellent immédiatement une autre oeuvre présentée à la Gare de Bercy lors de la Nuit Blanche de Paris 2008: je m'en souviens car ca a été ma préférée parmi toutes les oeuvres que j'ai pu voir lors du tour nocturne parisien qui, pour être franc, m'a été plutôt décevant.

L'oeuvre s'appelle Autoportrait, en voici le lien où se trouve la brève présentation. J'étais arrivée à la gare de Bercy vers 22H30 pour voir un grand monde, adultes et enfants, qui entouraient une voiture rouge claire et qui ne voulaient la quitter qu'au bout d'un bon moment d'observation et avec un air de satisfaction.

S'aperçurent dans la voiture un homme et une femme, d'une figure presque vraie, et tout ce que l'on pouvait voir était comme ce que montre la photo dans le lien. Le couple entre eux, en élevant les sourcils, sur les sujets concrets, voyages, livres en cours d'écriture, lecture, petits rien du tout dans la vie, boulots, etc; parfois le silence règna, parfois ils jettèrent de temps en temps un coup d'oeil vers les gens autour de la voiture qui les regardaient.

"Robots, avec le visage peint et vivant !" certains gosses criaient de fierté après un instant d'observation de près. "Faux". C'était tout ce que je pouvais saisir à 1m de loin de la voiture. Les gens se discutaient entre eux d'une voix tellement basse que je n'arrivai pas à entendre le secret: car j'avais bien senti qu'il pouvait y avoir un secret. Ce fut mon tour: regarder de près, fixer le regard sur leur visage, fixer encore, même si la femme me jetta un coup d'oeil en disant, ah tu vois, il y a du monde autour de nous, c'est bizarre.

Ce n'est pas évident de se rendre compte que finalement, toutes leur expressions ont été projetées depuis d'un projeteur caché qqpart à côté du volant. Simulacre magnifiquement perturbant: une création de Magdalena Kunz et Daniel Glaser.

Alors, que Dieu blesse ce M. Tony Oursler. C'est tout à l'heure que j'ai découvert qu'il faisait aussi partie des artistes invités à la Nuit Blanche de Paris de cette édition. Son oeuvre présentée à cette occations-là ne m'a pas paru génial et je ne rentre pas dans les détails. Maintenant que son oeuvre de deux têtes est présentée à Art Beijing, censée d'être en vente, l'idée provient cependant de l'oeuvre du couple artiste cité en haut. Alors droit d'auteur ou pas droit d'auteur? Reprise du thème, ré-création, imitation, suivie du courant, plagiat, coïncidence? Lequel, ou laquelle?

Mais of course, l'oeuvre de M. Tony Oursler s'est évoluée de son prototype. Si l'oeuvre du couple vidéaliste ont interrogé sur la perception et la sensation du spectateur tout en aggrandissant l'usage de la technique visuelle, celle de Oursler démontre le maniement de cette technique en rendant tout dans l'état originel: les deux têtes se trouvent juste en face de la boîte de projecteur, donc de leur vérité d'être.


figures virtuelles


Et puis, l'artiste newyorkais a su agrandir le regard des deux têtes. "The eyes are very important, since you can enter directly to the inside of a person. " Le photographe de Zimbabwe, Calvin Dondo, l' a ainsi prononcé.

Urh yeah, au fait j'étais là pour rester au stand de la mini-expo africaine "Bamako Encounters". Deux photographes et un conservateur étaient là, représentant une communauté des artistes africains soucieux de faire connaître leur société actuelle et de plus en plus internationale au monde entier.



portrait de Sergio/ Photo: Calvin Dondo
( J'ai demandé à Calvin de prendre une photo avec mon appareil et c'est ce qu'il a fait,
et puis il a parlé du regard d'un personnage)




Monna et Sergio
(Normalement ils sont bien sérieux, mais après une journée assise c'est le moment de détente.
Les photos derrière sont prises par Sergio.
)



Calvin Dondo
J'aime particulièrement son regard.

25/04/2009

Les moments saisis

Comme intitulé.
Tous droits réservés.



l'objectif du réalisateur



R. Duris pose pour Kan Dianying
(il est grande star mais contrairement à Binoche, il est très très abordable)



prise photo Kan dianying



prise photo E-R (Cosmopolitain)




treature finder (prise photo du Cosmopolitain)




master classe E-R (source:Beijing Wenwang- cliquez ICI)




le Migou de J-R Girerd:
"Non non, je ne vais pas manger chez l'Officiel,
je dois aller chercher un pot de thé pour ma femme."

(cliquez ICI pour avoir son site, et trouver son blog)





Sur M.Jacques-Rémy Girerd: comme sa coproductrice taiwanaise l'accompagne tout au long, et que ses interviews se passent au même moment que les autres dont je m'occupe, je lui ai à peine parlé. J'ai juste pris le temps pour lui expliquer les horaires modifiés, le quartier où il peut probablement trouver le pot de thé qu'il cherche (et au bout de qq heures il dit que Delphine, Delphine je te dis un truc, j'ai trouvé un quartier où il y a vraiment de beaux pots de thé...), pas plus que ça. Mon collègue a dit de son côté que c'est bien l'homme de caractère, et moi, ce dont je me souviens, c'est la clarté de ses yeux d'enfant. Rarement peut-on voir cette sorte de limpidité dans les yeux d'un adulte. Il dit bonjour puis il te regarde longuement comme ça, souriant : un regard d'ingénuité et de franchise qu'on ne peut refuser ni ne sait comment réagir autrement que de le regarder de la même façon. Et puis, au niveau esthétique (sans parler des thèmes), son site de bande-dessinée est top.


Sur Eric-Ramzy: dans une interview francophone, ils exhibent leur chinois. "XuYao! ça veut dire besoin, j'ai besoin" , et "san! , trois. "XuYao-San!, j'ai besoin de trois (femmes: Eric). Ils ne savent pas (ou qu'ils le savent peut-être) que l'abréviation de leur duo E-R veut dire: deux("er"). Quelle magie de nom. L'accompagnement de ce duo comique a été soigneusement conçu. Depuis le début on est alerté: attention à ce sacré couple! Les gens de l'équipe qui accompagnent ou qui traduisent sont les plus préparés psychologiquement et moralement à recevoir leurs coups de rire: il faut être à la fois bienveillant et débrouillard, un peu d'humour et de distraction pour leur donner des echos, un peu de diplomatie pour qu'hélas, certains chinois ne les prennent pas pour les méchants. (épreuve de rire: cliquez ICI)

C'est parce qu'ils tentent les bises(genre bouche-à-bouche) partout, a la fin des interviews, au cours de la master classe ou encore sur la scène de la soirée d'ouverture. Tellement que la photo ci-liée qui montre leur baiser de zèle qui a surpris l'animatrice chinoise a été forwarded on ne sais combien de fois sur l'Internet et a irrité les internautes qui ont drôlement cru que les comédiens ont "forcé le baiser(qiang-wen)" à l'animatrice de CCTV ". Ca a inquiété certains et a bien amusé d'autres.

19/04/2009

Sur ta joue ennemie, l'empreinte d'un baiser peureux


J'ai fini ce film il y a quelques semaines avant l'arrivée de la délégation, à la hâte et sans savoir comment en parler: durant tout le spectacle, j'ai senti la nébulosité des faits. Une espèce de brouillard existe dans tout le film.

