13/12/2009

Extraits


(Sur la photo: Voici la dernière page de mon stockage shen bao : extrait de la page A la Une de Shen Bao,
Journal de Shanghai, du jour où est parue l'une des pubs que vous avez vu hier, celui du 13 décembre de l'année 1912+26=1938)



J'ai appris il y a deux jours seulement qu'il y a eu une remise de prix de traduction à Pékin et que M. Le Clézio y était présent. J'avais vu l'annonce du documentaire (que j'ai loupé lors de son tour à Shanghai) sur M. Le Clézio dans laquelle il était prévenu que "l'auteur sera présent". Je ne savais ce qui m'avait pris, je me fis croire, en lisant cela, que ce serait le réalisateur qui serait présent parce que c'était juste incroyable que M. Le Clézio vienne comme ça en Chine. Mais en même temps c'est tout à fait normal.
 
Ce que j'aimerais réelement évoquer, c'est mon admiration pour l'un de ses romans qui m'a beaucoup marqué, Désert. J'ai ouvert la première page de ce roman au moment même que je montai dans l'avion pour Shanghai le printemps dernier(je viens de découvrir ceci: ce fut le jour d'anniversaire de M. Le Clézio, ma foi. Quel hasard.), et jusqu'à maintenant c'est (l'un de mes) livres de chevet puisque je lis d'une manière capricieuse.


Je me permets de mettre deux extraits:


Quelquefois Aamma raconte l'histoire différemment, comme si elle ne se souvenait plus très bien. Par exemple, elle dit que Hawa n'était pas agrippée à la branche de l'arbre, mais qu'elle était accrochée à la corde d'un puits, et qu'elle tirait de toutes ses forces pour résister aux douleurs. Ou bien elle dit que c'est un berger de passage qui a délivré l'enfant, et qui l'a enveloppé dans son manteau de laine. Mai tout cela est au fond d'un brouillard incompréhensible, comme si cela s'était passé dans un autre monde, de l'autre côté du désert, là où il y a un autre ciel, un autre soleil. [...]
"S'il te plaît, parle-moi de celui qu'on apppelait Al Azraq, l'Homme Bleu."
Mais Aamma secoue la tête.
"Pas maintenant, un autre jour."
"S'il te plaît, Aamma, parle-moi de lui."   (pp. 89, Edi. Gallimard, 1980)


* * *

Lalla marche sur le trottoir, elle voit tout cela, ces mouvements, ces formes, ces éclats de lumière, et tout cela entre en elle et fait un tourbillon. Elle a faim, son corps est fatigué par le travail de l'hôtel, mais pourtant elle a envie de marcher encore, pour voir davantage de lumière, pour chasser toute l'ombre qui est rstée au fond d'elle. Le vent glacé de l'hiver souffle par rafales le long de l'avenue, soulève les poussières et les vieilles feuilles de journaux. Lalla ferme à demi les yeux, elle avance, un peu penchée en avant, comme autrefois dans le désert, vers la source de lumière, là-bas, au bout de l'avenue.
Quand elle arrive au port, elle sent une sorte d'ivresse en elle, et elle titube au bord du trottoir. Ici le vent troubillonne en liberté, chasse devant lui l'eau du port, fait claquer les agrès des bateaux. La lumière vient d'encore plus loin, au-delà de l'horizon, tout à fait au sud, et Lalla marche le long des quais, vers la mer. Le bruit des hommes et des moteurs tourne autour d'elle, mais elle n'y fait pas attention. Tantôt en courant, tantôt en marchant, elle va vers la grande église zébrée, puis, plus loin encore, elle entre dans la zone abandonnée des quais, là où le vent soulève des trombes de poussière de ciment.
Ici, tout d'un coup, c'est le silence, comme si elle était vraiment arrivée dans le désert. Devant elle, il y a l'étendue blanche des quais où la lumière du soleil brille avec force. Lalla marche lentement, le long de silhouettes des grands cargos, sous les grues métalliques, entre les rangées de containers rouges. il y n'a pas d'hommes ici, ni de moteurs d'auto, rien que la pierre blanche et le ciment, et l'eau sombre des bassins. Alors elle choisit une place, entre deux rangées de chargements reouverts d'une bâche bleue, et elle s'assoit à l'abri du vent pour manger du pain et du fromage, en regardant l'eau du port. (pp. 293-294, Idem.)



D'autres pages que j'ai trouvé belles: pp. 61, 67, 141, 209, 287. (Idem.)




Libellés: in Fabula, la Chineuse chine, En Bribe.



1 commentaire:

Cochonfucius a dit…

Le Clézio a aussi écrit un livre amusant, les Sirandanes, illustré joliment par Madame Le Clézio.