15/03/2009

Hé~ Rumba!(le film)

RHUMB ou RUMB n.m. (...) altération (sous l'influence de l'espagnol rumbo et de l'anglais rhumb) de rym de vent, de l'anglais rim "cercle extérieur d'une roue" MAR. Quantité angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent du compas, et égale à 11°15'.
[--Dictionnaire le nouveau petit Robert 2007, pp.2250]

RUMBA: danse à mesure binaire, dont le rythme se compte en 4 temps. A la différence du cha-cha-cha, pour laquelle on compte un-deux-trois-chacha, dans le pas de base de la rumba, la mesure est comptée comme deux-trois-quatre et/un. Le premier temps est le temps fort, mais on part sur le dernier temps qui consiste en une suspension: entre 4 et 1, c'est le temps majeur où l'on fait un mouvement de hanche et une rotation. (Source)

"La rumba évoque pour nous quelque chose de profond, de physique, de sensuel." -
-- Le Trio Réalisateurs


RUMBA : "...un film d'humour belge, une histoire d'un couple qui tombe puis se relève, qui retombe puis se rerelève, qui reretombe puis se rererelève, qui rerere..."


L'annonce de la sortie du film en France était ainsi répétée d'un ton hilarant, sur France Info en septembre de l'année dernière. Je n'ai pas pu retenir le nom des réalisateurs, et pourtant, je me suis souvenue que c'était la "Rumba" parce que c'est l'une de mes préférées parmi les danses argentines, et que la critique disait que le film marquait un style renouvelé et exceptionnel du cinéma belge, déjà pas mal évoqué dans les brochures de projections pendant les vacances du Cinéma Rive Gauche de Perpignan. Comme j'étais alors au dernier stade de la rédaction du mémoire, puis aux préparations du départ de Perpignan, je n'ai vu ce film ni à Perpi, ni plus tard à Paris.

Je deviens ravie lorsque j'ai vu le nom de Rumba dans la liste des films sélectionnés pour cette édition du Panorama, et que j'ai compris qu'il s'agit bien de Rumba le film belgique que j'ai entendu parler à la radio l'année dernière mais que j'ai manqué. En voyant les premières scènes du film, je ne peux m'empêcher de crier: c'est encore eux!

C'est bien eux, le trio qui a réalisé l'Iceberg: Abel & Gordon, Bruno Romy. J'ai vu l'Iceberg un peu plutôt en été dernier, séduite justement par le dit "style renouvelé du cinéma belge". Cet après-midi-là, il faisait chaud dehors, il n'y avait pas bcp de gens dans la petite salle. C'était un sentiment frais que j'ai eu pendant la projection de ce film. D'abord la fraicheur du style: un style que je n'avais jamais découvert auparavant, d'autant plus admirable que je me trouvais un peu lasse des fictions françaises teintées de noirceur projetées à l'époque. C'est une sorte de comédie grotesque qui fait sourire non pas avec les langues et les mimes mais avec le corps entier des acteurs. On allait presque dire dans un premier temps que ce n'étaient que les conneries, que qu'est-ce qu'ils jouent, ces clowns sur scène cinématographique.

Néanmoins, les choses sous-jacentes peuvent atteigner le coeur de manière inattendue, et sont marquées d'une ingénuité qui va à l'encontre de notre époque, d'une irrationalité féérique relevant de l'enfance: quels sentiments choisissez-vous, devant la scène où Fiona, deux cônes de crème glacée à la main, revient au port chercher l'homme muet et sourd, alors que ce dernier s'éloigne déjà sur un canot? En rire parce que c'est "deux cônes"? (quel jeu de mots, imaginons que la vendeuse de gelato vous demandera l'été prochain: vous voulez la cône ou le coupe?...) ou donner un léger soupir pour ce rdv manqué?

La vision de féérie, ou de fable empathique, a été largement soulignée dans la décoration et le repérage: les endroits si bien colorés et d'une sensation oniriques, les dessins dans la petite chambre maritime de l'home muet et sourd, devenu le naif troisième du couple; l'orage sur mer qui semble avoir eu lieu dans un espace imperméable, la danse près de la jetée ecossaise qui ressemble à celle de St Andrews...