On ne savait pas que la jeune femme poursuivie par l' homme sortant de la prison était la soeur de ce dernier. On croyait que c'était une histoire de coeur, remplie de séduction et de pulsion sexuelle. Les jeux se jouent tellement bien que, même si les paroles nous dévoilent leur relation fraternelle à un certain moment, la suspicion ne s'efface guère, et l'on croit que l'hystérie pourrait venir aussi bien du crime que de la passion amoureuse.

L'aspect de la sexualité semble être inattendu pour Jean-Xavier : "au début je savais pas, et lorsque j'ai vu ce qu'ils ont joué, je dis: ouh lala...:)" Pour moi en revanche, la sexualité improbable entre la soeur et le frère est bien un succès, c'est un plus presque nécessaire car cet aspect brouille la perception facile, complique les émotions et empêche le jugement efficace. Notons d'ailleurs que l'inceste est un sujet aussi tabou que celui du meurtre au sein de la famille.

Si l'on parvient à comprendre que la pulsion émotionnelle n'est pas à cause de l'amour sexuel, il faut attendre encore un petit moment pour que l'insupportable meurtre de l'adolescent d'alors soit remis en cause après ses 15 ans de prison au début de sa liberté conditionnelle, et que les questions se posent, que la tension tienne entre l'expulsion et le traumatisme.

L'explication du crime d'enfance ne se trouve pas, au lieu de donner la bonne réponse (comme l'a fait maladroitement le scénario du Il y a longtemps que t'aime), le film interroge, et représente la réconciliation tendue et momentanée entre le frère et soeur. L'amour et le déchirement se mèlent, d'un côté la soeur aide le frère à se confronter au crime qu'il a commis et à en trouver une raison, de l'autre, le frère essaie de sauver la vie foutue de sa soeur, la seule personne à laquelle il tient dans ce monde. S'aperçoit une sorte de grâce entre les deux, au sens presque religieux.


La clôture de l'histoire se transforme en un drame, qui surprend, et dans lequel se poursuit le ton général du film, celui de l'abandon et de la fragilité. Le frère qui a fait un doctorat de philosophie dans la prison, est allé faire un crime délibéré dans une librairie où il a récité par coeur les auteurs dont les noms m'échappent: afin de retourner dans sa vie emprisonnée, de laisser tranquille sa soeur et le bébé à voir le monde.

Pourquoi faire ça? Demandent certains journalistes. Le réalisateur répète donc que ce film, inspiré d'un fait divers dans un journal, n'est pas pour donner une explication qu'on ignore, mais pour traiter la relation complexe entre le frère et la soeur. C'est exactement sur ce point que j'ai rendu compte que ce film est profondément humain. L'humain, c'est présenter une vision complète du bien et du mal, un regard égal envers le criminel et sa membre de famille, c'est essayer d'être sincère et honnête. La complexité est la nature de l'être humain, en effet, tandis que les moeurs font les catégories suivant le bon fonctionnement des sociétés. Et le droit? Est-ce l'envers de l'humanisme? (ou qu'il en est le bas côté, comme je l'avais interrogé?)

Une scène m'est survenue dans la tête lorsque je discutais avec le réalisateur : celle du vertige du frère sous la grande lumière du jour, lorsqu'il s'étend sur une chaise à la station du ski. La caméra tourne et monte, éloigne le jeune homme comme si elle avait envelé quelque chose en lui; une lumière blanche et violette couvre son visage.

Je demande comment il a conçu cette scène. Il dit que si tu veux vraiment le savoir, ça vient de Camus. "L'Etranger?!"le titre m'arrive comme un déclic. Il affirme: le grand soleil, le vertige sur la sable, le tir aveugle. L'absurdité. Tout d'un coup je crois avoir compris mieux que jamais ce film, l'aspect irrationnel qui est proche de la vérité des choses. Il dit qu'il aime beaucoup Camus, je dis que l'Etranger est l'un de mes livres préférés: "Aujourd'hui, maman est morte, ou peut-être hier, je me souviens pas...("je ne sais pas" plutôt, selon le texte original)" "Voilà...la douleur enfermée à l'intérieur...forte mais qui ne... sort pas...Sans pleur...sans bruit..." Et un état étrange, isolé, en dehors de là où il vit. On se comprend.

Enfin, découvrons le titre. La version chinoise est traduite de l'anglais "Welcome Home" qui ne plaît pas à M. Lestrade. Un titre, c'est essentiel et intentionné, pourtant les Américains ont cherché probablement à être efficace, et les Chinois les ont suivi. Un autre anti-exemple: l'une de ses oeuvres précédentes, celle avec laquelle il a accroché un Oscar du Meilleur film documentaire, s'intitule "Un Coupable Idéal" en français (parce que le garçon noir innocent est un coupable fabriqué par la justice locale), et est devenu "Murder on a Sunday Morning" dans la version en anglais puis en chinois. Nom de Dieu, ça désarme le titre.

Cette première fiction du réalisateur s'intitule "Sur ta joue ennemie": l'évidence de la difficulté de traduire. Parce que c'est une phrase de poésie mallarméenne qu'il a découverte par hasard lors de sa réalisation, et que le hasard contribue à la révélation des ineffables.

Dit: "De ce blanc flamboiement l'immuable accalmie."


--------------------------------------

TRISTESSE D’ÉTÉ

Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l'or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l'encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.
De ce blanc flamboiement l'immuable accalmie
T'a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l'antique désert et les palmiers heureux ! »

Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l'âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas !

Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s'il sait donner au coeur que tu frappas
L'insensibilité de l'azur et des pierres.

Stéphane Mallarmé, Du Parnasse contemporain





Jean-Xavier à l'interview avec ICS(International Channel of Shanghai)


La patronne m'a demandé d'arrêter d'appeler Lestrade et de l'appeler soit M. Lestrade (ou M. de Lestrade, je ne sais plus...), soit Jean-Xavier, soit Jean-Xavier de Lestrade. J'ai préféré de l'appeler Jean-Xavier.

Jean-Xavier a fait le droit avant de faire le journalisme et les documentaires. Le droit, comme la philo, sont devenus pour moi deux disciplines sacrées, et les gens de ces deux disciplines que j'ai rencontrés jusque là sont presque tous très charmants et cultivés, intéressants de discuter avec, et, comme Jean-Xavier, ont un regard calme et rassurant.

J'ai fait la traduction pour Jean-Xavier dans son interview avec l'émission Pin·Wei(品·味)du SMG(Shanghai Média Group, ou bien, selon une collègue française, la marque d'un yahourt sans matières grasses:))). Les questions posées par le producteur qui est un critique de musique que j'admire, sont selon Jean-Xavier les meilleures qu'il a reçues durant ce voyage en Chine. Dans cette interview, il a pu parler des essentiels. Il a parlé du fonctionnement de la justice, de la nécessité de la diversité et de l'ouverture aux autres. En répondant au producteur, Il dit qu'en effet, pour faire les documentaires, les principes de l'observation sont la logique, l'exactitude, l'humilité, et qu'en plus, il faut ajouter la tolérance. J'ai été heureuse d'avoir suivi cette interview.



31/03/2009

Aïya...Binoche.


il y a trois ans, j'étais dans la même salle voir une pièce de théâtre. Aujourd'hui le théâtre a changé de nom et ne s'appelle plus Bei BingMaSi JuChang.



Finalement je suis allée assister à la master class de Binoche. C'est obligatoire parce qu'il y a de la presse.

Je ne suis pas fans d'elle, je l'ai su lorsque je l'ai vue entrer dans le bâtiment. Si c'était Duras, ou Clézio, ou peut-être Klapisch(à expérimenter...) devant moi, je serais beaucoup plus excitée. Mais là j'étais bien calme, seulement pendant les premières deux secondes ai-je cru avoir confondu le monde du cinéma et celui de la réalité.

Elle ne ressemble pas à un grand star, tellement que j'ai failli ne pas la reconnaître. Je l'ai reconnue après avoir reconnu ma patronne. "Elle est comment??" Ma collègue chinoise me posa les questions lorsque je suis rentrée dans le bureau, "Normale." j'ai dit ça parce que c'est ce que je pense de Binoche et que c'est le premier mot qui me revient à la tête. "Comment normale...Charmante?" "Bah...elle est bonne, c'est tout.""Bonne? C'est abstrait, le mot."


Voilà, c'est abstrait, c'est très exact. La beauté de Binoche est abstraite car physiquement, elle n'a pas une allure étonnante; c'set d'ailleurs son côté quotidien que j'ai notamment apprécié d'elle et qui lui a fourni un aspect très humain. Elle possède pourtant un certain univers en elle et cet univers se voit et se sent: l'ingénuité qu'on peut saisir par moment dans ses yeux, malgré son âge, et la passion. La passion de force et d'énergie comme ce qu'on peut voir dans "l'Amant du Pont neuf", une force disons meurtrière, qui s'aperçoit dans son geste, à travers son corps, son regard, son anglais avec un bon accent américain(ahahh, elle aime parler tantôt fluently le français, tantôt couramment l'english, ce qui ne dérange point le super travail de l'interprète française). C'est probablement avec ce fonctionnement du corps qu'elle a pu réussir à danser partout dans le monde une histoire d'amour avec un maître chorégraphique.


Juliette! (tous droits réservés)

Et autour de cette danse qui n'est pas sujet principal de la master class/leçon de cinéma, elle a dit de belles phrases: "Make it there, then make it happen." "When I dance, I do a mouvement provided that my body feels it. It's a kind of sensation which desides. Not the mind."



photo shoot pro et pro-photo shoot




la fillette est trop mignonne. Durant toute la class elle se met en avant et prend les photos, drague un jeune étudiant-photographe avec qui elle échange les expériences photographiques et prend les photos tous les deux. Et on a l'impression qu'elle joue une mannequin car elle pose tout le temps et qu'elle pose très bien et très naturellement. Pour une fois elle est allée aux pieds de Binoche et celle-ci s'arrête et dit: je sais que tu veux de moi. L'actrice est sur point de terminer la leçon et elle se met au bord de la scène, dessine attentivement sur son cahier: un autre album de dessin "In-Eyes" comme celui de Binoche, qui sait.



29/03/2009

Lao Wang et les 35mm

C'était la première journée de la projection de presse. les journalistes à pékin sont gâtés parce qu'aucunes des trois autres villes du festival n'offre ce service à leurs journalistes. A Pékin les journalistes peuvent voir les films qui les intéressent parce qu'il y a un petit cinéma à CCF.

C'était la première journée de la projection de presse. On aidait Lao Wang à ranger les bobines dans le cabinet de la projection: là où se trouve, vue de la salle de cinéma, une petite fenêtre sacrée à travers de laquelle se projette une lumière blanche sur le grand écran.

C'était la première fois que j'ai vu de mes propres yeux les bobines de pellicules. Elles sont très lourdes, chacque film a en moyenne 5-6 bobines qui pèsent un peu plus que ma valise de 20kg. Dedans sont les films en état originel, sur les pellicules de 35mm, ou de 16mm pour les courts métrages, demeurent les images et les sons, les soutitres chinois récemment gravés dedans.

J'étais émerveillée. Je ne voulais pas quitter le cabinet et je restais voir Lao Wang projeter le film. Lao Wang me montra la grosse machine. Tiens, ça, la machine de la projection. Un immence système, dis-donc!

Tout est en chaîne. Là- haut, le pellicule rentre, s'y jette la lumière très forte, (il faut vraiment que ce soit très fort), pour projeter l'image sur le grand écran. En bas, un petit organe qui analyse le son, le transmet jusqu'à l'autre grosse machine dans le coin pour que le son se produise. Voilà le secret.

"C'est de la technique de pointe, tu sais. Au début on avait pas ce genre de machine, on avait une machine des années 30s et 40s; ça évolue au fur et à mesure...Les pellicules étaient de mauvaises qualités et parfois, s'ils sont bloqués là-haut, et que la lumière y restait, ça brûlerait." J'étais épatée. Je me suis rappelée de ma visite du musée à la cinémathèque de Paris. C'était en voyant les différentes sortes d'anciens cinématographes, en expérimentant les jeux visuels, que j'avais compris tout d'un coup que le cinéma est une véritable industrie, dans laquelle le mécanique est l'un des primordiaux.

"Au début...vous avez toujours fait la projection?"
"Ca fait plus de 20 ans que je suis là, tous les soirs, à projeter les films!"
"Ah!!! Combien de films vous avez vu donc!"
"Aïya... t'imagines, hein, 20 ans, ça veut dire quoi, ça veut dire que, tout compte fait, le moment où je mange avec la famille ne dépasserait pas un an en total!"

Voilà la différence de la logique. Lao Wang dit qu'il a été dans le petit cabinet de projection du cinéma du centre culturel français depuis 1987, si sa mémoire est bonne. Tout a existé donc depuis plus de vingt ans. Quelle ignorance pour ma part, moi qui croyais que ce centre n'existait que depuis fin XXe siècle. Et depuis plus de vingt ans sont projeté les films en pellicules, les 35mm ou 16mm. Les pellicules qui ont marqué la vie de Lao Wang qui devient l'homme de la projection, sous la main de qui sont passés je ne sais combien de films et combien de genres de films.

Les 35mm, d'abord c'est cher, ensuite c'est de vraies images. Mon collègue documentariste m'expliqua: tu sais, les pellicules, c'est du mercure. Quand on tourne, ce qui se produira, c'est la réaction chimique: les images s'y gravent dessus pendant que la surface du pellicule est relativement rongée, d'où l'effet de la profondeur du champ. (En numérique les images se voient bien plates, il est vrai). Si tu le regardes horizontalement en le mettant au niveau de tes yeux, tu verras de minutieux reliefs sur le pellicule.

Les images des films tournés sur les 35mm sont donc réelles, c'est-à-dire qu'elles existent, ne sont pas virtuelles comme celles en numérique, dont la vue se réalise suite à un jeu de composition optique; ne sont pas les fameux simulacres mais les "copies" selon la théorie de Baudriard le nihiliste.

Et sur chaque "copie", sont enregistrées un énorme nombre de photos qui tournent à une vitesse de 1/??? par seconde pour produire les mouvements sur l'écran et pour faire croire qu'une histoire y est en train de se passer.

Au final, le cinéma, pour certains, c'est l'alchimie des visionnaires. Un véritable art. Pour d'autres, tourner un film ne se dira plus, se dira tourner 5G d'histoire par ex, ou tourner 10 piles, dans je ne sais combien d'années où les pellicules auraient tous disparus. Pour d'autres encore, le cinéma n'a jamais existé; ce sont simplement les séries de signes de spectacles.