Le passage de l'Iceberg à Rumba est marqué tant par une continuité évidente sur la conception générale du style, qu'un développement linéaire et parallèle sur le plan thématique. Tous les titres impliquent le mélange des langues et donc des cultures, la scène de la chambre à coucher se répètent en se variant dans les deux films. Dans l'Iceberg, c'est sur le thème de la quête indéfinie d'un sentiment et d'une vie d'ensemble véritables du couple, mêlée de l'égarement mentale, géographique voire temporel; dans Rumba, le couple part de l'état idéal d'une vie nuptiale au premier temps(le temps fort, comme indique le principe de la danse), pour se confronter aux vicissitudes de la réalité tout en tenant la faible espoir d'optimisme. De l'Iceberg à Rumba, l'évolution est ce que l'expérimentation ultraréelle est devenue plus pieds sur terre et donc plus populaire: c'est donc judicieux que, avant que le Panorama ne commence, les distributeurs basés en Chine ont déjà décidé d' acheter Rumba, censé pouvoir mieux plaire au public chinois et rafraichir leur goût pour l'amusement teinté de noirceur.

L'humour à la belge, c'est ça qui fait signature pour ce trio réalisateurs qui ont fait ces deux films. A ce sujet, je me souviens du propos d'une professeure universitaire belge à l'occasion d'un colloque sur le thème du "Rire Européen". Avant de parler de l'humour belge, elle se plaignait, elle disait que ce n'était pas juste que tous les européens, et particulièrement les Français, et plus particulièrement les parisiens dont elle ne supportait pas l'arrogance, se moquaient des belges. Elle citait les blagues françaises visant aux belges, elle déplorait qu'à Paris, les chauffeurs pouvaient se montrer insolents en attendant les feux verts juste parce que sur le panneau de sa voiture était marquée BE. Elle se plaignait et elle riait elle-même, toute la salle riait avec elle. C'était la première fois que j'ai connu l'humour belge et son charme étrange. J'étais impressionnée par sa personnalité, par sa présence même qui évoquait le rire sympathique: tout le monde était bien sérieux (mais que veut dire être sérieux...), elle l'avait l'air aussi, mais elle était avec son chien et quand elle allait monter sur le plateau et parler au micro, elle emmenait son chien: un petit chien noir de poils frisés qui était très sage durant tout le colloque. Je trouvais merveilleux cet accompagnement intellectuel.

L'humour belge n'est pas forcément un humour noir, comme appellent certains médias chinois qui disent qu'une large partie des films de cette années sont de ce genre. Au contraire, c'est un humour provenant de l'âme blessé, un rire de celui qui souffre, et c'est ça le plus réel et le plus sincère des choses de la vie. C'est un style amer et chaplinien, non pas en noir-blanc mais coloré de manière extravagante; une drôlerie à la fois décalée, inattendue et profonde, tellement que le rire même peut nous échapper.

"Une poésie burlesque", voilà le bon terme. Burlesque l'amour nuptial, burlesque les souffrances de la réalité de la vie : impossible d'y échapper... Et alors?

Rien... Rient.


(la dernière phrase est le propos d'une invitée lors de la réception de l'ambassade dans le film India Song de M. Duras)







"Notre film raconte la quête burlesque d'un couple heureux, totalement abandonné par la chance, qui court après le bonheur perdu et s'en éloigne un peu plus à chaque pas. Il parle de la maladresse humaine, de la fragilité du bonheur et du besoin d'amour. Le destin cruel et malicieux qui s'acharne à faire trébucher nos héros dérisoires révèle le côté insubmersible de l'être humain, son optimisme sans cesse renouvelé, son espoir inépuisable. Que reste-t-il quand on perd tout ce qui fait notre bonheur ? Pour nos personnages, au bout du voyage, ce qu'il reste, c'est l'amour, égratigné, fragile, mais bien vivant."


-- le Trio Réalisateurs



Le film:
Réalisateurs:
Dominique Abel & Fiona Gordon, Bruno Romy
Titre: Rumba Date de sortie: 2007 Pays: Belgique Genre: Fiction Durée: 77'
Site Officiel: www.couragemonamour.net



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