Pour Lao Wang, c'est simple, le cinéma est les bobines, la machine, les lumières, une salle obscure devant lui, la petite fenêtre d'où il peut regarder vaguement les films, un cabinet de projection, de belles besognes.

25/03/2009

SKHiZEiN- philo de la distance

Présentation: Un court métrage de Jérémy Clapin. Réalisé en 3D, un format pour lequel je n'ai pas le goût prononcé, mais, je dois avouer, celui-là est censé le meilleur parmi tous les courts métrages sélectionnés.

Résumé: si un jour une astéroïde tombe sur vous et qu'elle vous sépare en vous et vous', en séparant votre vie en vie et vie'?

Exemple: Vous allez ouvrir la porte. La porte (qui "est") est censée être devant vous mais elle apparaît de vue à 91cm plus loin de vous. Vous tendez la main dans l'air et faites un geste pour tourner la poignée, censée être devant vous mais qui se voit à 91 cm plus loin de vous, la porte s'ouvre.



Extraits:
- "On précise jamais au x gens de combien il s'en faut. On dit juste qu'ils ont perdu leur boussol qu'ils sont à côté de la plaque...Bon mais...quoi."
- "Alors un peu plus un peu moins...finalement, à quoi ça peut servir de savoir? Savoir de combien de centimètre on s'est éloigné? Hé bien la seule chose dont je suis aujourd'hui, c'est que d'où je suis, ça me fait plus rien. Plus rien. " (voix-off: "JE SUIS Là!!--")


***

Extension:

Il y a une semaine. En réunion pour faire le point sur le planning global. A l'étape du tapis rouge de la soirée d'ouverture.
Patronne: " Quand vous accompagnez les stars les invités, il faut éviter d'être trop proche d'eux pour que les journalistes puissent les prendre en photo... vous vous ne rentrez pas dans les photos...mais attention, faut pas non plus que vous soyez trop éloignés: eux ils vont te chercher. Tu vois, c'est bien délicat et moi je ne sais pas le faire, j'empêche tout le temps la vue des journalistes :))) Donc faut voir comment garder cette distance."
Delphine: "ah on peut mesurer 91 cm d'à côté d'eux..."



***

Extension' :

Akram Khan et Binoche sont arrivés à Shanghai. Danse "In-I" dans deux jours. Ce soir le lancement de la deuxième tour de conf de presse à Shanghai'. La patronne est dite crevée.

Ce soir' il y aurait eu un "déguste!" , de gastronomie et d'art visuel: performances et installations réalisés par Bequemin et Sagot. Intitulé: "Nous nous sommes tant consumés..."

Le déguste voyagera à pékin le jour de l'ouverture. Je sais que je n'aurai pas de temps pour déguster leur oeuvre mais j'aimerais bcp les voir sur place.


***

Bilan:

Delphine travaille till late ces jours dans la cellule de communication.

Nous nous sommes tant communiqués...



15/03/2009

Hé~ Rumba!(le film)

RHUMB ou RUMB n.m. (...) altération (sous l'influence de l'espagnol rumbo et de l'anglais rhumb) de rym de vent, de l'anglais rim "cercle extérieur d'une roue" MAR. Quantité angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent du compas, et égale à 11°15'.
[--Dictionnaire le nouveau petit Robert 2007, pp.2250]

RUMBA: danse à mesure binaire, dont le rythme se compte en 4 temps. A la différence du cha-cha-cha, pour laquelle on compte un-deux-trois-chacha, dans le pas de base de la rumba, la mesure est comptée comme deux-trois-quatre et/un. Le premier temps est le temps fort, mais on part sur le dernier temps qui consiste en une suspension: entre 4 et 1, c'est le temps majeur où l'on fait un mouvement de hanche et une rotation. (Source)

"La rumba évoque pour nous quelque chose de profond, de physique, de sensuel." -
-- Le Trio Réalisateurs


RUMBA : "...un film d'humour belge, une histoire d'un couple qui tombe puis se relève, qui retombe puis se rerelève, qui reretombe puis se rererelève, qui rerere..."


L'annonce de la sortie du film en France était ainsi répétée d'un ton hilarant, sur France Info en septembre de l'année dernière. Je n'ai pas pu retenir le nom des réalisateurs, et pourtant, je me suis souvenue que c'était la "Rumba" parce que c'est l'une de mes préférées parmi les danses argentines, et que la critique disait que le film marquait un style renouvelé et exceptionnel du cinéma belge, déjà pas mal évoqué dans les brochures de projections pendant les vacances du Cinéma Rive Gauche de Perpignan. Comme j'étais alors au dernier stade de la rédaction du mémoire, puis aux préparations du départ de Perpignan, je n'ai vu ce film ni à Perpi, ni plus tard à Paris.

Je deviens ravie lorsque j'ai vu le nom de Rumba dans la liste des films sélectionnés pour cette édition du Panorama, et que j'ai compris qu'il s'agit bien de Rumba le film belgique que j'ai entendu parler à la radio l'année dernière mais que j'ai manqué. En voyant les premières scènes du film, je ne peux m'empêcher de crier: c'est encore eux!

C'est bien eux, le trio qui a réalisé l'Iceberg: Abel & Gordon, Bruno Romy. J'ai vu l'Iceberg un peu plutôt en été dernier, séduite justement par le dit "style renouvelé du cinéma belge". Cet après-midi-là, il faisait chaud dehors, il n'y avait pas bcp de gens dans la petite salle. C'était un sentiment frais que j'ai eu pendant la projection de ce film. D'abord la fraicheur du style: un style que je n'avais jamais découvert auparavant, d'autant plus admirable que je me trouvais un peu lasse des fictions françaises teintées de noirceur projetées à l'époque. C'est une sorte de comédie grotesque qui fait sourire non pas avec les langues et les mimes mais avec le corps entier des acteurs. On allait presque dire dans un premier temps que ce n'étaient que les conneries, que qu'est-ce qu'ils jouent, ces clowns sur scène cinématographique.

Néanmoins, les choses sous-jacentes peuvent atteigner le coeur de manière inattendue, et sont marquées d'une ingénuité qui va à l'encontre de notre époque, d'une irrationalité féérique relevant de l'enfance: quels sentiments choisissez-vous, devant la scène où Fiona, deux cônes de crème glacée à la main, revient au port chercher l'homme muet et sourd, alors que ce dernier s'éloigne déjà sur un canot? En rire parce que c'est "deux cônes"? (quel jeu de mots, imaginons que la vendeuse de gelato vous demandera l'été prochain: vous voulez la cône ou le coupe?...) ou donner un léger soupir pour ce rdv manqué?

La vision de féérie, ou de fable empathique, a été largement soulignée dans la décoration et le repérage: les endroits si bien colorés et d'une sensation oniriques, les dessins dans la petite chambre maritime de l'home muet et sourd, devenu le naif troisième du couple; l'orage sur mer qui semble avoir eu lieu dans un espace imperméable, la danse près de la jetée ecossaise qui ressemble à celle de St Andrews...

Le passage de l'Iceberg à Rumba est marqué tant par une continuité évidente sur la conception générale du style, qu'un développement linéaire et parallèle sur le plan thématique. Tous les titres impliquent le mélange des langues et donc des cultures, la scène de la chambre à coucher se répètent en se variant dans les deux films. Dans l'Iceberg, c'est sur le thème de la quête indéfinie d'un sentiment et d'une vie d'ensemble véritables du couple, mêlée de l'égarement mentale, géographique voire temporel; dans Rumba, le couple part de l'état idéal d'une vie nuptiale au premier temps(le temps fort, comme indique le principe de la danse), pour se confronter aux vicissitudes de la réalité tout en tenant la faible espoir d'optimisme. De l'Iceberg à Rumba, l'évolution est ce que l'expérimentation ultraréelle est devenue plus pieds sur terre et donc plus populaire: c'est donc judicieux que, avant que le Panorama ne commence, les distributeurs basés en Chine ont déjà décidé d' acheter Rumba, censé pouvoir mieux plaire au public chinois et rafraichir leur goût pour l'amusement teinté de noirceur.

L'humour à la belge, c'est ça qui fait signature pour ce trio réalisateurs qui ont fait ces deux films. A ce sujet, je me souviens du propos d'une professeure universitaire belge à l'occasion d'un colloque sur le thème du "Rire Européen". Avant de parler de l'humour belge, elle se plaignait, elle disait que ce n'était pas juste que tous les européens, et particulièrement les Français, et plus particulièrement les parisiens dont elle ne supportait pas l'arrogance, se moquaient des belges. Elle citait les blagues françaises visant aux belges, elle déplorait qu'à Paris, les chauffeurs pouvaient se montrer insolents en attendant les feux verts juste parce que sur le panneau de sa voiture était marquée BE. Elle se plaignait et elle riait elle-même, toute la salle riait avec elle. C'était la première fois que j'ai connu l'humour belge et son charme étrange. J'étais impressionnée par sa personnalité, par sa présence même qui évoquait le rire sympathique: tout le monde était bien sérieux (mais que veut dire être sérieux...), elle l'avait l'air aussi, mais elle était avec son chien et quand elle allait monter sur le plateau et parler au micro, elle emmenait son chien: un petit chien noir de poils frisés qui était très sage durant tout le colloque. Je trouvais merveilleux cet accompagnement intellectuel.

L'humour belge n'est pas forcément un humour noir, comme appellent certains médias chinois qui disent qu'une large partie des films de cette années sont de ce genre. Au contraire, c'est un humour provenant de l'âme blessé, un rire de celui qui souffre, et c'est ça le plus réel et le plus sincère des choses de la vie. C'est un style amer et chaplinien, non pas en noir-blanc mais coloré de manière extravagante; une drôlerie à la fois décalée, inattendue et profonde, tellement que le rire même peut nous échapper.

"Une poésie burlesque", voilà le bon terme. Burlesque l'amour nuptial, burlesque les souffrances de la réalité de la vie : impossible d'y échapper... Et alors?

Rien... Rient.


(la dernière phrase est le propos d'une invitée lors de la réception de l'ambassade dans le film India Song de M. Duras)







"Notre film raconte la quête burlesque d'un couple heureux, totalement abandonné par la chance, qui court après le bonheur perdu et s'en éloigne un peu plus à chaque pas. Il parle de la maladresse humaine, de la fragilité du bonheur et du besoin d'amour. Le destin cruel et malicieux qui s'acharne à faire trébucher nos héros dérisoires révèle le côté insubmersible de l'être humain, son optimisme sans cesse renouvelé, son espoir inépuisable. Que reste-t-il quand on perd tout ce qui fait notre bonheur ? Pour nos personnages, au bout du voyage, ce qu'il reste, c'est l'amour, égratigné, fragile, mais bien vivant."


-- le Trio Réalisateurs



Le film:
Réalisateurs:
Dominique Abel & Fiona Gordon, Bruno Romy
Titre: Rumba Date de sortie: 2007 Pays: Belgique Genre: Fiction Durée: 77'
Site Officiel: www.couragemonamour.net



09/03/2009

Poster



F1: voila la derniere version du poster...tu trouves bon cette fois?
Patronne: Euh... je vais voir...il en manque encore quelquechoses...Mais oui! nous allons insérer nos photos parmi les gens là, devant, sur les pelouses...puis au loin, là, une tête devant la fenêtre: "Coucou--" ...
Vous trvouez ça comment?"



Trouver...Je sens que je ne me trouve pas justement depuis ce week-end.
Je me trouve trop remplie et évacuée en même temps.
Les films à voir, la traduction de livre impossible de finir à temps, la relecture, le ménage, les rdvs, et puis la natation.
Oui, j'ai recommencé la natation.
Dans chaque ville que je suis, j'ai besoin de trouver les endroits pour me baigner.
Et les choses à écrire, qui surgissent et ne me quittent pas jusqu'à ce que je les littéralisent.
Avec mon emploi du temps actuel, la roue de la vie roule tout droit et, malgré mon intérieur plutôt still, roule au rythme accéléré, et qui surprend, sans trop laisser y réfléchir.


07/03/2009

Combien de temps encore??

Ca va pas.

Ca va pas très bien parce que j'ai finalement vu Deux jours à tuer de Jean Becker. Avant de voir ce film, j'ai fait parler de ce film à plusieurs reprises, mon collègue chinois refuse à chaque fois de rentrer dans les détails, disant qu'il me faut voir en personne pour juger. Une autre collègue dit que c'est un film parmi d'autres. Un film, quoi.

Je rejoins mon collègue.

Par respect des lecteurs qui n'ont pas vu ce film, je ne parle pas non plus de l'histoire. Parlons d'autres choses que de l'histoire même. J'ai d'abord été saisie par le regard d'Antoine joué par Albert Dupontel, un regard semblable à celui du poissonnier, joué par le même acteur, dans le film Paris. Cet acteur réussit durant tout le film à exprimer l'indicible: un coup de destin énigmatique et toutes choses ont désormais changé dans sa vie. Sa malveillance, son envie de sabotage sur toutes les relations ne se font pas comprendre par son entourage. Et lui se laisse jeter les mots, commettre l'irrémédiable-- pas tant que ça, quand même. Il a juste dit les sombres côtés sur les vérités de la société qu'il perçoit, les vérités qu'on n'en dit jamais, ou très peu: sur la fausseté des textes publicitaires, l'égoisme et l'arrogance, la manque de confiance trop facile, la charité qui ne fait pas plus de bien à l'autrui qu'à la personne même, les "connaissances" plutôt que "les amitiés". Ce sont soit ces mots qui percent, les idées presque taboues que l'on cache souvent pour maintenir l'harmonie de la société et des relationnels, soit les propos délibérément irritants pour irriter ses bien-aimés.

A la soirée de son anniversaire, son visage tendu est comme un masque modelé, celui dans une tragédie ancienne, ses yeux brillant de folie: on dirait un être occupé par le diable.

J'admire les jeux de l'acteur. J'admire en général ceux qui parviennent à communiquer leur état d'âme simplement avec leur air et regard, sans mots dire, et qui fait pour autant frissonner d'angoisse anonyme.

Au niveau du scénario, j'ai trouvé le déroulement d'histoire particulièrement naturel. Sur ce point, je pense à deux autres films: Paris, qui n'a pas d'histoires linéaires mais entrecroisées, et Le Silence de Lorna, meilleur scénario du Festival de Canne 2008. Ce meilleur scénario m'a déçu lorsque je l'ai vu l'été dernier, il a un sujet sensible certes, qui parle des affaires de mariage international payé pour obtenir la nationalité française. Toutefois, les petits tracas ne stimulent pas plus le spectateur, sans doute parce qu'ils manquent de force sentimentale, mais aussi parce que la fin du film m'a semblée assez banale: suspence de l'histoire. C'est trop facile de laisser l'héroine dans une situation de n'importe quoi et puis point barre.

Il faut dire que la fin de Deux Jours à tuer n'est pas extraordinaire non plus, et ce genre de sujet a déjà été traité en plusieurs reprises. Mais en même temps, l'important pour un tournage à nos jours, tout comme pour l'écriture, ne serait pas "qu'est-ce qu'on tourne" mais "comment", question de construction et de composition des histoires, des conditions et des idées.

Si j'insiste sur le mot naturel, c'est dire que la connection des faits est très fluide. Les malentendus et le sort maudit continuent à se succéder parfaitement, comme le destin l'a présagé, et ce qui permet d'imprégner les spectateurs dans les sentiments des personnages. Becker a surtout su utiliser la caméra pour rendre pleine une impression, protéger la vérité pour qu'elle reste dans le hors-champ et que les spectateurs aient un espace d'imaginaire et un moment de reconstruction des plusieurs parties de l'histoire: une approche bien traditionnelle, très littéraire d'ailleurs, au sens sémiotique.

On trouve déjà tant de signes dans les mots, dans la prononciation des mots et les sentiments qui s'y incarnent, dans les gestes. Dans l'accent aussi: un trucage identitaire facile à reconnaître. "Je me tire", crie l'homme déprimé, et part en bateau vers l'autre continent où l'on parle l'anglais. Ainsi, tout le plan où Antoine parle avec un homme devant un bistrot semble juste pour informer le lieu où se trouve le héros: on entend un fort accent ecossais, ce qui me surprend pendant 3 secondes, je l'avoue, car j'avais pris l'habitude d'écouter cet accent qui a marqué mon séjour à St Andrews et que je n'aime tjrs pas trop parce je l'ai trouvé bien théâtral et curieusement néfaste. "Irlande", est évoqué plutôt ce territoire-là dans les conversations d'Antoine avec le vieil homme qu'il rend visite. Ah bon. Je ne suis pas resté suffisament longtemps en Irlande pour savoir que les gens y ont le même accent que les Ecossais. Mais passons.

Le titre en est un autre point où s'aperçoit le charme ou la force des lettres. En français, Deux jours à tuer, en anglais, Love me no more. Une certaine contradiction se trouve entre les deux versions, et c'est exactement le même cas pour un autre film réalisé par François Ozone: Le Temps qui reste en français, Time to leave en anglais. J'ai connu ce film grâce au "Movie Night" organisé dans ma résidance de St Andrews, la différence des titres aurait provoqué un petit malentendu entre quelques amis anglophones et moi, avant que ça ne devienne une blague à en rire.

Toute explication est inutile dans le film, voire interdite par Antoine lui-même. Les choses se révèlent au fur et à mesure et semblent le faire automatiquement. On a compris seulement à la fin du film qu'Antoine aurait osé communiquer à sa femme son petit secret, son germe de folie son mal, dans le jeu d'enfant, dans un échange de clin d'oeil simplement...Et je regarde le visage de cette femme derrière le vitre, je me dis qu'à sa place, je mourrirais de mal au coeur, un mal que je crois avoir bien connu et que bien des femmes auraient connu.

Plongée dans l'idée même, j'ai entendu surgir une voix rouillée qui résonne en monologue. J'ignore de qui est cette voix. Je me dis que ce devrait être la voix de Becker, vieilli, qui a vécu toute une vie de cinéma et à qui l'on devrait rendre le respect. Si c'était moi qui tournais, je réserverais sans aucune doute ce moment précieux de noir pour moi-même, pour crier et interroger moi-même: comme intitulé.

(l'article commencé le 05/03/09)


20/02/2009

Il y a longtemps que Philippe Claudel veut honorer Rohmer (mais en est loin)

-Li Peng, Delphine, venez!!
-Oui?

-Alors...bonne nouvelle: Il y a longtemps has received yesterday the Golden Globes Awards best actress and best foreign film aux Bafta Awards à Londres.
-Wow... C'est quoi le XXX Awards?
-Hé bien...disons que c'est Oscar britannique!



Il y a longtemps que je t'aime, ou I've loved you so long en anglais, ou encore爱你已久 comme traduction officielle en chinois. J'ai connu ce film de nom, non parce qu'il est dans la liste des films sélectionnés pour le Festival Panorama, mais que le lettré shanghaien qui est l'invité du ciné-club m'avait dit que ce film serait projeté fin février à l'Af Shanghai et qu'il voulait savoir ce que j'en pense.

Ce que j'en pense sur ce film, apparemment très affirmé par le public français et anglais, se résume en quelques mots: Un peu de tension, beaucoup de douceur, et de douleur. Très littéraire. "Rohmer est Racine du XXe Siècle. Vous en êtes d'accord?" dans le film lors d'un dîner des collègues, l'un des profs de littérature a donné cette parole. Voilà l'essentiel de tout, enfin!

Ce qui m'attire dans ce film, c'est, primo, le fait que Philippe Claudel est écrivain qui devient réalisateur pour tourner un film; secundo, le titre qui accroche et qui trompe, avec lequel on ferait facilement lien à une histoire de coeur. Ma collègue chinoise qui a traduit les synopsis a même renoncé à voir ce film en premier parce qu'elle en a un peu peur, ce genre d'amour qui dure "longtemps" et, avec ce portrait d'affiche impassible qui couvre pourtant qch, contiendrait forcément les drames voués à la déchirure.

L'aspect dramatique a en effet marqué ce film. Tant de petits inattendus surgissent, de petits secrets se dévoilent, à partir du moment même où Juliette monte dans la voiture de sa petite soeur Léa qui la croyait ne plus exister. L'identité de Juliette seule trouble et produit une double tension: d'un côté, le fait qu'elle a été condamnée de 15 ans de prison parce qu'elle a tué son propre fils--et on n'a jamais su pourquoi, rend nerveux le mari de Léa, père de deux petites filles adoptées, à chaque fois que Juliette et ses enfants se rapprochent. De l'autre, la nouvelle vie sociale de Juliette s'avoue difficile, non seulement les gens ont peur des "prisonniers"(la même peur qu'on a pour les HIV positives, les schizophrènes, parfois les psychiatres), encore que cela relève du passé, mais une personne longtemps enfermée physiquement et mentalement comme Juliette ne sort pas sans peine de cet état d'être, se trouve à l'aise seulement avec les livres qui l'ont accompagnée dans sa vie emprisonnée, et devient hyper farouche et sensible pour se défendre brusquement et se montrer provoquante. D'autant qu'elle ne sait ni ne veut mentir, dit ce que les agents de police lui ont dit à ceux qui allaient l'embaucher: j'ai tué mon fils de 3 ans. J'ai été en prison pendant 15 ans. A quoi s'attendre alors d'une femme qui a commis le crime censé l'un des plus graves et atroces qui choque sans merci?

Toutes les tensions autour de la mort et de la moralité que Claudel a su installés sont bien raisonnables, les sentiments d'angoisse, de douleur et d'incertitude se transmettent avec la sensation de nervosité et de mauvais préssentiments, bien merveilleusement interprétées par l'actrice Kristin Scott Thomas comme à travers le langage imagier qui parfois évoque le style polar hérité de Hitchcock: l'agitation du mouvement de poursuite de l'oeil-caméra; une coloration de la lueur crépusculaire à l'intérieur de la chambre où se trouve Juliette et l'enfant, rendant l'ambiance de la scène à la fois douce et douteuse; et les faux présages tels que le gros plan du couteau qui coupe la gâteau d'anniversaire, et avec lequel on irait penser que ça préparerait sinon un assassinat, au moins un enlèvement, tandis que ni l'un ni l'autre n'aura pas lieu.

Il m'a semblé néanmoins que plusieurs des hauts moments dramatiques ont été cherchés: trop brusques ou trop délibérés pour être naturel. Prenons la suicide de l'homme divorcé qui a aidé Juliette pour son nouvel emploi et qui a du sentiment pour elle :c'est un fait annoncé comme coupé de la scène où Juliette se rend au commissariat pour signer un certain rapport de nouvelle sortie. " Si son voyage en Toritolio(?) dont vous parlez veut dire deux coups de balle à la bouche, je dis oui." cette nouvelle s'est ainsi transmette à Juliette stupéfiée. Il y a certes les liens entre la suicide et Juliette, mais la dose du bouleversement sentimental me semble être inutilement surmesurée.

Cette insuffisance du naturel est dû probablement au rythme différent de la mise-en-drame entre un roman et un long métrage. La narration de ce dernier étant plus dense, il est donc plus délicat de soigner les interstices entre les événements pour qu'ils soient vus comme un tout en environ 2H de spectacle. C'est aussi sur ce point que je dis que Claudel ne maîtrise encore pas la caméro-stylo qui a marqué Rohmer. Dans les films rohmériens, dont l'Ami de Mon Amie que j'ai vu il y a quatre jours (c'est grâce au rétro de Rohmer organisé au CCF à Pékin), les histoires sont en général très fluides, et c'est dans la fluidité que se déroule le jeu du genre "Ah, c'est encore vous?!" , où toute une série de croisements manqués avant le bon couplage final. On y trouve aussi les éléments disons délibérés, comme la couleur des vêtements de chacun des deux couples qui se répondent, et qui concluent que les couleurs différentes, plutôt que celles homogènes, font de bons couples: une composition délibérée, faite par ingénuité et par humour, par philosophie aussi.

La pratique d'éléments délibérés chez Philippe Claudel se voit à travers les détails du film, et l'une des réussites évidentes en est le titre. C'est seulement au 2/3 du spectacle qu'on arrive à comprendre qu'il s'agit plus directement, autour de ce titre d'accroche, d'une chanson d'enfance qui relie Juliette renfermée et Léa qui sauve et défend l'âme restituée par l'amour. Le sens amoureux incarné dans ce titre s'affirmera plus tard: le nouvel amour de Juliette avec le prof littéraire(qui a enseigné dans la prison et qui aurait lui aussi commis une crime et vécu la vie emprisonnée) germe, au fur et à mesure que les deux se rapprochent, se sauvent de l'enfermement partagé en s'ouvrant peu à peu la partie grise de leur âme aussi bien que leur sombre passé indicible.

Cet épisode bien romanesque est à mes yeux l'un des mieux construits dans le film, et cette relation amoureuse même occupe la moitié du noyau de l'histoire qui touche. Or, la douceur de l'épanchement réservé (qui ne se font pas à n'importe qui!) et l'équilibre entre ces deux âmes reconstruites gâche un peu lorsque la vérité s'est révélée au dénouement, et qu'elle déstabilise ainsi toutes sortes de tensions durant la projection : l'innocence de Juliette.

C'est un plaidoyer sentimental de trop qui vise décidément à provoquer les larmes. Ce résultat même m'a semblé anormal(ou trop banal, du point de vue de la dramaturgie cinématographique) pour ne pas dire absurde : ça alors, tout effort que le spectateur a fait pour croire à la Juliette refaite n'a pas de fin. Le crime n'a jamais eu lieu, ce qui renverrait une petite vengeance morale à ceux qui auraient exprimé le mépris. D'autres parts, la lecture qui sauve, le pouvoir magique des livres que Claudel n'a pas manqué d'honorer, et qui aurait largement contribué à la reconstruction de l'âme coupable, se dissiperait pour se transformer en bonne habitude de passe-temps durant l'emprisonnement.

Cette souffrance de 15 ans sans crime rend de suite sacrée la figure de Juliette. C'est en réalité une mère qui a tant souffert pour son fils mourant (à l'insu de tout le monde) et pour son propre amour maternel: "la plus terrible prison, c'est la mort de l'enfant." C'est cette phrase qu'a dit Juliette à la bonne fin du film qui m'a éclairé l'intention de Philippe Claudel: il y a des moments où l'on crée un événement juste pour sortir une deux phrases essentielles à soi, et l'histoire de Juliette en est exemple.

Ma meilleure amie du lycée a dit il n'y a pas longtemps que quand les écrivains travaillent, ils sont avant tout en train de soigner leurs propres problèmes; il y en a qui sont grands parce qu'ils parviennent à rendre universels leurs problèmes. On peut s'attendre de même de la part de Claudel, dont ce premier film s'avoue très positif, bien que ce n'est pas encore un film de valeur pour moi: un film de valeur serait celui qui coule, qui dialogue avec le spectateur de diverses façons, qui n'a pas beaucoup de relief dramatique mais s'il en a un, c'est electrique, il bouleverse au lieu d'accroche, et il produit les remous qui empreintent plutôt que les larmes qui se sèchent vite.

Après tout, je crois que le message que transmet Claudel à travers son premier long métrage, c'est qu'il a voulu montrer et soigner l'enfermement du coeur, le refoulement et le mutisme, qui à mon avis ne sont pas étranges du tout dans notre vie moderne, moi-même ayant connu par moment cet isolement mental; l'un comme l'autre étant à l'encontre des éléments audio-visuel, la représentation de ces états d'âme ne se réalise probablement que par les moyens cinématographiques: parler (moins), agir, faire voir ce qui change et faire sentir ce qui n'est pas dit.


----------------------------------------
Plus d'infos:
-Une critique sur lemonde.fr: cliquez ICI
-Une interview avec Philippe Claudel sur Evene.fr: cliquez ICI
-Le site officiel du film:
cliquez ICI

19/02/2009

"Paris", synthèse bleue de Klapisch

"Vaut mieux ne pas prendre l'habitude d'emmener le boulot. Finis tout dans le bureau. Mais t'as besoin de voir tous les films en avance... Donc, le seul devoir à la maison: regarder les films."
--la patronne


J'ai lu les synopsis de "Paris" avant de voir le film. J'ai vu le film avant de me rappeler qui est Klapisch. Mais qui c'est?

C'est alors bien celui qui a fait "Auberge Espagnol", le fameux film des Erasmus (donc des Erasmus Mundus) qu'un ami m'a proposé lorsque je lui ai dit que j'ai été retenue par le programme Mundus, et que je n'ai toujours pas eu l'occasion de voir (mais que j'ai vécu). C'est là que je me suis souvenue d'un entretien avec ce réalisateur dans "Qu'en pensez-vous?", émission de samedi née de la réforme de France Culture après la rentrée du septembre 2008 (c'est grâce à Sarko..). J'ignorais son nom au début, j'avais retenu ses paroles avant d'entendre parler de son nom. Il a dit que, pour apprendre le cinéma, il avait essayé l'IDHEC, mais il avait été refusé. Ca lui a été une chance parce qu'il est allé alors à New York pour apprendre la réalisation, a acquéri ainsi, en plus d'une vision ouverte au monde, un savoir-faire américain qui lui a permis d'équilibrer la conceptualisation de trop dans le cinéma français. Depuis, il cherche toujours un point juste entre le cinéma commercial et le cinéma d'auteur.

Il faut dire que Klapisch est bien réussi, voire très réussi sur ce point. "Paris" en est la preuve. C'est un film qui fait plaisir, film touchant et qui touche simplement. C'est un Paris que les touristes reconnaissent et que ceux qui y ont vécu, habitants comme voyageurs, connaissent.

L'histoire se divise en, ou il faut plutôt dire "être composée de", plusieurs épisodes: la vie des autres et le croisement de ces vies et des personnages sous le regard du danseur dont le coeur "ne fonctionne plus". Un tel scénario circulaire dont le mot de passe est "être tombé sur..." et "a croisé/vu..." n'est pas nouveau, ce n'est pas la première fois qu'on voit dans un film que les histoires des différentes figures font réunir les gens à un moment donné: l'exercice de l'aspect dramatique est déjà fait dans Chacun cherche son chat, un autre film de Klapisch sur la ville de Paris que je ne connaissais pas encore au moment où j'ai vu ce film à Nankin.

Une petite dose de brutalité maladroite pique, lorsque la motoriste dragueuse rentre violemment dans une camion- un accident mortel- comme pour satifaire au besoin du scénariste qui veut sérieusement créer une condition nécessaire pour la greffe du coeur de notre beau danseur joué par Duris, et qui veut en même temps provoquer le sentiment de la désolation chez le spectateur juste après la fameuse conversation entre le patron et la nouvelle embauchée: "Tu peux commencer lundi prochain?" "Vendue!"

Les figures sont richement construites, chacune contribuant à la diversité qui marque la haute réalité de la ville en tempe actuel, chacune marquée d'une authenticité tant théâtralisée qu' impitoyable. Pour ne parler que de la bouffe, et c'est ça qui, oups, provoque en moi le coup de la nostalgie ridicule: voyons comment chantent les bouchers et les poissonniers au marché, ils sont aussi drôles, simples et bienveillants que les jeunes vendeurs arabes au marché de dimanche à Bastille. Et puis, souvenez-vous de la boulangère raciste dans le film, qui dans une première seconde chante aux clients "Bonjjjour!""Vous désirrrez?" "Traditionnelle ou normale?" "Avec ceccci??" "Au revvvoir Monsieur Dame!!", dans une deuxième seconde donne les discours comme "les africaines sont...ah yaya...zezeze...Mais j'aime les normandes, ah je les adore, elles travaillent beaucoup; les bretonnes... les bretonnes ne sont pas mal non plus; mais les corsières, vous avez, heu...hein, elles sont...enfin...pas terribles..."

Dans une critique, on pose la question: qui parle encore aujourd'hui comme ça? Sans doute personne. Mais moi je dis que l'envers de la boulangère existe. Je précise: la dame de la boulangerie à 100 mètres de la Bastille, métro sortie rue St Antoine. Je fais pas la pub. Je dis que chez elle, les pains sont tops, ce devrait être les meilleurs dans le quartier. Mais néanmoins, la dame ne souriait jamais et était toujours très sévère avec la jeune fille assistante, le temps que j'y allais chercher les pains; et elle distinguait très bien ses clients blanc, jaunes, noirs, classe, moins classe, vulgaire, comme distinguer les pains de maïs, pains complets, pains de seigle, baguette au pavot, baguette multi-céréales, baguette aux grains de tourne-sol. "C'est ça, Paris." Belle synthèse gratuite.

Quand on parle de Paris, les histoires de l'amour libertin et du désir sont incontournables. Ces derniers rapprochent les gens blessés ou solitaires, dont l'instinct parvient toutefois à résister à la mauvaise foi de 100% et apprend à comprendre le sentiment amoureux, le vrai. Ainsi y a-t-il eu l'une des plus belles scènes où le poissonier verse les cendres de la motoriste depuis la terrasse de la Montparnasse: promesse tenue. Et la scène dans laquelle l'ami/ennemi du poissonier s'arrête brutalement alors qu'il est prêt à bondir comme une bête sur une femme inconnue vêtue de léopard: "non, c'est pas toi", et s'en va: à cause d'une même phrase qu'avait dit la motoriste. Même la belle étudiante qui profite en même temps d'un beau juvénile et de son prof historien épris d'elle et souffert de solitude (et qui danse super bien!!) a décidé de faire venir cet homme d'âge moyen pour qu'il "voie sa vie": invitation au voyeurisme et à l'exercice du durcissement du coeur.

Le voyeurisme? Mais c'est la moindre des choses dans un amour comme dans un film. L'amour pour une personne comme celui pour une ville. C'est bien là que se distingue la caméra de Klapisch qui caresse cette ville chère à lui, dans ce film qui inclut tant de vue et de vision exceptionnelles sur la ville et sur la vie dans cette ville. Les diverses façons de voir Paris, réparties dans tout le film, sont tout à fait poétiques, et c'est dommage que les qq critiques que j'ai lues ne semblent pas avoir remarqué cela. Comptons: le regard du danseur du haut du balcon de l'appartement pour voir, citons le synopsis, "les gens de la ville qui lui montrent la danse de la vie"; la vue d'une chambre à une autre en face de la rue (ça date de l'époque de Truffaut); le panorama de toute la ville depuis un appart de la Défense; et la vue la plus fantastique : celle de l'historien qui guette par hasard sa jeune aimée à travers une longue-vue en haut de la Tour Eiffel.

Le film se termine sur la vue la plus magnifique, de loin ma préférée: le denseur va à l'hôpital recevoir l'opération de la greffe, il regarde la ville à travers de la fenêtre du taxi traversant Paris. Les quelques coins familiers que j'ai vu dans le regard du danseur me serrent le coeur. On dirait un faux cliché semblable à la manif dont le taxi driver parle dans le film comme un rappel aux touristes: la Bastille, c'est les manifs.

ô Bastille: d'où j'ai quitté la France. Voici l'une des dernières séquences-travelling(notées par mémoire): la caméra parcourt les boutiques, revient sur le visage de Romain, de nouveau part à l'extérieur du taxi, arrive à la place Bastille, les escaliers de l'Opéra; puis remonte, devient plus aérienne : le petit angel doré. Oui, dans le sens face de l'angel, il y avait l'amie qui m'hébergait et chez qui j'ai passé les jours d'angoisse, d'auto-restauration, de la joie des arts et des amitiés. La caméra tourne rond avec le taxi, s'en éloigne, et on voit le visage de Romain, superposé avec son reflet: Romain allongé sur le siège, regardant le Paris teinté du bleu du ciel.

A vrai dire, ces quelques secondes m'a provoqué presque les larmes. Bien insensée, hein, et j'ai dit ça à mon collègue documentariste, avec qui j'échange qq mots sur les films, alors qu'il me dit que "Il y a longtemps que je t'aime" lui a coûté les larmes, encore que c'était dans le bureau!

Au dernier plan du film, un air paradisiaque règne sur le visage de Romain. Si l'on pouvait aller au rendez-vous avec le diable de telle façon, ce serait de la grâce de Dieu, sans faute.



-----------------------------------------------------------------

Plus d'infos:

-Une critique que j'aime bien parmi les quelques articles que j'ai consultés: cliquez ICI

-Site officiel du film Paris: http://www.lefilm-paris.com/